Sommet méditerranéen: la Syrie tête d'affiche

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Par Maria Appakova, RIA Novosti
Par Maria Appakova, RIA Novosti

Parmi les représentants de 43 Etats qui arrivent à Paris pour le sommet de l'Union pour la Méditerranée, qui doit s'ouvrir le 13 juillet, le héros principal devrait être le président syrien Bachar al-Assad. Sa participation à l'événement, ainsi que la perspective de le voir assis à une même table avec le premier ministre israélien Ehud Olmert présentent, pour les médias, un intérêt bien plus grand que le sommet lui-même, aussi impressionnant qu'en soit le format.

Le fait est que personne n'attend ni sensations, ni ententes inédites de ce sommet. L'Union pour la Méditerranée, dont a tant rêvé le président français Nicolas Sarkozy, risque bien de se transformer en structure bureaucratique rigide. La nouvelle organisation est, dans sa conception, un doublon du Processus de Barcelone, c'est-à-dire du dialogue euroméditerranéen qui débuta en 1992 et qui fut confirmé, trois ans plus tard, dans la Déclaration de Barcelone.

Le Processus de Barcelone regroupe 39 Etats (27 pays membres de l'Union européenne et 12 Etats du Sud et de l'Est de la Méditerranée). Il s'agit presque la seule structure d'intégration à laquelle participent en même temps Israël et les pays arabes. Elle poursuit les objectifs suivants: la coopération des pays de la Méditerranée dans des domaines comme la lutte contre le terrorisme, la stimulation de la coopération économique régionale, le règlement des problèmes des migrations illégales, ainsi que l'écologie et le dialogue des cultures. Les ambitions sont les mêmes en ce qui concerne l'Union pour la Méditerranée. La source de financement est également la même: l'Union européenne. Une seule différence est évidente au jour d'aujourd'hui: l'existence de deux présidents de la nouvelle structure (l'un représente l'UE, l'autre, les membres non européens). Il est prévu d'avoir également deux codirecteurs au secrétariat. Mais fallait-il organiser un show politique aussi grandiose pour apporter de tels changements? Pourquoi les chefs d'Etat ou leurs représentants ont-ils accepté de se rencontrer à Paris? L'Union pour la Méditerranée sera-t-elle le prolongement logique du Processus de Barcelone, ou bien s'agit-il d'une structure parallèle? S'il en est ainsi, à quoi bon déployer tous ces efforts, surtout si l'on tient compte du fait que le dialogue euroméditerranéen n'a pas été aussi fructueux que le voudraient ses initiateurs et que la nouvelle union risque de suivre la même voie.

Le paradoxe de la situation est que toutes ces questions sont posées non seulement par les observateurs, mais aussi par les futurs participants au sommet. C'est pourquoi de nombreux chefs d'Etat ont hésité jusqu'au dernier moment à se rendre à Paris. Cela concerne, entre autres, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. Ankara craint que sa participation à la future union ne serve de prétexte pour faire traîner en longueur les pourparlers sur son adhésion à l'UE. Le fait est que la France est particulièrement opposée à l'adhésion rapide de la Turquie, et lui propose d'autres formes d'intégration avec les pays européens.

En ce qui concerne les pays arabes, nombre d'entre eux avaient peur d'être entraînés dans des projets communs avec Israël, alors que le processus de paix au Proche-Orient n'avance pratiquement pas. Cela concerne, entre autres, l'Algérie, d'autant qu'une expérience amère reste dans les mémoires: l'absence de paix dans cette région est une des causes de la lente progression du Processus de Barcelone.

C'est le leader libyen Mouammar Kadhafi qui en a parlé de la manière la plus directe. En fin de compte, la Libye est le seul des pays invités qui ne participera pas au sommet. M. Kadhafi a qualifié le nouveau projet de Nicolas Sarkozy de "champ de mines" qui deviendrait inévitablement un terrain favorable pour des actes terroristes organisés par des groupements radicaux.

