Union méditerranéenne: tous les chemins mènent à Sarkozy

S'abonner
Par Andreï Fediachine, RIA Novosti
Par Andreï Fediachine, RIA Novosti

Il semble bien que Nicolas Sarkozy parvienne tout de même à concrétiser son idée de créer une Union méditerranéenne, qui avait rendu l'Europe perplexe lorsqu'il l'avait énoncée pour la première fois l'année dernière au cours de la campagne présidentielle. La chancelière allemande Angela Merkel a finalement donné, le 3 mars à Hanovre lors d'une rencontre de travail avec le président français, son accord pour la mise en place de cette union.

Il est vrai, l'Europe se représente cette union quelque peu différemment que M. Sarkozy, toujours aussi dynamique et ambitieux. Celui-ci proposait au départ de rassembler les pays de "l'anneau méditerranéen" - Algérie, Chypre, Egypte, France, Grèce, Israël, Italie, Jordanie, Liban, Libye, Malte, Maroc, Palestine, Portugal, Espagne, Syrie, Tunisie et Turquie - au sein d'une organisation politique et économique avec des organes dirigeants, notamment un conseil, une présidence tournante et des sommets réguliers. Elle doit devenir un forum de coopération en vue de régler les problèmes régionaux, de développer la coopération économique et commerciale, de lutter contre le terrorisme, de résoudre les problèmes d'immigration, etc., autrement dit, de jeter des ponts entre l'Europe, l'Afrique et le Proche-Orient.

Tous les diplomates et spécialistes de la région admettent que cette idée est arrivée depuis longtemps à maturité. Et tout serait parfait si l'union proposée ne ressemblait pas autant, par sa structure et ses fonctions, à l'UE. En outre, il était clair que Nicolas Sarkozy cherchait à "tirer à lui" toute la Méditerranée et qu'il prévoyait de doubler, voire même de remplacer de nombreuses institutions de l'UE par celles de la nouvelle organisation. C'est alors que le président français a senti souffler un vent froid venu de la Baltique.

Angela Merkel fut la première à s'y opposer, déclarant que Berlin n'admettrait pas un tel scénario et ne permettrait pas que les fonds de l'Union européenne soient dépensés pour la création d'une organisation à laquelle l'Allemagne ne serait pas admise, pas plus que la plupart des membres de l'UE (C'est précisément cela que prévoyait le premier projet de Nicolas Sarkozy). Bref, "l'idée méditerranéenne" avait brouillé Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. En privé, les diplomates allemands disent du président français qu'il suscite déjà l'irritation permanente de Mme Merkel, qui ne voit en lui rien d'autre qu'un chef d'Etat "hyperactif et vantard".

On s'étonne même jusqu'à présent qu'ils se soient rencontrés le 3 mars à Hanovre. A l'origine, cette date avait été retenue pour le traditionnel sommet franco-allemand, qui devait se dérouler en Bavière, mais, à une semaine de l'événement, Paris demanda le report de la rencontre, de trois mois, prétextant des problèmes techniques liés au calendrier des visites du président. En fin de compte, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont eu un bref entretien après l'ouverture de l'exposition internationale des hautes technologies à Hanovre, où les divergences sur la politique méditerranéenne ont été réglées.

Comme l'a exigé la chancelière allemande, l'union devra comprendre non seulement les 7 pays de l'UE riverains de la Méditerranée, mais aussi les 20 autres membres de l'Union européenne. Autrement dit, au lieu des 18 membres initialement prévus, l'union pourrait en compter 38. Nicolas Sarkozy l'a accepté, parce qu'il n'avait pas le choix: comme on le sait, à Bruxelles, n'importe quelle idée européenne est vouée à l'échec si elle n'est pas soutenue par le colosse allemand.

Mais à présent, l'Allemagne a tellement surchargé le "canot méditerranéen" du président français qu'il est douteux qu'il puisse se maintenir à flot. La chancelière allemande a également insisté pour que l'idée de Nicolas Sarkozy s'inscrive dans le prolongement du processus de Barcelone, à savoir le dialogue euro-méditerranéen qui regroupe tous les pays riverains de la Méditerranée et tous les pays de l'UE. Lancé en 1995, il est aujourd'hui au point mort. Les experts hors-UE expliquent cet échec par l'implication de la totalité de l'immense machine bureaucratique de Bruxelles, notamment de pays qui estimaient n'avoir aucun intérêt à participer à un processus se déroulant à mille lieues de leurs intérêts nationaux.

La Turquie refuse d'adhérer à l'Union méditerranéenne, bien que le président français l'y ait tout particulièrement invitée et considère ce pays comme l'un des fondements de la future organisation. Les officiels turcs raillent les initiatives de Nicolas Sarkozy, qualifiant de "Club Med" la nouvelle structure proposée. Ankara comprend parfaitement que Nicolas Sarkozy cherche à offrir, au lieu de l'appartenance à l'UE à laquelle aspire le pays, la participation à une Union méditerranéenne inconsistante. La Libye refuse également d'adhérer à la future organisation, affirmant que celle-ci serait "une arme qui détruirait l'unité des pays du Maghreb". Mais sans ces pays, l'union sera quelque peu "tronquée".

Quant à Nicolas Sarkozy, il est déterminé à mener ce projet à bien. Il a l'intention d'annoncer la création de l'union au cours du sommet de l'UE qui se tiendra les 13 et 14 juillet à Paris. Cette annonce est appelée à être la première action importante de Sarkozy et de la France qui assumera, à partir du 1er juillet, la présidence de l'Union européenne. Notons que le président français a l'intention d'atteindre l'apogée de son triomphe méditerranéen justement le 14 juillet, jour de la fête nationale en France. Vive la France!..

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала