Poutine-Medvedev: pas de changement d'orientation

S'abonner
Par Boris Birstein, homme d'affaires, docteur en philosophie (Canada), pour RIA Novosti
Par Boris Birstein, homme d'affaires, docteur en philosophie (Canada), pour RIA Novosti

Plus on s'approche de l'investiture de Dmitri Medvedev et plus on a l'impression que sa présidence sera, sur certains aspects, plus difficile et, sur d'autres, plus facile que celle de Vladimir Poutine. Cette idée se fonde sur des faits évidents de la chronique historique de ces huit dernières années en Russie.

Vladimir Poutine avait succédé à Boris Eltsine, homme politique imprévisible qui n'avait pas d'expérience en matière de direction de l'Etat dans les conditions difficiles de cette époque-là. Pour être objectif, il faut reconnaître qu'il n'avait pas la possibilité d'apprendre de l'expérience des erreurs des autres, car, avant lui, la Russie n'avait jamais connu de crise comparable à celle des années 90. Le lien rétroactif entre Boris Eltsine et la société reposait sur les émotions et l'élan révolutionnaire, et nous savons bien, depuis 1917, ce que cela signifie. Pour comprendre, accepter et soutenir Vladimir Poutine, les Russes ont dû traverser les horreurs de la fin du XXe siècle. Pour sa part, il a dû trouver en lui-même des forces, un axe moral et le désir de changer le genre russe d'alors: passer d'une tragédie historique à une épopée sociale.

Vladimir Poutine transmet à son compagnon d'idée non seulement les projets nationaux de renaissance sociale en cours de réalisation dans le pays, mais aussi l'idéologie du développement, et des plans bien réels de création d'une nouvelle Russie. En ce sens, la tâche de Dmitri Medvedev sera bien plus facile que celle de son prédécesseur. Vladimir Poutine ne se faisait pas d'illusions, il savait bien dès son arrivée au Kremlin que toute la Russie et tous les Russes n'étaient pas prêts à le soutenir ardemment, lui et sa cause. En outre, en ne partant pas même d'une feuille blanche mais des ruines d'un pays jadis puissant, Poutine a su pourtant assurer des acquis et insuffler une nouvelle énergie à la progression de la société, conférer une motivation nouvelle à la vie sociale, et rejeter l'inertie de la destruction insensée qui s'était emparée de cette société.

Vladimir Poutine et son équipe ont commencé à accomplir un travail très important en vue de former la conscience sociale du peuple, sa compréhension de sa propre autosuffisance. Les gens assoiffés d'édification ont abandonné l'inertie traditionnelle des libéraux russes du XIXe siècle décrite avec une triste ironie par ce grand classique de la littérature russe qu'est Ivan Tourgueniev. Souvenons-nous de la célèbre phrase d'un de ses personnages: "Notre cause consiste à casser, celle de l'édification appartiendra à d'autres". La Russie a suivi l'appel de Vladimir Poutine. Il en découle un lien rétroactif différent de celui qui existait à l'époque de Boris Eltsine. Sans ce lien, le président n'aurait pu rien faire.

Certes, il a traversé des difficultés. Dmitri Medvedev arrive sur un champ labouré. Il devra cultiver le blé semé par son prédécesseur. En ce sens, le successeur a de la chance. Il ne sera pas considéré comme un "agent du KGB", comme le représentant d'un département qui n'existe plus. Bien que Vladimir Poutine soit loin d'être l'unique président au monde issu des services secrets, ce détail a toujours été souligné en cas de nécessité politique.

Dmitri Medvedev a depuis longtemps la réputation d'un libéral issu des "milieux de professeurs". Certaines forces voudraient en faire un novice cajolé. C'est effectivement un piège dans lequel il peut tomber. Ceux qui attendaient avec impatience, en Russie et à l'étranger, un changement de pouvoir dans le pays tâcheront certainement d'établir des rapports avec le nouveau chef de l'Etat selon leurs propres scénarios et d'autres encore, en misant sur sa prétendue inexpérience. Dmitri Medvedev n'aura pas la tâche facile, tout en sauvegardant les intérêts fondamentaux du pays, il devra créer l'architecture des rapports avec toutes ces forces, en évitant de brandir une menace, comme Vladimir Poutine a été contraint de le faire dans une Russie qui commençait tout juste à se redresser, mais en donnant tout de même à comprendre qu'il n'y aura pas de changement d'orientation.

Le nouveau président arrive au pouvoir dans une époque nouvelle. Les situations qui changent en un instant dans le monde d'aujourd'hui sont sans précédent dans l'histoire. Il n'est pas facile de tenir le gouvernail dans cet océan politique déchaîné. Mais sur ce point Dmitri Medvedev a de la chance: il aura à ses côtés Vladimir Poutine, dont l'expérience politique lui permettra de sortir rapidement de la "période transitoire". Sa tâche sera également facilitée par la société civile qui a voté pour un successeur, mais aussi pour le travail qu'il a accompli à son poste de vice-premier ministre russe.

Très peu de temps s'est écoulé depuis le jour de l'élection du nouveau président russe, mais on peut affirmer dès aujourd'hui que le tandem Poutine-Medvedev sera efficace.

Le fait que Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev ont le même point de vue sur ce qui est arrivé à la Russie dans les années 90 a une grande importance. L'optique dans laquelle ils considèrent les malheurs du pays étend considérablement la perspective. Ils comprennent l'essentiel. Ce n'est pas le "terrible" Occident qui est coupable de ce qui est arrivé à la Russie à la fin du XXe siècle et, d'ailleurs, les processus de ces années pénibles n'ont pas été provoqués que par le passé, mais aussi par l'idéologie des premiers réformateurs.

Vladimir Poutine, depuis longtemps, et Dmitri Medvedev à présent, posent une base solide d'approches et de rapports avec l'Occident, selon le principe d'une coopération conforme aux intérêts des partenaires. Vladimir Poutine a été rigide, car il devait faire avec l'héritage qu'il a reçu. Il fallait sauver le pays. Dmitri Medvedev a de plus larges possibilités de manoeuvre en matière de politique intérieure et étrangère. Ses intonations seront autres, mais il est peu probable que l'esprit de la "symphonie politique" change.

Dans ses déclarations, Dmitri Medvedev a maintes fois souligné que la Russie devait coopérer aussi bien avec l'Occident qu'avec l'Orient. Mais l'idéologie de cette coopération s'inscrit dans une doctrine éprouvée au cours de l'histoire et confirmée une fois de plus par le nouveau président: "Nous devons rechercher de nouvelles approches et ententes avec d'autres pays... Mais, de même que tous les pays civilisés, nous devons nous fonder sur l'intérêt de l'Etat et les avantages pour son peuple". Et, comme on le voit déjà, il n'a pas l'intention de rejeter la garantie de ces intérêts sur les épaules des partenaires occidentaux ou orientaux de la Russie.

Ces huit dernières années, Vladimir Poutine a organisé la vie en Russie de façon à former une conscience sociale édificatrice. Après avoir "damé le sol", il offre à Dmitri Medvedev la possibilité d'aborder l'étape suivante de renouveau social.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала