Dossier iranien: toujours pas de consensus entre les médiateurs

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Piotr Gontcharov, RIA Novosti
Piotr Gontcharov, RIA Novosti

La dernière rencontre des six médiateurs internationaux chargés du problème nucléaire iranien, qui a eu lieu à Shanghai, semble avoir échoué, si l'on en croit les rares informations données par une partie de la presse. Les partenaires (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU plus l'Allemagne) n'on pas réussi, cette fois encore, à adopter une position commune. Qu'est-ce qui les en a empêchés? John McCain, candidat républicain à l'investiture, a peut-être levé un coin du voile sur ce qui s'est passé.

Le 20 avril, le sénateur de l'Arizona déclarait sur la chaîne ABC que seules des sanctions "significatives et sévères" pouvaient constituer un mécanisme efficace pour la résolution du problème nucléaire iranien. En d'autres termes, il conviendrait, par le biais de sanctions rigoureuses, de contraindre Téhéran à renoncer à créer ses propres structures d'enrichissement de l'uranium (c'est précisément ce programme qui, non seulement préoccupe la communauté mondiale, mais nourrit aussi des soupçons quant au caractère pacifique du nucléaire iranien). De l'avis du sénateur, si les sanctions "sévères" n'ont jusqu'à présent pu être significatives, c'est uniquement parce que "les Russes ont bloqué tout ce que les Etats-Unis et l'Union européenne tentaient de faire passer au Conseil de sécurité de l'ONU".

La position de John McCain en faveur d'un durcissement des sanctions n'a rien de fondamentalement nouveau. Bien plus, elle s'accorde de façon suspecte avec la position examinée le 14 avril à Moscou, lors de la rencontre que les experts russes et américains ont eu sur le problème iranien dans le cadre de la Conférence internationale de prévention des catastrophes nucléaires. Il a notamment été dit à Moscou qu'il fallait soit reconnaître à l'Iran le statut de puissance nucléaire, c'est-à-dire possédant l'arme nucléaire, soit prendre des sanctions dures pouvant aller jusqu'à l'isolement. Les arguments avancés par les experts favorables à des sanctions sévères sont, de fait, en adéquation totale avec les arguments de John McCain: l'économie iranienne est très faible "en dépit des pétrodollars", puisque qu'elle dépend à 40% du raffinage effectué à l'étranger, ce qui la rend vulnérable aux sanctions.

Il est vrai qu'en plus des sanctions, on a évoqué aussi à Moscou d'éventuels investissements attractifs pour l'Iran, et d'autres choses encore. Cette approche, en revanche, diverge énormément de la position du sénateur. Par ailleurs, le rapport entre "sanctions" et "encouragements" est perçu très différemment par les Six. On peut donc dire, formellement, que la principale cause de l'échec de la rencontre des Six est due au fait que les participants n'ont pas réussi à trouver, cette fois, un consensus sur "la carotte et le bâton". Cet échec est sans doute lié à la position russe, ce qu'a voulu souligner John McCain dans sa phrase visant "les Russes".

Le sénateur a raison. Comme le déclarait le ministère russe des Affaires étrangères à la veille de la rencontre de Shanghai, les Six devaient se concentrer, cette fois, sur l'élaboration de propositions supplémentaires, à "caractère positif" pour la partie iranienne. La logique de Moscou s'appuyait sur le fait que la dernière résolution du Conseil de sécurité de l'ONU sur l'Iran était accompagnée d'une déclaration des Six qui évoquait notamment de possibles avancées dans leur position, revêtant un caractère positif pour l'Iran. Il semblerait que les Etats-Unis et, peut-être, la troïka européenne (France, Allemagne et Grande-Bretagne) se soient prononcés contre une résolution intermédiaire excluant un durcissement sensible des sanctions.

La résolution 1803, la dernière en date, comporte, comme on le sait, une interdiction de voyager à l'étranger pour diverses personnes impliquées dans l'élaboration du programme nucléaire iranien, le gel des avoirs de certaines sociétés et banques iraniennes ainsi que l'inspection des cargaisons. Les sanctions se sont révélées assez significatives pour l'économie iranienne, en particulier celles concernant l'inspection des cargaisons. Téhéran avait 90 jours (à compter du 22 février) pour réfléchir. Quelles sont les chances de voir l'Iran corriger sa position?

Comme l'a déclaré lors de la rencontre de Moscou Anton Khlopkov, directeur exécutif du Centre russe d'études politiques (PIR Center), il n'existe quasiment aucune divergence, au sein de l'élite politique iranienne, sur la question de savoir s'il convient ou non de poursuivre le développement de l'énergie nucléaire. Les principaux désaccords portent seulement sur la façon d'édifier les relations avec les autres pays concernant le dossier nucléaire iranien et sur la nécessité ou non de recourir à un discours et des gestes aussi durs que ceux du président Ahmadinejad et de son entourage.

Selon toute vraisemblance, l'Iran est bien conscient de l'impasse que représente, pour les membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, la situation actuelle liée à son dossier nucléaire. Cette impasse est due au fait que, d'un côté, l'AIEA confirme que l'Iran a apporté des éclaircissements sur une série de questions concernant ses activités nucléaires précédentes - ce que le Conseil de sécurité devrait juger positif, semble-t-il - et que, de l'autre, les sanctions à son encontre ont été durcies.

Ce n'est pas non plus un secret pour Téhéran que les capitales occidentales envisagent aussi, pour cette raison, d'autres variantes de sortie de crise (comme lors de la rencontre de Moscou), constituant une alternative à celles du Conseil de sécurité de l'ONU. C'est pourquoi l'Iran tente également de renforcer ses positions, annonçant la mise en service de milliers de nouvelles centrifugeuses (Mahmoud Ahmadinejad a notamment parlé de 6.000 centrifugeuses IR-2 dans son discours du 8 avril), alors que le pays se heurtera de toute évidence à de nouvelles difficultés pour développer sa propre industrie d'enrichissement.

On peut, naturellement, rattacher sans hésiter la déclaration de John McCain sur ABC à une question de programme électoral. Car l'Iran d'une manière générale, comme le problème nucléaire iranien, occupe une place importante dans les discours électoraux des trois candidats. Mais l'important est ailleurs. Ces déclarations reflètent-elles la position actuelle de la Maison Blanche?

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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