Tempête médiatique autour de la flotte russe

S'abonner
Par Nikita Petrov, pour RIA Novosti
Par Nikita Petrov, pour RIA Novosti

Les navires du groupe d'assaut polyvalent des flottes russes du Nord et de la mer Noire, avec à leur tête l'unique porte-avions russe Admiral Kouznetsov, terminent actuellement leurs manoeuvres dans l'Atlantique et en Méditerranée. Après une escale à Lisbonne, du repos et des permissions en ville pour l'équipage, qui ont suivi les manoeuvres tactiques dans le golfe de Gascogne en commun avec un navire de la marine portugaise, le vaisseau amiral de la Flotte russe de la mer Noire, le croiseur porte-missiles Moskva, commandé par le capitaine de vaisseau Igor Smoliak, mettra le cap avec un bâtiment d'appui sur Sébastopol, son port d'attache.

Les exercices des marins du groupe naval en commun avec les pilotes de l'aviation embarquée et de l'aviation à long rayon d'action constituent l'étape finale de ces manoeuvres dans l'Atlantique. Fin janvier - début février, plus de quarante aéronefs russes doivent survoler l'océan. Il s'agit, entre autres, de bombardiers stratégiques porte-missiles Tu-160 (code OTAN: Blackjack) et Tu-95MS (Bear), d'un bombardier à long rayon d'action Tu-22M3, de chasseurs MiG-31 et Su-33, d'avions ravitailleurs Il-78 et d'avions de reconnaissance A-50. Ils doivent s'entraîner à effectuer des missions de reconnaissance, à porter des frappes contre un adversaire conventionnel et au combat aérien. Ensuite, l'Admiral Kouznetsov, les deux grands navires anti-sous-marins Admiral Tchabanenko et Admiral Levtchenko, les navires auxiliaires Sergueï Ossipov et Ivan Boubnov mettront le cap sur Severomorsk, base de la Flotte du Nord.

Les navires russes passeront de nouveau le long du littoral occidental de l'Europe escortés par l'aviation stratégique russe, ainsi que par des navires et des avions de l'OTAN. A la mi-février, après ces manoeuvres dans l'Atlantique et en Méditerranée, le groupe d'assaut de la Marine de guerre russe sera de retour au pays après avoir couvert 12.000 milles marins. Les spécialistes n'en doutent pas.

Les marins russes ont dignement représenté leur pays et le drapeau de Saint-André lors de ces exercices prolongés. Ils ont effectué des tirs de tous les types de missiles et de canons d'artillerie dont ils disposaient à bord: les missiles antinavires Bazalt, le système de missiles de DCA de portée intermédiaire "Fort", analogue du système terrestre S-300P, les missiles de DCA à courte portée Osa-M, ainsi que le canon d'artillerie de 130 mm AK-130 et les canons multitubes de 30 mm AK-630M. Comme on l'a fait savoir depuis le croiseur, les missiles et obus ont atteint leurs cibles, ce que toutes les chaînes de télévision se sont empressées de faire savoir. Ces informations n'ont pas été exagérées, comme n'ont pas manqué de le confirmer les pilotes des avions d'assaut Su-25, des chasseurs polyvalents Su-33 et de l'hélicoptère de recherche et de sauvetage Ka-27 qui ont décollé du porte-avions Admiral Kouznetsov et du navire anti-sous-marin Admiral Tchabanenko. Ces résultats peuvent également être certifiés par les marins américains et allemands qui ont observé ces exercices.

On pourrait se réjouir pour nos marins et pilotes, s'il n'y avait pas ce détail: la télévision russe a parlé avec bien trop d'enthousiasme de la "renaissance de la Marine russe", en affirmant que nos navires avaient évincé, ou peu s'en faut, la 6e flotte américaine de la Méditerranée et que le drapeau de Saint-André était de retour dans l'océan mondial. Le fait de prendre ses désirs pour des réalités a toujours été le principe tacite de la propagande soviétique. Ce principe semble bien s'être, comme par enchantement, enraciné à la télévision, surtout en ce qui concerne l'armée et la flotte.

Il est quelque peu indécent de comparer notre unique porte-avions propulsé par une turbine à gaz et accompagné de trois navires de guerre appartenant à différentes flottes à la 6e flotte américaine, que ce soit au niveau de sa composition ou de ses caractéristiques de combat. Le Kouznetsov, par exemple, emporte environ 50 avions à son bord, contre 80 pour les porte-avions nucléaires de classe Nimitz, dont certains font partie de la 6e flotte. En outre, cette dernière dispose de quatre avions de reconnaissance E-2C qui permettent de détecter des cibles situées à des centaines de kilomètres du navire. Notre porte-avions n'emporte aucun appareil analogue. Mieux vaut arrêter là la comparaison.

Il est prématuré de parler de renaissance de la flotte, y compris de la flotte de surface. L'Admiral Kouznetsov est entré en service en 1990, après huit ans de travaux dans les chantiers navals de Nikolaïev (à présent, ils appartiennent à l'Ukraine). La Russie ne possède ni ne construit aucun autre porte-avions. Aucune infrastructure n'a même été créée pour leur éventuelle construction. Le grand navire anti-sous-marin Admiral Levtchenko a été construit en 1988, son "homologue" modernisé Admiral Tchabanenko a été mis en cale sèche en 1990 et livré à la flotte en 1999, le croiseur porte-missiles Moskva, vaisseau amiral de la flotte de la mer Noire, en 1983. Il s'appelait alors Slava. Pour l'instant, la Russie ne construit aucun nouveau croiseur ni grand navire anti-sous-marins de classe Tchabanenko. En revanche, il y aura une nouvelle classe de frégates. On ignore encore quelles en seront les performances. Bref, il est donc probablement prématuré d'employer des épithètes élogieuses.

D'autant qu'un transfert du Commandement en chef de la Marine de guerre de Moscou à Saint-Pétersbourg est à l'ordre du jour. Il occupera le bâtiment de l'Amirauté, alors que l'Institut des ingénieurs de la navale qui se trouve dans ces locaux sera transféré en banlieue à Pouchkine. Tout cela demandera de grands efforts d'organisation et d'immenses frais. Evidemment, les marins auront bien d'autres soucis que la construction de nouveaux croiseurs, frégates et corvettes... En d'autres termes, ils ont autre chose à faire que de s'occuper de la renaissance réelle, et non publicitaire, de la flotte.

Il n'est pas exclu que l'abus à la télévision, à des fins de publicité, de slogans sur la "renaissance de la flotte nationale" qui a effectué avec succès des manoeuvres dans l'Atlantique et en Méditerranée serve à détourner l'attention de l'opinion publique du grand scandale provoqué par le transfert du Commandement en chef à Saint-Pétersbourg. On pense notamment aux vétérans de la Marine de guerre qui protestent contre ce déplacement que rien ne justifie et ont même adressé une lettre ouverte au président à ce sujet.

Le fait est que ce genre de publicité a toujours des ressorts cachés.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала