Bush en Europe: des honneurs de Kiev au... "Good bye, George"

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Par Andreï Fediachine, RIA Novosti
Par Andreï Fediachine, RIA Novosti

Il est fâcheux de devoir reconnaître, d'autant plus pour un président américain, que les choses vont si mal à la fin de son mandat, et que même le "dernier" sommet de l'OTAN, le plus représentatif de toute l'histoire du bloc, doive être celui du sauvetage de sa propre politique étrangère. C'est pourtant bien l'impression que donne la dernière tournée européenne de George W. Bush. Il est arrivé le soir du 31 mars en Ukraine, d'où il se rendra au sommet de l'OTAN à Bucarest (2-4 avril), avant de faire un saut en Croatie le 5 avril et de rencontrer le président Poutine le 6 avril à Sotchi.

Kiev a adressé à "l'ami George" un si chaleureux "Bienvenue en Ukraine" que les collègues européens des Etats-Unis au sein de l'OTAN devront déployer de grands efforts pour éviter que leur "Good bye, George" ne trahisse un soulagement évident. Le fait est que Bush-fils a réduit ses alliés européens de l'OTAN (il s'agit, bien entendu, des vieux Etats, et non des novices européens et baltes) à un tel état à la fin de sa présidence qu'il leur sera bien difficile de faire au président américain un beau cadeau de départ en retraite.

Washington l'a bien compris et a considérablement revu ses attentes à la baisse avant même la rencontre de l'OTAN. Juste avant son départ, George W. Bush a déclaré, dans une interview au journal allemand Die Welt, qu'il n'insistait absolument pas pour que l'Allemagne envoie ses unités dans le Sud de l'Afghanistan. Cette question risquait de susciter un grand scandale au sommet, car Berlin refuse d'envoyer ses soldats dans le Sud du pays où combattent Américains, Britanniques et Canadiens. Au lieu de cela, il sera question de l'élaboration d'une stratégie commune de l'OTAN en Afghanistan. Seul le président Nicolas Sarkozy a donné à George W. Bush des raisons de se réjouir, ayant promis d'envoyer en terres afghanes 1.000 braves Français en plus des 1.500 soldats qui s'y trouvent déjà, et de l'annoncer officiellement à Bucarest. Mais, en privé, les chefs de l'OTAN disent que la promesse de "Sarko"... sera à la hauteur de toutes ses autres promesses: les Français se trouvent dans le Nord-Est du pays, relativement calme, et n'obéissent qu'à leurs commandants.

Quant au "sixième élargissement" de l'OTAN à l'Est, il ne semble déjà plus seulement douteux, mais tout simplement irréalisable. En tout cas, tel que George W. Bush l'envisage. Des invitations à adhérer à l'OTAN devaient être lancées, lors du sommet, à l'Albanie, la Macédoine et la Croatie, ainsi que, dans une autre mesure, à la Géorgie et à l'Ukraine. Même l'admission de la Macédoine est aujourd'hui remise en question. La Grèce menace de bloquer ce processus tant que son voisin n'aura pas changé de nom: les Grecs estiment que les Macédoniens les ont privés du nom historique de leur territoire et, par dessus le marché, prétendent à une partie de ce territoire. Puisque la règle du consensus est en vigueur au sein de l'OTAN, ce qui veut dire que l'admission d'un nouveau membre implique le consentement des 26 membres actuels, le veto d'un seul pays peut être fatal.

Les perspectives de Kiev et de Tbilissi sont pires. Malgré la promesse de "l'ami George", il semble que ni Viktor Iouchtchenko (qui se heurte à des difficultés dans son pays), ni Mikhaïl Saakachvili (la situation dans le sien est bien pire encore) ne se verront octroyer un billet d'adhésion à l'OTAN, pourtant si nécessaire à l'amélioration de leur réputation. L'Allemagne et la France, ainsi que d'autres vieux pays Européens, s'y opposent.

Sur cette question, c'est la chancelière allemande Angela Merkel qui donne le ton, car elle ne souhaite pas aggraver encore davantage l'antagonisme avec Moscou à un moment où les rapports avec la Russie se sont déjà détériorés à cause du précédent du Kosovo et des querelles autour des nouveaux systèmes de défense antimissile en Europe centrale. En privé, les diplomates allemands affirment qu'il n'y a aucune raison de se hâter d'admettre Kiev et Tbilissi au sein de l'OTAN. A moins, bien sûr, d'accepter de satisfaire le désir de George W. Bush de laisser une trace dans l'histoire. Sans même être admises à l'Alliance, l'Ukraine et la Géorgie jouent déjà un rôle de tampon entre l'OTAN et la Russie, leur situation "en suspens" est bien plus commode pour Bruxelles: elles se laissent gouverner et l'OTAN n'assume aucune responsabilité. "Toute l'énergie des Européens est déjà dirigée au-delà de 2008. Ils ont déjà besoin du sommet de 2009, alors que l'administration américaine vit toujours en 2008", a expliqué un analyste du Centre d'études stratégiques et internationales de Washington.

Le volet russe de la tournée est également peu prometteur pour le président sortant, bien que Washington ne cesse de faire allusion à un rapprochement des positions concernant l'ABM et de souligner le désir d'établir à Sotchi un "cadre stratégique des rapports américano-russes pour les successeurs". Une autre explication est probablement plus légitime. La Maison Blanche (et son entourage) n'a jamais assisté à une passation de pouvoir semblable à celle qui se déroule aujourd'hui en Russie et peine à comprendre jusqu'à présent ce qui attend le pays après le 7 mai (investiture de Dmitri Medvedev): un "après Poutine" ou, comme l'a formulé un diplomate européen, une époque de "semi-Poutine". George W. Bush se rend probablement à Sotchi pour évaluer le pouvoir que le président sortant laissera en politique étrangère à son successeur Dmitri Medvedev.

Il semble qu'il s'agisse là de la véritable raison. En effet, on ne peut tout de même pas considérer comme but principal de la visite celui cité par le Sunday Times de Londres. Selon ce journal, Bush-fils et Vladimir Poutine négocieront à Sotchi "le projet de construction d'un tunnel sous le détroit de Béring". L'aménagement du tunnel est évalué par le journal à 33 milliards de livres sterling et, après sa construction, il sera en principe possible de rallier par la terre New York depuis Londres, facilement et sans escales.

Dans l'idéal, cela fonctionne, si l'on ne tient pas compte cependant d'un petit détail: il faudra également construire une voie ferrée reliant Moscou à la Tchoukotka, ce qui sera tout simplement plus difficile que de relier Londres et New York.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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