Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a terminé ses négociations en Libye dans le cadre de la préparation de la visite de Vladimir Poutine dans ce pays. Le voyage du ministre a eu lieu au plus fort de l'activité internationale de Tripoli en Occident. Deux visites historiques (pour la première fois depuis plus de trente ans) effectuées par le leader libyen Mouammar Kadhafi en Europe (en Espagne et en France, à la mi-décembre) promettent à ces pays des contrats de 15 milliards de dollars à chacun. La secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice est attendue à Tripoli en janvier. Quelle est la place de la Russie dans cette lutte pour le marché libyen?
La Libye, qui possède de grandes réserves de pétrole et de gaz et qui a engagé des réformes économiques, est un pays très prometteur en matière de coopération. Les pays occidentaux sont en train de rattraper énergiquement ce qu'ils ont perdu pendant le blocus international.
Rappelons qu'en 1999 le Conseil de sécurité de l'ONU a suspendu les sanctions contre la Libye. En 2004, les Etats-Unis ont levé leur embargo économique imposé au pays. En 2006, ils l'ont rayé de la liste des pays qui soutiennent l'activité terroriste. Il en a résulté que le chiffre d'affaires des échanges commerciaux américano-libyens, bien que les Etats-Unis ne figurent pas parmi les cinq principaux partenaires économiques de la Libye, dépasse 2 milliards de dollars par an et ne cesse de s'accroître. En 2002, cet indice ne constituait que 18,3 millions de dollars. Citons, à titre de comparaison, que la même année le chiffre d'affaires des échanges commerciaux entre la Russie et la Libye était de 24,6 millions de dollars. En 2006, celui de l'Amérique était d'environ 130 millions de dollars. Dans ce contexte, on comprend l'importance de la visite de Sergueï Lavrov à Tripoli, d'autant qu'elle avait également pour but de préparer le sommet russo-libyen.
L'histoire des deux pays n'a pas connu de sommets depuis longtemps. Mouammar Kadhafi s'est rendu la dernière fois à Moscou en 1985. En 2000, après l'élection de Vladimir Poutine à la présidence et peu après la levée des sanctions internationales contre ce pays, la Russie et la Libye ont échangé des invitations. Mouammar Kadhafi était attendu à Moscou, Vladimir Poutine, à Tripoli. Leurs visites n'ont pas eu lieu. Mais il reste encore un peu de temps avant l'achèvement du mandat présidentiel de Vladimir Poutine, par conséquent, il est "attendu avec impatience en Libye".
Sergueï Lavrov s'est entretenu à Tripoli avec son homologue libyen Abdelrahman Chalgham et le secrétaire du Comité populaire général (premier ministre) Baghdadi Mahmoudi. Le ministre russe a été reçu par Mouammar Kadhafi. La coopération économique a été le principal sujet de toutes les négociations.
Selon Sergueï Lavrov, la Russie et la Libye possèdent un important potentiel de coopération, en particulier dans le secteur énergétique, les transports, la construction de logements et l'infrastructure ferroviaire.
"Toute une série de contrats ont déjà été signés. Il y en aura d'autres. Tout cela complète le travail effectué par les gouvernements des deux pays en vue d'élaborer des accords visant, entre autres, à éviter une double imposition et concernant la coopération technico-militaire. Bref, ce potentiel implique l'attention soutenue des deux parties", a indiqué Sergueï Lavrov.
Effectivement, les possibilités de coopération bilatérale sont assez vastes. Ce n'est pas par hasard si un Conseil d'affaires russo-libyen a été fondé en avril dernier et si le forum "Possibilités d'exportation de la Russie" s'est tenu par la suite en Libye. A l'époque de l'URSS, le chiffre d'affaires de la coopération commerciale et économique avec la Libye constituait environ un milliard de dollars. A cette époque, le Centre de recherches nucléaires Tadjoura et un gazoduc long de 570 km ont été construits grâce à l'assistance de Moscou, 130 puits de pétrole ont été forés, des schémas de développement de l'industrie gazière, des constructions mécaniques et des réseaux de lignes HT ont été élaborés. Cependant, les sanctions prises à l'égard de la Libye et la désintégration de l'Union Soviétique ont provoqué la cessation de cette coopération.
En 2001, la Libye a reçu pour la première fois dans l'histoire un ministre russe des Affaires étrangères (Igor Ivanov). La cinquième réunion de la Commission intergouvernementale pour la coopération commerciale, économique, scientifique et technique s'est tenue cette même année. L'important potentiel qui existe dans les rapports bilatéraux a déjà été mis en évidence, des projets prometteurs ont été cités: entre autres, un contrat portant sur la constitution du dossier d'opportunité de la création du satellite polyvalent Libsat, l'achat de matériel aéronautique et d'automobiles de fabrication russe, la participation à la construction de centrales thermiques, la coopération dans le secteur pétrogazier, etc. Cependant, la réalisation de ces projets avance très lentement, certains d'entre eux sont toujours considérés comme des projets à long terme. Selon les experts, la coopération est également entravée par les barrières bureaucratiques existant en Russie et la lenteur des compagnies russes à la différence de celles de l'Occident. Le problème du règlement de la dette de Tripoli envers Moscou reste en suspens. Selon les estimations russes, elle s'élève à 4,6 milliards de dollars.
Il n'est pas exclu qu'après la fondation du Conseil d'affaires russo-libyen et la visite de Sergueï Lavrov, le règlement de ces problèmes s'accélérera. Le ministre russe des Affaires étrangères a exprimé l'espoir que le problème de la dette serait réglé, car il s'agit de la principale question de la préparation du sommet Poutine-Kadhafi. De nouveaux contrats ont été signés dans le cadre de la visite de Sergueï Lavrov.
Plusieurs compagnies russes se sont déjà implantées sur le marché libyen. Gazprom et Tatneft ont commencé à mettre en valeur des gisements tandis que d'autres compagnies participent activement aux appels d'offres. La coopération entre Moscou et Tripoli dans le secteur pétrogazier est si attrayante que la récente arrestation d'Alexandre Tsygankov, représentant de Lukoil Overseas, accusé par les autorités libyennes d'espionnage industriel, n'a pas dissuadé les Russes. Moscou n'y a vu qu'un malentendu et les autorités libyennes ont assuré à Sergueï Lavrov qu'Alexandre Tsygankov serait prochainement libéré.
Le nucléaire civil est un autre domaine prometteur. La Russie promet d'aider la Libye à faire valoir son droit inaliénable de s'initier aux bienfaits du nucléaire civil. En 2004, après l'arrêt du programme nucléaire militaire libyen, l'uranium hautement enrichi du Centre de recherches nucléaires Tadjoura a été transféré en Russie. Pour assurer le fonctionnement du réacteur expérimental, la Russie a fourni de l'uranium faiblement enrichi à la Libye. Un intense dialogue est mené sur la coopération technico-militaire. Ce n'est pas par hasard si Rosoboronexport (agence d'exportation d'armes russes) a récemment déclaré que la compagnie rattachait ses principales perspectives au Proche-Orient et en Afrique du Nord à deux pays de la région: l'Arabie Saoudite et la Libye.
Certes, on ne peut espérer que la Russie figure parmi les principaux partenaires commerciaux et économiques de la Libye. Elle ne l'était même pas à l'époque de l'URSS. Mais il est parfaitement possible de revenir au niveau de coopération de l'époque soviétique.
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