Iran: ce que révèlent les élections

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Par Piotr Gontcharov, RIA Novosti
Par Piotr Gontcharov, RIA Novosti

Les premiers résultats des législatives iraniennes n'ont rien révélé de sensationnel. Comme il fallait s'y attendre, les conservateurs, représentants de l'élite politique cléricale qui se prononcent pour l'immuabilité des traditions islamiques et du régime des ayatollahs, ont remporté une nette victoire aux élections. Les réformateurs, leurs principaux opposants, qui préconisent des réformes libérales dans l'économie et dans le domaine social, ainsi que l'adoucissement des rapports avec l'Occident pourraient même ne pas atteindre la barre des 20% au parlement. Mais il est encore prématuré de parler de victoire incontestable des partisans de l'actuel président iranien Mahmoud Ahmadinejad, qui concentrait autour de sa personne, il faut bien le reconnaître, tout l'enjeu de ces élections.

Ainsi, d'après les données du ministère iranien de l'Intérieur, relayées par l'agence IRNA, les conservateurs représentés par les partis Front uni et Coalition élargie ont remporté plus de 71% des mandats au Majlis. Il faut noter que beaucoup de sièges ont été emportés par des candidats indépendants.

Même si les partisans inconditionnels d'Ahmadinejad, les "néoconservateurs" du Front uni, ont remporté plus de 30% des sièges, leurs chances d'obtenir à eux seuls une majorité au parlement sont minces. Tout dépend de la façon dont vont se comporter les quelques candidats indépendants et les conservateurs de la Coalition élargie.

Ces derniers sont, pour l'essentiel, des conservateurs dits "modérés" qui ne partagent pas les positions du président sur les axes clés de la politique intérieure et étrangère. Le récent secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale Ali Larijani, ancien compagnon de Mahmoud Ahmadinejad, et son très probable rival à l'élection présidentielle de 2009, se trouve dans le camp des conservateurs "modérés".

Les candidats indépendants constituent un cocktail original qui se compose de conservateurs et de réformateurs "modérés". Par conséquent, une alliance entre la Coalition élargie et les "candidats indépendants" est prévisible, et il n'est pas exclu que ce soit cette coalition de "modérés", et non pas les hommes d'Ahmadinejad, qui donne dorénavant le ton au Majlis.

Les législatives iraniennes sont considérées ordinairement comme une répétition générale avant l'élection présidentielle. Les élections de 2004 ont été les plus significatives en ce sens. Les réformateurs qui se trouvaient alors aux échelons supérieurs du pouvoir étaient en droit de compter sur un succès. Leur leader Mohammad Khatami a remporté par deux fois l'élection présidentielle. Mais, dès que les réformateurs avaient un peu de mal à atteindre les objectifs économiques qu'ils s'étaient posés, les sympathies des citoyens iraniens se tournaient vers les conservateurs.

Ainsi, les réformateurs échouèrent tout d'abord aux élections aux conseils locaux et au Majlis de septième législature, puis à l'élection présidentielle. Les conservateurs remportèrent même une victoire convaincante. Cependant, profitant de cette vague de succès des conservateurs, c'est finalement au "néoconservateur" Mahmoud Ahmadinejad que revint la victoire au deuxième tour de l'élection, ce qui fut effectivement une surprise.

Les élections actuelles au Majlis de huitième législature ne feront pas exception à la règle. Les forces politiques qui remporteront la majorité au parlement et dans les conseils locaux devraient avoir des chances objectives de remporter l'élection présidentielle de 2009.

Quelles sont donc les chances de Mahmoud Ahmadinejad avant la prochaine course à la présidence?

Les élections municipales de 2006 ont montré une baisse considérable du prestige de son parti. Les "néoconservateurs" ont même essuyé une scandaleuse défaite lors de ces élections. Notons que les raisons ne manquaient pas. La situation économique dans le pays est pire qu'avant l'élection présidentielle de 2005 et la politique étrangère de confrontation avec l'Occident appliquée par Mahmoud Ahmadinejad a de nouveau placé l'Iran au bord de l'isolement international.

Il faut dire que les élections aux conseils locaux sont celles qui sont le moins contrôlées par le clergé, c'est pourquoi ce sont justement leurs résultats qui reflètent le mieux l'opinion publique. Par conséquent, l'échec essuyé par le parti des "néoconservateurs" aux élections en 2006 a conditionné l'âpre lutte politique actuelle menée avant les élections au Majlis. Le Guide suprême de la révolution Ali Khamenei, leader spirituel de l'Iran, a participé à cette lutte aux cotés du président actuel. Pour la première fois dans l'histoire de la République islamique, le Guide suprême a appelé la nation à donner ses voix au parti du président en exercice, c'est-à-dire au parti des "néoconservateurs".

C'est un fait qui en dit long. Le sommet du clergé radical considère probablement les réformateurs comme une menace pour le régime des ayatollahs. Cette fois-ci, Ali Khamenei a réussi à réhabiliter partiellement Mahmoud Ahmadinejad. Mais il est peu probable que cela soit suffisant pour que son protégé remporte la victoire en 2009.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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