Le Guide de la Révolution libyenne est connu pour ses déclarations extravagantes qui sont accueillies dans le monde, pour l'essentiel, comme relevant du spectacle médiatique, et non comme des propos sérieux. Mais il est impossible de nier son expérience politique, fruit de nombreuses années passées à la tête du pays. Il a ajouté que la trop large participation des Etats à la nouvelle structure rappelait plutôt une salade, dans laquelle chaque groupe de pays apporterait ses problèmes. Il s'agit bien sûr du conflit arabo-israélien, des problèmes turco-kurdes, de la situation en Irak et au Liban, des différentes approches des membres éventuels de l'union envers les mouvements palestinien Hamas et libanais Hezbollah. C'est pourquoi le leader libyen estime qu'au lieu d'améliorer la situation dans la région, ce dont rêve Nicolas Sarkozy, la nouvelle union engendrera de nouveaux conflits. Bien qu'il ait soutenu initialement l'idée de l'intégration méditerranéenne, il a donc décidé de ne pas se rendre au sommet.

Il faut rappeler qu'il s'agissait initialement de fonder une union comportant uniquement des Etats riverains de la Méditerranée. Mouammar Kadhafi avait même proposé qu'elle ne regroupe que 5 ou 6 pays d'Afrique du Nord et autant de pays européens, en vue de régler les problèmes concrets qui se sont accumulés entre eux. Mais Nicolas Sarkozy a dû faire face à une puissante pression de l'Allemagne, qui insistait pour que tous les membres de l'Union européenne participent à la nouvelle structure. Personne ne sait vraiment ce que cela donnera. D'ailleurs, nombreux sont ceux qui soulignent que la participation au sommet n'engage à rien.

La presse concentre également son attention sur la rencontre entre les présidents français et syrien, la première en trois ans, ainsi qu'entre Bachar al-Assad et Michel Sleimane, une première depuis l'élection de ce dernier au poste de président du Liban. En outre, pour la première fois, le président syrien sera assis à une même table avec le chef du gouvernement israélien. Bien qu'aucun entretien ne soit prévu, le fait même de la présence d'al-Assad et d'Olmert à la rencontre fera sensation.

La Syrie montre en ce moment au monde un nouveau visage politique, caractérisé par une volonté de participer au dialogue et un esprit d'ouverture. La visite de Bachar al-Assad à Paris rompt l'isolement diplomatique dans lequel s'est trouvé le pays ces dernières années. En 2005, après l'assassinat de l'ex-premier ministre libanais Rafic Hariri, une partie de la communauté internationale avait accusé Damas d'en être responsable. La Syrie a été surtout critiquée par les Etats-Unis et la France, bien que celle-ci ait traditionnellement entretenu des contacts étroits avec elle. Damas a également été accusé d'ingérence dans les affaires intérieures du Liban et d'y avoir provoqué des conflits internes. Il est question, entre autres, du soutien apporté par les Syriens au Hezbollah, organisation considérée comme terroriste par plusieurs pays occidentaux. En même temps, Damas a été critiqué pour son soutien apporté au Hamas. Cependant, lorsque les hommes politiques libanais sont tombés d'accord, fin mai, sur l'élection du président du pays et se sont engagés à régler toutes les divergences sans recourir à la force, la position de l'Occident et d'un certain nombre de pays arabes à l'égard de Damas s'est considérablement adoucie. La visite de Bachar al-Assad à Paris le confirme définitivement, en donnant à la Syrie une chance de conférer une nouvelle dimension à ses rapports non seulement avec la France, mais aussi avec d'autres pays d'Europe, ainsi qu'avec les Etats arabes qui ne peuvent pardonner à Damas ses liens trop étroits avec Téhéran.

La Syrie, en la personne de Bachar al-Assad, a reçu une occasion de se débarrasser de son étiquette de paria et de revenir dans la grande politique. Ce qui va se passer à l'avenir dépendra aussi bien de Damas que l'Occident. Mais après le sommet de Paris, il est certain les règles du jeu changeront pour la Syrie. On ne peut pas en dire autant de la situation dans la Méditerranée.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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