Le 11 mars dernier, la Russie et l'Inde ont conclu un contrat pour la modernisation du parc indien de chasseurs MiG-29. Ces avions, livrés à New Dehli à l'époque de l'URSS, seront perfectionnés, ce qui permettra de les employer pendant encore 20 à 25 ans et accroîtra considérablement leurs performances au combat. Presqu'en même temps, un certain nombre de médias se sont également fait l'écho de l'entente intervenue entre les deux pays sur la modernisation du croiseur porte-aéronefs Admiral Gorchkov. Rappelons que le délai antérieur de livraison du porte-avions - 2008 - n'avait pas été respecté à cause d'une mauvaise évaluation du volume des travaux et du devis lors de la conclusion du contrat. L'irrespect des délais pouvait parfaitement entraîner la résiliation du contrat, mais, comme cela été annoncé, les parties sont tout de même tombées d'accord pour reporter les délais et accroître le coût des travaux. Des négociations sont en cours sur les conditions précises du contrat modifié.
Ce contrat de modernisation des MiG-29 et l'entente intervenue concernant l'Admiral Gorchkov sont la meilleure réponse aux rumeurs faisant état d'une crise de la coopération militaire et technique entre la Russie et l'Inde. Cependant, il faut bien reconnaître que la coopération entre les deux pays rencontre quelques problèmes, qui sont bien plus profonds que la "livraison d'armes de mauvaise qualité". Essayons donc de les analyser.
Le matériel de guerre russe est apparu il y a longtemps sur le sous-continent indien: les livraisons d'armes soviétiques débutèrent dans les années 60 et jouèrent un rôle important lors des conflits avec le Pakistan et la Chine dans les années 60-70. Le matériel soviétique fut utilisé par tous les types de forces armées indiennes: l'armée de terre, la marine et les forces aériennes. L'Inde acheta également certains types d'armements de fabrication européenne, à la France et à la Grande-Bretagne. Celles-ci vendaient volontiers des systèmes complexes à l'ancienne Perle de la Couronne britannique, depuis les chars jusqu'aux porte-avions.
En même temps, la Chine, principal concurrent de l'URSS en Asie, avait apporté un soutien au Pakistan, premier rival de l'Inde, ce qui provoqua à l'échelle du sous-continent indien une course aux armements qui n'était pas sans rappeler, en miniature, la course aux armements entre les Etats-Unis et l'URSS.
La situation commença à changer à la fin du XXe siècle.
Le développement économique de l'Inde, joint à l'expérience acquise dans l'exploitation, la réparation et l'assemblage sous licence de matériel de guerre étranger avaient conduit à une baisse temporaire d'intérêt de la part de New Dehli pour les livraisons d'armes. Dans ces conditions, seuls les fournisseurs de matériel complexe acceptant d'organiser la production d'armes sous licence dans le pays pouvaient compter remporter des succès.
L'Inde assura peu à peu sa propre mise au point et la production de certains types de matériel de guerre, en créant à cette fin l'organisation de recherche-développement DRDO (Defence Research & Development Organization). Une attention particulière a toujours été accordée au développement des missiles: l'Inde a créé en moins de vingt ans toute une famille de missiles balistiques courte, moyenne et longue portée. En outre, le pays développe des missiles antichars et de DCA, ainsi que des missiles air-air.
Cependant, certains médias ont récemment annoncé l'arrêt du programme indien de développement de missiles, en invoquant son coût élevé et son inefficacité. Selon ces informations, l'Inde a l'intention de mener à bien les projets dont l'élaboration touche à sa fin: par exemple, le projet de missile air-air Astra, et de poursuivre de façon autonome le développement de missiles balistiques et de missiles pour les sous-marins. Quant aux autres types de missiles, il est prévu de les concevoir dans le cadre de programmes communs, à l'instar du projet russo-indien BrahMos.
Malgré quelques succès dans le développement de certains types d'armements, l'Inde a encore beaucoup de chemin à faire avant de devenir entièrement indépendante dans ce domaine. Pour réduire sa dépendance vis-à-vis des fournisseurs étrangers, New Dehli aborde avec une grande prudence la conclusion des contrats sur les livraisons de matériel et étudie minutieusement toutes les conditions. Compte tenu des méthodes traditionnelles employées dans les affaires en Orient, cela entraîne de longs délais pour l'organisation des appels d'offres. Ayant la possibilité de choisir entre plusieurs fournisseurs, l'Inde parvient à obtenir les conditions les plus avantageuses. Cela accroît l'importance des contrats "auxiliaires" portant sur la modernisation et l'entretien des armements. Ceux qui remportent ces appels d'offres ont en général de grandes chances de battre la concurrence dans la lutte pour les contrats futurs.
Le contrat de modernisation des MiG indiens et l'entente intervenue concernant l'Admiral Gorchkov ont une grande importance de ce point de vue. Ils attestent que l'Inde prévoit de continuer à employer les MiG-29 pendant encore 20 à 25 ans. La construction dans ce pays d'un centre d'entretien et la mise en place d'une production de moteurs pour ces avions, jointe à l'acquisition de MiG-29K embarqués augmentent considérablement les chances des MiG-35 de remporter l'appel d'offres pour la livraison de 126 nouveaux chasseurs. Les résultats de cet appel d'offres, promettant à celui qui l'emportera un contrat de 10 milliards de dollars et le fonctionnement à plein régime de son industrie aéronautique militaire durant plusieurs années, seront annoncés par l'Inde à la fin du printemps 2008. Les avions français et américains sont les principaux concurrents des avions russes.
En ce qui concerne les réclamations avancées quant à la qualité des armements livrés, elles sont possibles. De même que tout partenaire important, l'Inde exige que les produits qu'elle achète soient conformes à tous les paramètres voulus. Mais il convient de distinguer les "gaffes" de l'industrie d'armements russe des scandales montés de toutes pièces provoqués par le désir des partenaires de s'assurer des conditions plus avantageuses pour les livraisons. D'ailleurs, cela est parfois difficile à comprendre même pour les spécialistes.
Cet article est tiré de la presse et n'a rien à voir avec la rédaction de RIA Novosti.