Téhéran a annoncé, le 20 mai, avoir donné son accord à la visite de Javier Solana, Haut représentant de l'UE pour la politique étrangère et de sécurité commune. Celui qui est actuellement le principal négociateur avec l'Iran doit arriver ces jours-ci avec une série de propositions des Six (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU plus l'Allemagne), que Téhéran avait d'abord superbement ignorées.
En acceptant la discussion, Téhéran fait un pas semble-t-il encourageant. Il s'agit maintenant de savoir dans quelle mesure il est disposé à poursuivre dans cette voie.
La nouvelle résolution de sanction adoptée le 3 mars dernier (par le Conseil de sécurité des Nations Unies - ndlr.) ne prévoit aucun recours à la force contre l'Iran si ses exigences ne sont pas remplies. Mais rien ne garantit, non plus, que les Six partagent tous la position de Moscou qui mise sur la diplomatie. Et, surtout, la résolution ne reflète pas la position d'Israël, pays le plus intéressé à la solution du problème nucléaire iranien.
Car la sécurité d'Israël face à d'éventuels (même hypothétiques) tirs de missiles iraniens demeure le facteur décisif. Sur ce point, les positions des principaux acteurs concernés par le problème iranien sont loin de coïncider. Le dernier échange de vues entre la Russie et les Etats-Unis sur cette question en est la meilleure illustration.
Il aura suffi que le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov déclare que ce que les Six pourraient faire de mieux maintenant, ce serait de "mettre clairement sur la table des négociations des propositions concrètes et des garanties de sécurité pour l'Iran", pour qu'il essuie un refus de la part des Etats-Unis. Lors du voyage en Israël du président américain, Gordon Jondroe, porte-parole de la Maison Blanche, lui a répliqué : "Nous n'envisageons pas, à l'heure actuelle, de donner (à l'Iran) des garanties de sécurité. Le seul à devoir fournir des garanties de sécurité, c'est l'Iran lui-même, qui continue de menacer de rayer Israël de la carte du monde."
Et, dans son intervention à la Knesset, le président George W. Bush a promis à Israël "une alliance indéfectible" et de le défendre contre le terrorisme, accusant le président iranien Mahmoud Ahmadinejad de vouloir ramener le Proche-Orient au Moyen-âge. "Autoriser l'Iran à produire l'arme nucléaire serait un acte de trahison impardonnable vis-à-vis des générations futures", a conclu le président des Etats-Unis. En d'autres termes, l'actuel locataire de la Maison Blanche a promis son soutien à Israël et pas n'importe lequel puisqu'il a parlé d'"empêcher par tous les moyens" l'Iran de se doter de l'arme nucléaire. Or ce "empêcher par tous les moyens" est la thèse favorite du Premier ministre israélien Ehud Olmert, qui n'avait besoin que d'une confirmation de la part de la Maison Blanche. Ce qui fut fait.
Non seulement par George W. Bush, mais aussi par le possible futur président américain, Barak Obama. Celui-ci a fait une distinction entre "la diplomatie dure directe destinée à faire pression sur des pays tels que l'Iran" et le problème de la sécurité "aussi bien du peuple américain que de l'allié fidèle des Etats-Unis qu'est Israël", qui ne doit susciter aucun doute. A voir ce qui pourrait être moins dangereux pour Téhéran : la politique du cow boy pratiquée par George W. Bush ou la diplomatie à venir de Barak Obama ?
Mais que signifie user de "tous les moyens" contre l'Iran ? Ehud Olmert a déjà proposé aux Etats-Unis de limiter les liaisons maritimes et aériennes entre l'Iran et le reste du monde afin de freiner le développement de son programme nucléaire. Lors de la rencontre qu'il a eue avec la délégation des congressistes américains dirigée par Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, il a laissé entendre que, du point de vue d'Israël, les sanctions économiques en vigueur contre l'Iran étaient épuisées et a appelé les Américains à prendre des mesures plus "agressives" face à ce problème qu'Israël considère comme la menace numéro un pesant sur son existence même.
Le Premier ministre israélien n'emploie pas le terme "agressif" au sens d'opérations militaires. Il s'est notamment prononcé pour le blocus maritime de l'Iran proposant de faire appel à la Marine de guerre des Etats-Unis pour restreindre les capacités de navigation de la flotte marchande iranienne. Ehud Olmert a également proposé de limiter les vols de l'aviation civile iranienne ainsi que les voyages à l'étranger des hommes d'affaires iraniens et des personnalités politiques.
Rien n'a filtré sur les réactions des congressistes américains. Lors de sa visite en Israël, Nancy Pelosi a toutefois déclaré que les Etats-Unis préparaient toute une série de mesures complémentaires pour empêcher l'Iran d'accéder au statut de puissance nucléaire. Or Nancy Pelosi ne peut guère être rangée dans le camp de George W. Bush, même si ces déclarations ont fait chaud au c�ur d'Ehud Olmert.
L'Administration américaine affirme traditionnellement préférer les pressions économiques et diplomatiques mais n'exclut pas la possibilité de recourir à la force pour régler le problème. Il me semble que Téhéran sous-estime cette éventualité, comptant que les Etats-Unis s'enlisent en Irak. Le commandement militaire américain affirme sans ambiguïté que le Pentagone possède suffisamment de forces et de moyens pour conduire une opération militaire contre l'Iran.
Le problème nucléaire iranien connaîtra inévitablement un dénouement. Mais lequel ? La position ferme de la Russie et, personnellement, de son ministre des Affaires étrangères suffira-t-elle à aider l'Iran à éviter les ennuis ?
Pour l'instant, concentrons-nous sur les résultats de la future visite de Javier Solana à Téhéran. Les propositions renouvelées des Six, que le Haut représentant de l'UE emportera en Iran, supposent que Téhéran suspende, ne serait-ce que provisoirement, son programme d'enrichissement de l'uranium afin de revenir à la table des négociations comme l'exigent les trois résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. En réponse, Téhéran a, autant que l'on sache aujourd'hui, avancé ses propres propositions, exposant sa propre vision des problèmes internationaux et régionaux, notamment sa vision du programme nucléaire iranien. Il n'y a pas, cette fois encore, de quoi envier Javier Solana.
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