George W. Bush passe aux adieux

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Par Andreï Fediachine, RIA Novosti
Par Andreï Fediachine, RIA Novosti

Le président George W. Bush a délaissé la Maison Blanche pour une semaine entière et entamé une grande tournée européenne qui durera jusqu'au 16 juin. Son voyage, qui a commencé le 9 juin par le sommet annuel UE - Etats-Unis à Ljubljana (Slovénie), le mènera en Allemagne, en Italie, au Vatican, en France, en Grande-Bretagne, et se terminera en Irlande du Nord.

Bien avant son départ de Washington, son administration lui a conseillé de "ne rien attendre d'extraordinaire de ce voyage". Hormis un long discours qu'il prononcera le 13 juin à Paris, au sommet de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), aucune autre allocution importante de George W. Bush n'est apparemment prévue. Tout le monde est conscient en Europe que le président américain s'y rend afin de faire ses adieux, car aucun des problèmes qu'il a engendrés dans les rapports américano-européens ne pourra être réglé avant la fin de son mandat. Comme l'a déclaré un diplomate européen, le genre des adieux donne lieu aux événements de loin les plus sympathiques, mis à part, peut-être, lorsqu'il s'agit de funérailles officielles (Dieu nous en garde) ou d'investitures: au cours de toutes ces cérémonies, il est permis d'être hypocrite, car rien d'autre n'est attendu. C'est peut-être cynique, mais c'est la réalité.

Les gouvernements de tous les pays susmentionnés, à l'exception, bien entendu, du Vatican, font partie du "club pro-atlantique" de l'Europe. Certes, il existe une grande différence entre le pro-atlantisme" astucieux de Berlusconi et de Sarkozy, le "pro-atlantisme" inné de Londres et le "pro-atlantisme" complexé d'après-guerre qui caractérise Berlin. Mais ils ont tous un point commun: ils accueillent le prochain départ du président américain comme une "heureuse délivrance" (good riddance, selon le Times de Londres), car, ces dernières années, les capitales européennes ont eu bien du mal à comprendre dans quel "milieu" vivait George W. Bush.

Il est à noter que les Européens ont toujours éprouvé des sentiments ambigus à l'égard de leurs cousins et cousines "incultes" d'outre-Atlantique, selon les éternelles représentations européennes. Ils aiment tous jusqu'à un certain point l'Amérique, comme ils peuvent la prendre en grippe. George Bush junior a porté cette ambivalence des sentiments européens à un niveau étonnamment élevé. En fait, il les a ramenés à l'époque où Maximilian Beerbohm, célèbre parodiste, romancier et essayiste, disait: "Certes, les Américains ont le droit d'exister. Mais je préfère qu'ils ne jouissent pas de ce droit à Oxford".

Au grand dam de George Bush-fils, rien ne résiste aux comparaisons. Et la dernière visite de "l'ami George" en Europe abonde en comparaisons peu flatteuses. Elle est officiellement destinée à marquer le 60e anniversaire (avril dernier) du Plan Marshall qui avait contribué au redressement de l'Europe après la Seconde Guerre mondiale. Mais elle se déroule également dans le contexte de deux autres anniversaires significatifs: a) les 20 ans de la célèbre première visite du président Ronald Reagan en mai 1988 à Moscou; b) les 7 ans de sa première rencontre avec le président russe Vladimir Poutine, qui s'était tenue le 16 juin 2001 à Ljubljana, et au cours de laquelle George W. Bush avait "regardé dans ses yeux et vu son âme".

Au cours de sa visite dans la capitale russe, également effectuée en fin de présidence, Ronald Reagan avait prononcé un discours à l'Université de Moscou, déclarant qu'il était enfin possible d'espérer "mettre fin à l'hostilité": "Les Américains cherchent toujours la possibilité de se lier d'amitié avec leurs anciens antagonistes". Il avait été incroyable d'entendre de tels propos sortir de la bouche de Ronald Reagan, dont l'ADN politique, pour ainsi dire, se caractérisait par un "anticommunisme virulent".

Les Européens constatent avec étonnement qu'au lieu de regarder en avant, George W. Bush se retourne toujours en arrière, en ayant recours, pour une raison que lui seul connaît, à des analogies datant de la Seconde Guerre mondiale qui, comme on l'estime en Europe, sont déplacées, pour ne pas dire plus, dans les conditions actuelles. Cela concerne notamment un récent commentaire de George W. Bush sur une déclaration de Barack Obama, indiquant qu'il engagerait des négociations avec l'Iran, Cuba et le Hamas en Palestine: George W. Bush a comparé ces déclarations au contexte des Accords de Munich en 1939.

En ce qui concerne les rapports avec la Russie, l'Europe, qui critique Moscou pour sa "démocratie boiteuse", sa maladresse juridique et sa vision étrange des droits de l'homme, n'arrive pas à comprendre pourquoi les rapports entre la Russie de Poutine et l'Amérique de Bush ont pu autant régresser et pourquoi il n'y a même aucun signe de correction dans la politique appliquée à l'égard de la Russie. Aucun pays de l'UE n'entretient de rapports aussi froids avec Moscou, à l'exception de certains "nouveaux Européens", ex-membres du bloc soviétique. Mais leur "inertie hostile" à l'égard de la Russie peut au moins s'expliquer.

Bien entendu, on aurait tort de penser que les Européens sont las des Etats-Unis, que le lien transatlantique est rompu. Tout simplement, il se redirige peu à peu dans une autre direction, et l'administration Bush n'a pas remarqué ce changement lors de son "mariage" avec les Européens. L'Europe est lasse non pas de l'Amérique, mais de George W. Bush et des manifestations d'une incompatibilité totale de points de vue quant à la lutte contre le terrorisme international et l'évaluation de la menace qu'il représente, comme l'a fait remarquer un ancien ministre britannique des Affaires étrangères. "La menace du terrorisme international, bien qu'elle soit grave, ne nous réunit plus, comme le faisait l'Union soviétique. Ah, si Brejnev pouvait revenir". Hélas.

Mais George W. Bush recevra tout de même son lot de paroles chaleureuses: les Européens sont très délicats, surtout lorsqu'il s'agit d'adieux, de funérailles et d'investitures.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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