Horoscope-2008 pour les républiques non reconnues

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Par Valentin Rakhmanov, RIA Novosti
Par Valentin Rakhmanov, RIA Novosti

Bien que les processus formels de négociations sur le statut de l'Abkhazie, de l'Ossétie du Sud, du Haut-Karabakh et de la Transnistrie se trouvent depuis longtemps dans une impasse, le début de cette année est loin d'être morne pour les républiques non reconnues de l'espace postsoviétique, et ce, à cause du précédent du Kosovo, des sollicitations de l'Ukraine et de la Géorgie pour être admises au sein de l'OTAN et de la demande adressée à la Russie par certaines républiques autoproclamées de les reconnaître.

Ces événements ont eu lieu dans le contexte de nombreuses déclarations péremptoires et impatientes faites par des hommes politiques abkhaz, transnistriens, sud-ossètes, russes et américains. Il suffit de se souvenir d'une interview accordée à l'occasion du Nouvel An par le président moldave Vladimir Voronine, dans laquelle il cite le conflit de la Transnistrie parmi les problèmes à régler en 2008. Ce tableau est complété par le tas pittoresque de fragments laissés par un missile prétendument russe en Géorgie et les débris d'un avion espion abattu au-dessus de l'Abkhazie. Enfin, le président Mikhaïl Saakachvili a proposé ces jours-ci à l'Abkhazie une large autonomie au sein de la Géorgie, mais cette proposition a néanmoins été déclinée.

Cette "pulsation" dans les conflits gelés sur le territoire de la CEI (Communauté des Etats indépendants) nous autorise à poser la question suivante: est-il possible que des changements décisifs interviennent dès cette année dans la situation des républiques non reconnues? Comme l'a déclaré l'analyste politique Andranik Migranian, professeur à l'Institut d'économie mondiale et de relations internationales de Moscou (MGUIMO), au cours d'une table ronde intitulée "Après le Kosovo: la Communauté des Etats non reconnus emprunte la voie de la reconnaissance", "aucune des républiques non reconnues de la CEI ne sera reconnue dans un proche avenir".

Pour l'instant, l'unique pays qui envisage cette reconnaissance est la Russie, mais, selon lui, elle n'est pas encore prête à franchir le pas.

Pour la Russie, la reconnaissance de l'Abkhazie ou de l'Ossétie du Sud serait plutôt une démarche purement démonstrative, car elle n'apporterait aucun avantage au pays. Profitant de sa situation d'allié unique, la Russie peut très bien progresser, sans cela, vers l'intégration et le renforcement de la coopération économique et politique avec les républiques non reconnues. Selon Andranik Migranian, une telle reconnaissance ne ferait que lier les mains au ministère russe des Affaires étrangères et détériorerait encore davantage les rapports avec l'Occident. En outre, a-t-il ajouté, en cas de reconnaissance d'une ou plusieurs républiques non reconnues, la Russie remettra en cause son prestige, car il est probable qu'aucun autre Etat ne la suivra: par conséquent, Moscou "démontrerait ainsi son absence d'alliés", estime le professeur du MGUIMO.

Le directeur de l'Institut des pays de la CEI Konstantin Zatouline, un des principaux experts de l'espace postsoviétique, a affirmé, pour sa part, qu'une reconnaissance de certaines républiques non reconnues était tout de même possible. "Cela aura lieu si les Etats-Unis commencent à agir sérieusement en vue d'inclure l'Ukraine et la Géorgie dans l'OTAN, par exemple, s'ils leur octroient le Plan d'action en vue de l'adhésion à l'Alliance de l'Atlantique Nord", estime-t-il. Les représentants des républiques non-reconnues qui ont assisté à la table ronde ont à maintes reprises déclaré que la situation du Haut-Karabakh, de l'Ossétie du Sud, de l'Abkhazie et de la Transnistrie était très différente.

