Qui a peur du Pakistan nucléaire?

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Par Piotr Gontcharov, RIA Novosti
Par Piotr Gontcharov, RIA Novosti

Chaque fois que le Pakistan effectue un nouveau test de missile capable de porter des charges nucléaires, le monde est pris de panique. Comment un Etat islamique, détenant de surcroît des armes nucléaires et où agissent des extrémistes, peut-il soudainement se mettre à effectuer des tests de missiles? Mais il serait probablement déplacé de reprocher cela à Islamabad. Si un pays détient des charges nucléaires, il ne peut tout de même pas compter sur de simples avions pour les véhiculer.

Certes, l'arsenal nucléaire pakistanais comporte certains risques pour le monde. Mais ils ne sont pas plus graves que ceux associés, par exemple, à l'arsenal nucléaire de l'Inde, d'Israël, des Etats-Unis ou de la Russie. Tout dépend en fait de la capitale depuis laquelle ces risques sont ressentis.

Islamabad n'a jamais caché que les armes nucléaires pakistanaises ne viseraient que l'Inde, plus précisément, qu'elles étaient un élément de dissuasion contre une éventuelle agression de cette dernière. New Delhi est bien au courant de ces "plans" et, comme tout l'indique, n'y voit aucun inconvénient. Bien plus: depuis 2005, les deux parties trouvent des solutions efficaces aux problèmes relatifs au développement de leurs potentiels de missiles, tout en contournant les questions qui pourraient sérieusement détériorer leurs rapports.

Par exemple, début 2007, le Pakistan et l'Inde ont repris l'examen des points sensibles de leurs relations. En février de la même année, ils ont signé l'Accord sur la prévention des situations d'urgence liées aux armes nucléaires. L'accord vise, en premier lieu, à éliminer la menace de confrontation nucléaire, ainsi qu'à créer des systèmes fiables de contrôle des armes nucléaires.

Cependant, le récent test de missile effectué par Islamabad a de nouveau chatouillé les nerfs de la communauté internationale. Le 25 janvier, le Pakistan a procédé au lancement d'un missile balistique Shaheen-1, capable d'atteindre des cibles à une distance de 700 km. Ce missile à propergol solide, basé sur une plate-forme ferroviaire, est capable de porter des charges nucléaires. Apparemment, Shaheen-1 est une modification du missile opérationnel tactique chinois à propergol solide de type M9. D'après certaines données, c'est la Chine qui a aidé le Pakistan à développer les missiles Abdali et Shaheen-1.

C'est déjà le deuxième test de missile opérationnel tactique en un mois et demi. Le 11 décembre 2007, le Pakistan a effectué le lancement d'un missile de croisière Babur (ce missile à propergol liquide, de stationnement terrestre, est capable d'atteindre des cibles à une distance de 700 km).

Cependant, le Pakistan respecte strictement le "calendrier" des essais annoncé et concerté avec l'Inde en ce qui concerne le type des missiles et leur portée. Dans ce contexte, un point important est à souligner. En 2007, le Pakistan et l'Inde ont testé des missiles en en informant à chaque fois l'autre partie à l'avance. Les deux pays ont même effectué certains lancements pratiquement simultanément, soulignant ainsi leur attachement au principe des tests parallèles. Cette "tradition" remonte à 1998, lorsque le Pakistan avait testé l'arme nucléaire quelques jours après l'Inde. Mais le principe des tests parallèles se réduit aujourd'hui au facteur temps. La comparaison des caractéristiques des systèmes de missiles testés par les deux parties ne penche certainement pas en faveur du Pakistan.

L'Inde a pris dans le domaine des armements tellement d'avance sur son voisin, non sans l'aide de certaines grandes puissances, qu'elle peut se permettre d'étendre à présent ses intérêts nationaux du golfe Persique jusqu'à l'Indonésie. Qui plus est, Islamabad estime, non sans raisons, que les Etats-Unis sont prêts à soutenir les ambitions de l'Inde à accéder au statut de puissance mondiale, en échange d'une dissuasion dirigée contre la Chine et l'Iran.

Que doit faire le Pakistan dans cette situation?

Début décembre dernier, le gouvernement pakistanais a élaboré et adopté une "conception" dans le domaine de la défense. Conformément à ce document, la doctrine militaire du Pakistan repose sur "le potentiel de dissuasion minimale garantie" et vise, "premièrement, à défendre son intégrité territoriale et, deuxièmement, à garantir la paix dans la région (Asie du Sud)".

Bien entendu, le Pakistan utilise au maximum ses possibilités. Mais si, auparavant, son arsenal nucléaire était un facteur fiable de dissuasion, à présent les positions du pays sont partiellement perdues, non sans que les Etats-Unis, dont le flirt nucléaire avec l'Inde est plus qu'évident, soient passés par là. Pourtant, le Pakistan reste, comme par le passé, le principal partenaire des Etats-Unis et de l'Europe occidentale au sein de la coalition antiterroriste dans la région.

Il est évident que, dans le contexte de ses rapports avec l'Inde, le Pakistan continuera à rechercher un soutien de la part d'autres pays - outre la Chine et les Etats-Unis - qui détiennent des armes modernes, par exemple, la Russie.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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