Il semble que l'infatigable Silvio Berlusconi, charmeur, grand communicateur, Il Cavaliere, comprenne son Italie natale bien mieux que les sociologues et politologues. Sa victoire aux élections des 13 et 14 avril était, certes, prévisible. Ce qui surprend, c'est son ampleur. "Je suis irremplaçable! déclarait-il encore la veille du vote. Les Italiens n'éliront que moi. La seule chose que je leur demande, c'est de m'accorder une majorité d'au moins 20 mandats au sénat". On ne peut pas dire que les Italiens aient pris à la lettre la demande de Berlusconi, tout simplement, ils en avaient plus qu'assez des centristes de gauche. Mais ils ont tout de même accordé au Cavaliere une majorité non pas de 20, mais de presque 40 voix à la chambre haute.
A la chambre des députés, sa coalition de centre droit a devancé son principal concurrent, le bloc de centre gauche du maire de Rome Walter Veltroni, en remportant 101 mandats de plus. Pourtant, tout laissait croire que la victoire de Silvio Berlusconi serait serrée.
A propos, le président russe Vladimir Poutine sera le premier leader à féliciter le Cavaliere en personne. Il entretient de vieux rapports d'amitié avec le premier ministre italien. Ils ont inauguré ensemble le gazoduc Blue Stream en 2005 (plus précisément, ils ont consacré le passage à un fonctionnement à plein régime). Comme on l'a annoncé le 15 avril au Kremlin, Vladimir Poutine fera une courte escale en Sardaigne les 17 et 18 avril, après sa visite en Libye. Les deux hommes doivent examiner "la coopération russo-italienne et ses perspectives de développement".
Dans le domaine international, Silvio Berlusconi a toujours été et reste un homme d'affaires pragmatique. La Russie a avec l'Italie des projets extrêmement prometteurs. Dès 2008-2009, Gazprom et le géant énergétique italien ENI ont l'intention d'amorcer la mise en oeuvre du projet South Stream, qui prolongera le Blue Stream (Russie-Turquie) jusqu'en Italie du Sud, des embranchements sont même envisageables vers Israël et l'Afrique du Nord. Environ 30 milliards de m3 de gaz seront transportés tous les ans par ce tube.
A 71 ans, Silvio Berlusconi devient donc premier ministre pour la troisième fois. Compte tenu de son âge, du fait que son précédent cabinet (2001-2006) est le seul de toute l'histoire d'après-guerre à s'être maintenu au pouvoir jusqu'au bout des cinq ans de législature, et enfin compte tenu de ses opérations de rajeunissement, le Cavaliere est même parfois surnommé Highlander. Il est vrai, l'idée même que Silvio Berlusconi puisse avoir une vie politique digne d'un immortel donne des frissons à l'opposition de centre gauche. "Le cauchemar ne fait que commencer, nous aurons cinq années de Berlusconi", a déclaré un représentant de l'opposition, dépité.
Le fait que le leader italien bénéficie maintenant d'une majorité dans les deux chambres du parlement, où le nombre de partis s'est réduit à cinq (leur nombre dépassait jadis les 20) compte tenu de la formation des deux principales coalitions, est également un fait extraordinaire. Il est prématuré d'affirmer que l'Italie a fait un pas vers le bipartisme. Mais les Italiens sont sur la bonne voie. On a l'impression que les électeurs ont souhaité mettre un terme au péché endémique italien, à savoir les crises gouvernementales permanentes: le prochain gouvernement sera le 62e en 63 ans.
Si la majorité parlementaire est assurée, personne ne sait combien de temps tiendra la coalition réunie par Berlusconi, car le nouveau cabinet aura affaire à des problèmes économiques très difficiles. Les experts de l'Italie, de l'Union européenne et du FMI sont unanimes à estimer que l'économie, les finances et la législation italienne en la matière ont besoin d'une "grande lessive".
L'Italie est devenue le principal retardataire de l'Europe. Cette année, la croissance y sera, selon le FMI, de 0,3%, contre une moyenne de 1,5% pour les 15 pays de la zone euro. Pour tirer le pays d'affaire, Silvio Berlusconi devra réduire considérablement les dépenses de l'Etat, amortir une dette publique record pour l'UE, réformer la législation, rénover l'infrastructure, nettoyer les ordures qui se sont accumulées à Naples et sauver Alitalia en faillite.
Tout cela demande de l'argent, et personne ne sait comment le Cavaliere parviendra à tenir ses promesses électorales: réduire les impôts, diminuer la dette de l'Etat et, en même temps, augmenter les prestations sociales (trois fois plus que ne l'a promis Walter Veltroni).
Les mauvaises langues disent qu'il n'a aucune intention de le faire. "Son précédent gouvernement de 2001-2006 n'a tenu aucune promesse économique, malgré une majorité assez confortable, affirme Gian Enrico Rusconi, professeur à l'Université de Turin. Au sénat, il dépendra entièrement de la Ligue du Nord, formation de droite, populiste et très protectionniste, qui fait partie de sa coalition et dispose de 25 mandats. Un pas de travers et Silvio Berlusconi perdra la majorité au sénat". Soit dit en passant, en 1994, la Ligue s'était déjà montrée rétive en sortant de la coalition, provoquant l'échec de son premier gouvernement.
Pour l'instant, tout le monde attend les premiers résultats des nouvelles noces du Cavaliere avec l'Italie. Mais n'aurait-il pas simplement séduit pour séduire, comme cela est déjà arrivé maintes fois à la république?..
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