Effectivement, chaque conflit a ses particularités, c'est pourquoi la possibilité de changements en 2008 varie elle aussi. En ce qui concerne la Transnistrie, celle-ci est assez grande. Le statut et la situation de cette république non reconnue dépendent, pour beaucoup, des rapports entre la Russie et l'Ukraine. Il est facile de le comprendre en regardant une carte. En outre, le problème de l'intégration roumaine joue un rôle très important. Depuis la désintégration de l'URSS, deux partis sont apparus en Moldavie: les uns jugent nécessaire que le pays suive sa propre voie, d'autres se prononcent pour un rattachement à la Roumanie. Nombreux sont ceux en Transnistrie qui craignent que le parti "roumain" ne prenne le dessus, car cela se répercuterait directement sur la région. Autrement dit, si des changements soudains se produisent sur un des deux aspects susmentionnés, cela se répercutera sur la situation de la république non reconnue.

Au cours de la table ronde, les représentants de la Transnistrie ont également évoqué des problèmes intérieurs difficiles qui se ressentent sur le développement des événements. Ils ont mentionné, entre autres, le retour en Russie des Russes de Transnistrie, en raison du fait que l'espoir de régler rapidement le conflit s'amenuise. Les représentants de la république autoproclamée ont qualifié ce problème de principal.

En ce qui concerne l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, comme cela a été dit plus haut, ce sont les actions brutales de l'Occident qui pourraient entraîner le règlement rapide des conflits. Mais un tel règlement reviendrait à trancher le noeud gordien, car les parties ne sont pas prêtes à faire des compromis.

Selon de nombreux analystes, le conflit du Haut-Karabakh est le plus "gelé" de tous. Les intérêts de l'Occident et de la Russie n'y sont pas encore entrés en confrontation comme en Géorgie et les représentants de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan ne sont pas non plus prêts à faire des compromis, c'est pourquoi des changements rapides y sont très peu probables.

Si la Russie ne reconnaît pas prochainement les républiques non reconnues, ce sur quoi presque tous les experts sont unanimes, certaines solutions intermédiaires semblent néanmoins relativement plausibles. Andranik Migranian fait remarquer qu'un statut "d'associé à la Russie" est possible pour la Transnistrie. Selon lui, ce ne serait pas une reconnaissance, mais ce statut permettrait d'étendre la coopération avec cette république.

A en juger par la fréquence avec laquelle arrivent ces propositions, un statut intermédiaire pourrait être proposé dès 2008 à une ou plusieurs républiques non reconnues, même si, il est vrai, ce statut n'apporterait pas grand chose. Si les problèmes des Etats non reconnus de la CEI diffèrent substantiellement, en revanche, leurs attentes sont les mêmes. Les représentants de l'Abkhazie, de l'Ossétie du Sud, de la Transnistrie et du Haut-Karabakh se prononcent unanimement pour l'indépendance et mettent l'accent sur des contradictions indissolubles avec les Etats dont ils font partie officiellement. Ils attendent de la part de la Russie une coopération humanitaire plus intense et la reconnaissance de leur indépendance. Ils déclarent même qu'ils lutteront coûte que coûte pour cette indépendance, et que le Kosovo a, de manière certaine, fourni un précédent.

En dressant le bilan, on peut dire que les quatre conflits gelés dans l'espace postsoviétique dépendent, dans une grande mesure, des rapports entre les Etats concernés de Transcaucasie et d'Europe de l'Est, ainsi que de l'élargissement de l'OTAN et de l'UE à l'Est. Les changements soudains qui interviendront à un endroit entraîneront des changements dans d'autres endroits. Les récents débats sur la question au parlement russe se sont terminés par l'adoption d'une déclaration de la Douma (chambre basse) qui encourage le soutien aux républiques non reconnues, mais qui souligne, d'autre part, "la reconnaissance de l'intégrité territoriale de la Géorgie et de la Moldavie". A regarder de plus près cette déclaration en forme de compromis, on voit bien que, sans l'apparition de nouveaux facteurs indirects, le règlement des problèmes de la Transnistrie, de l'Abkhazie, de l'Ossétie du Sud et du Haut-Karabakh pourra prendre encore de nombreuses années.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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