Plan de développement économique 2008-2020: l'économie russe dans l'expectative

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Par Oleg Mitiaïev, RIA Novosti

Par Oleg Mitiaïev, RIA Novosti

L'année 2007 a apporté des taux de croissance économique dépassant le pronostic gouvernemental initial. Cependant, l'inflation a également dépassé l'indice prévu par le gouvernement et la Banque centrale (BC) en début d'année. Il est déjà évident que l'année 2008 sera également marquée par un accroissement substantiel du PIB et de nouvelles hausses des prix. Mais le développement économique du pays au cours de la nouvelle année ne sera pas uniquement déterminé par ces indices économiques. La mise en oeuvre de la conception du développement social et économique de la Russie jusqu'à 2020, élaborée en 2007, place la Russie parmi les cinq plus grands pays du monde pour la croissance du PIB. L'année 2008 montrera si la mise en oeuvre de cet ambitieux programme commence à se montrer efficace.

Les prix exorbitants du pétrole et l'élévation des prix des métaux aident beaucoup la Russie. L'exportation a assuré d'importantes recettes et les investissements dans le pays ont afflué: ces recettes sont reversées dans d'autres secteurs et stimulent la demande des consommateurs, ce qui constitue la base de la croissance de toute économie. Il est à noter que lorsque l'extraction d'immenses volumes de pétrole et de gaz a cessé, cela a entraîné la réanimation de l'industrie de transformation et des industries chimiques, légère et alimentaire.

Le gouvernement fait preuve de prudence en minimisant chaque année son pronostic de la croissance du PIB. Ainsi, les prévisions de croissance économique en 2007 étaient de 6,5%, mais déjà le premier trimestre a vu se renverser cette évaluation conservatrice. A présent, le gouvernement affirme que la croissance du PIB sera de 7,6% en fin d'année.

Mais l'inflation demeure l'aspect négatif de l'afflux constant d'argent dans le pays. En 2007, elle a quelque peu dépassé son niveau, initialement établi à 8%, mais d'après la plupart des prévisions, elle atteindra au moins 12%. En 2007, le gouvernement et la BC ont mis l'accent sur la lutte contre ce qu'on appelle l'inflation monétaire, en endiguant l'accroissement incessant de la masse monétaire. Mais un autre facteur fondamental n'a pas été pris au sérieux: la hausse des prix des produits alimentaires sur les marchés mondiaux.

En ce qui concerne les indices concrets pour 2008, le gouvernement se montre traditionnellement prudent dans ses évaluations. Il préfère ne pas se prononcer sur le taux d'inflation maximum en 2008. Mais il est évident que les revenus croissants du pays et de sa population entraîneront l'accroissement incessant du coût de la vie. Comme on le sait, les salaires des employés du secteur public et la solde des militaires augmenteront au début de 2008. En tenant compte de ces initiatives du gouvernement, de nombreux économistes ont prévu des taux d'inflation plus élevés pour 2008: 11 à 14%.

Cependant, la hausse des prix des produits alimentaires observée à l'automne a obligé le gouvernement à en tirer les conclusions qui s'imposaient. Le gouvernement a proposé de développer la concurrence sur le marché des biens de consommation, se souvenant que c'était elle le principal facteur de modération des prix dans l'économie de marché, et non les accords signés avec les monopolistes sur le gel des prix d'un certain type de fromage blanc, de lait, etc. dans les régions.

D'après les récents renseignements provenant du gouvernement russe, le taux de croissance du PIB en 2008 devrait atteindre au moins 6,7%. Une telle "hardiesse" par rapport à 2007 est facile à expliquer: les autorités russes posent des objectifs archi-ambitieux à long terme. En juillet 2007, le ministère du Développement économique a élaboré et soumis au gouvernement un programme de développement social et économique s'étendant jusqu'à 2020, premier programme à long terme dans l'histoire de la Russie contemporaine. On y apporte actuellement les dernières précisions et corrections afin qu'il soit officiellement adopté en février 2008. Mais les principales dispositions de ce plan sont déjà bien connues: le passage de l'économie russe qui s'appuie sur les matières premières à une voie de développement fondée sur les innovations et occuper, à l'horizon de 2020, la cinquième place dans le monde et la première en Europe pour le montant absolu du PIB. (La Russie vient d'occuper une place parmi les dix premières économies du monde). Pour occuper une place aussi prestigieuse, d'après les évaluations préalables, la Russie doit accroître le PIB en augmentant de cinq fois son volume de 30.000 milliards de roubles (1.200 milliards de dollars) pour qu'il atteigne 150.000 milliards de roubles (plus de 6.000 milliards de dollars).

En se fondant sur l'expérience des années 1990, lorsque le secteur privé russe avait faiblement investi dans les technologies de pointe, les autorités russes sont parvenues à la conclusion que, sans la participation de l'Etat, il était impossible de porter l'économie à un niveau aussi élevé. C'est pourquoi, pour implanter des innovations, les nouvelles institutions publiques russes de développement (Banque de développement, Société russe de capital risque, Investfond, etc.) ont déjà reçu les premiers versements dans leur capital et des zones économiques spéciales sont en voie de création. De grandes corporations publiques centralisées sont en voie de fondation en vue d'attirer des investissements dans les secteurs demandant des investissements importants comme l'aérospatial, la construction navale ou le nucléaire civil. Ces corporations seront de l'acabit des "champions nationaux" contrôlés par l'Etat: Gazprom, Rosneft, Transneft et les Chemins de fer russes.

De nombreux économistes admettent que l'économie russe possède le potentiel nécessaire pour mettre en oeuvre la conception économique du gouvernement à long terme. L'essentiel est de la traduire dans les faits. Il est également évident que toute percée dans le développement social et économique nécessite une influence volontaire sur l'évolution graduelle et que beaucoup, sinon tout, dépendra des gens qui vont effectuer cette percée. C'est ce qui pose problème.

Avant l'élection présidentielle de mars prochain, des professionnels de haut niveau ont déjà commencé à quitter le bloc économique du gouvernement pour intégrer le secteur privé: par exemple, l'ancien ministre du Développement économique Guerman Gref et son premier adjoint Andreï Charonov. En fait, c'est sous leur direction qu'a été élaborée la conception-2020. Par conséquent, il s'avère que la stratégie devra être mise en oeuvre par d'autres personnes que celles qui l'ont élaborée. Qui plus est, des corporations publiques en voie de création comprendront d'anciens fonctionnaires, ceux des départements de force, entre autres. Mais ils devront atteindre des objectifs économiques qui pourront entraîner des difficultés même pour les lauréats du Prix Nobel d'économie.

L'année prochaine, lorsque les institutions de développement et de nouveaux "champions nationaux" commenceront à fonctionner, sera significative à bien des égards. On verra si les plans de progression vers les objectifs de 2020 sont réalistes ou non.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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