Le déclin de l'empire américain?

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Par Galina Zeveliova (Washington), pour RIA Novosti
Par Galina Zeveliova (Washington), pour RIA Novosti

L'un des résultats inattendus de la baisse du cours du dollar par rapport à la monnaie européenne enregistrée durant ce dernier mois est l'abandon par les Etats-Unis de leur position de plus grande économie mondiale, cédant ainsi la suprématie aux pays de la zone euro, annonce à ses clients la grande banque d'investissement Goldman Sachs.

Le produit intérieur brut (PIB) de l'Union européenne, qui compte 27 pays, a depuis longtemps dépassé le PIB américain (il est 25% plus élevé, s'il est calculé en prenant en considération le cours de change actuel). Cependant, le fait que les 15 pays de la zone euro aient également devancé les Etats-Unis sur le plan économique revêt une grande importance pour l'évaluation du futur rôle mondial du dollar en perdition et de l'euro, son principal concurrent, qui n'est pas seulement une monnaie stable, mais s'appuie aussi à présent sur la plus puissante économie commune au monde.

En 2007, le PIB des Etats-Unis a officiellement été évalué à 13.843,8 milliards de dollars, et celui de l'économie des 15 pays qui ont adopté la monnaie européenne, à 8.847,889 milliards d'euros. La baisse du cours du dollar par rapport à l'euro entraîne l'accroissement du PIB de la zone euro qui s'élève actuellement, en dollars, à 13.880,568 milliards (les deux monnaies s'échangeant à 1/1,56). Certes, ce calcul reste conventionnel, il montre avant tout l'importance de la chute du dollar. Cependant, il s'agit aussi de la réévaluation de l'économie américaine et de ses actifs qui accusent un recul, avec toutes les conséquences qui en découlent pour les positions économiques des Etats-Unis et de leur monnaie dans le monde.

Si l'on considère l'indice relatif, et non absolu, du PIB, c'est-à-dire le PIB par habitant, et la dynamique observée ces cinq dernières années, on peut voir que l'opinion largement répandue sur la grande solidité des fondements de l'économie américaine, renforcée jusqu'à ces derniers temps par un boom sur le marché de l'immobilier et du crédit (qui traverse actuellement une crise), ne correspond nullement à la réalité. Le volume total du PIB reflète la part et, par conséquent, pour beaucoup, l'importance de tel ou tel pays dans l'économie mondiale. Cependant, c'est l'indice relatif du PIB par habitant qui témoigne le mieux du niveau de développement d'un Etat, du bien-être de ses citoyens et de la santé économique du pays.

Selon la récente édition du World Factbook de la CIA, pour le PIB par habitant en parité de pouvoir d'achat (PPA), les Etats-Unis occupent la 9e place dans le monde après des pays comme le Luxembourg, la Norvège, le Koweït, Singapour et certains autres petits Etats. Dans le groupe des plus fortes économies du monde, concernant cet indice, les Etats-Unis restent leaders: le PIB par habitant y est de 46.000 dollars. Cependant, si l'on examine sa dynamique, il s'avère que, ces cinq dernières années parmi les sept économies les plus développées du monde, le taux le plus élevé d'accroissement du PIB par habitant a été enregistré en Grande-Bretagne et au Japon (respectivement 2,3 et 2,1% par an en moyenne), alors que son accroissement annuel moyen aux Etats-Unis a été de 1,9% durant la même période. Selon le dernier pronostic fait en mars par l'influent cabinet de conseil PricewaterhouseCoopers, le taux d'accroissement du PIB par habitant en parité de pouvoir d'achat aux Etats-Unis dans la période 2007-2050 devrait être le plus bas parmi les 17 plus grands pays du monde.

Le faible niveau du taux d'accroissement du PIB par habitant n'est pas le seul problème de l'Amérique. De nombreux indices reflétant le niveau de bien-être social du pays et de la qualité de vie de ses citoyens suscitent une vive inquiétude. Par exemple, selon les estimations des analystes de la CIA, l'Amérique occupe la 45e place dans le monde pour l'espérance de vie, après la Jordanie et la Bosnie. Dans 41 pays, y compris Cuba, la mortalité infantile est inférieure à celle des Etats-Unis.

Dans les pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) qui connaissent un boom économique, c'est en Russie que le PIB par habitant s'est accru le plus rapidement, son accroissement annuel moyen ayant atteint 7,4% en cinq ans, ce qui résulte non seulement des taux élevés de croissance économique, mais aussi de la réduction de la population du pays. Selon le récent pronostic de Goldman Sachs, parmi les pays du BRIC, la Russie est la seule ayant de réelles chances au milieu du XXIe siècle de devancer le Canada, la France, l'Allemagne et le Japon au niveau du PIB par habitant.

Les plus grandes économies du monde et, par conséquent, les plus influentes, parmi lesquelles figureront la Chine et l'Inde, ne seront pas obligatoirement les plus prospères, à en juger par leur PIB par habitant. D'après le dernier pronostic de PricewaterhouseCoopers, l'économie chinoise sera dès 2025 la plus grande au monde, cependant, au milieu de ce siècle, le PIB par habitant en parité de pouvoir d'achat ne sera en Chine que de 37% du PIB par habitant américain en PPA. En ce moment, cet indice constitue 5.300 dollars en Chine et seulement 2.700 en Inde. Selon les estimations de la CIA, il a atteint 14.600 dollars en 2007 en Russie, soit un peu moins qu'en Croatie et en Pologne, mais plus qu'au Chili et en Malaisie.

Si l'on admet que le PIB par habitant reflète mieux la qualité de l'économie que le volume absolu des produits fabriqués et des services vendus, on peut affirmer que les Etats-Unis subissent une récession, et ce, depuis le dernier trimestre de l'année dernière déjà. Le PIB par habitant avait alors baissé de 0,4%. Le recul de l'économie américaine d'après cet indice s'est poursuivi lors du premier trimestre de cette année.

Que le début de cette récession aux Etats-Unis soit reconnu ou non, il est indéniable que l'Amérique traverse une mauvaise passe. Mais il ne fait aucun doute que ce pays surmontera en fin de compte les difficultés actuelles, qu'il subisse des pertes lourdes ou insignifiantes. Cependant, d'après certains indices, l'Amérique perd son leadership dans l'économie mondiale. Et l'affaiblissement du dollar ne fait qu'accélérer ce processus.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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