Corée du Sud: nouveau président, nouvelle approche

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Par Ivan Zakhartchenko, analyste international
Par Ivan Zakhartchenko, analyste international

La victoire remportée par l'opposition conservatrice à l'élection présidentielle du 19 décembre en Corée du Sud a créé dans le pays une atmosphère augurant de prochains changements aussi bien sur le plan économique que politique, avant tout à l'égard d'une Corée du Nord qui s'est proclamée puissance nucléaire.

La République "capitaliste" de Corée qui avait d'abord été dirigée par des dictateurs militaires, puis par des dissidents et des défenseurs des droits de l'homme, a élu pour la première fois à la présidence un éminent homme d'affaires: Lee Myung-bak.

Après avoir reçu un diplôme universitaire de management, il entra chez Hyundai, dont il devint un PDG au bout de 12 ans.

Au cours du vote, Lee Myung-bak a bénéficié du soutien d'environ la moitié des électeurs, recueillant deux fois plus de voix que Chung Dong-young, son principal rival parmi les neuf autres concurrents et candidat du camp libéral au pouvoir.

Ces dix dernières années, alors que les partisans de la démocratisation et du rapprochement avec Pyongyang étaient au pouvoir en Corée du Sud, on a vu apparaître une nouvelle génération d'électeurs n'éprouvant aucun manque évident de liberté. Ce sont eux qui ont accordé aujourd'hui leur préférence à la stabilité économique.

L'économie sera probablement le principal souci du nouveau président sud-coréen qui entrera en fonction le 25 février 2008. On estime que son expérience dans les affaires et, il y a quelques années, en tant que maire de Séoul lui sera très utile.

Lee Myung-bak a déjà brossé un programme de réformes qui promet un allègement des impôts, de nouvelles possibilités pour les PME et peu d'inquiétudes pour les grandes entreprises. Du moins, les électeurs ont voté pour cela.

En ce qui concerne la diplomatie et les rapports avec la Corée du Nord, les priorités pourraient changer considérablement. Si le gouvernement précédent du président Roh Moo-hyun misait sur le rapprochement avec Pyongyang malgré l'absence de règlement des problèmes militaires et politiques, dans l'espoir de créer ainsi des conditions favorables à leur résolution, Lee Myung-bak pourrait bien choisir une autre voie.

"La situation dans laquelle l'administration précédente agissait de façon unilatérale en faveur de la Corée du Nord subira des changements", a déclaré aux journalistes le président nouvellement élu juste après la confirmation de sa victoire.

Selon lui, tout dépend du démantèlement des armes nucléaires nord-coréennes, et Pyongyang ne pourra compter sur des contacts économiques importants que si ce problème est réglé. Autrement dit, le règlement du problème nucléaire devient un préalable au développement des rapports entre Séoul et la Corée du Nord.

Lee Myung-bak n'a cependant pas proposé d'idées concrètes visant à atteindre cet objectif, se bornant à promettre de déployer des efforts en vue de persuader Pyongyang que la renonciation aux armes nucléaires permettrait de maintenir le système sociopolitique nord-coréen et d'aider son peuple.

Mais cela ne signifie pas que Lee Myung-bak renoncera pour autant à tous les programmes de coopération entre le Sud et le Nord lancés par l'administration de Roh Moo-hyun.

Premièrement, pour l'instant, le processus de désarmement nucléaire de la Corée du Nord se déroule sans accrocs, malgré un certain ralentissement pour des raisons techniques.

Dans le cadre des négociations à six avec la participation de la Russie, des Etats-Unis, de la Chine, du Japon et des deux Etats coréens, Pyongyang a arrêté cette année son réacteur nucléaire qui lui avait permis de produire du plutonium à usage militaire et a commencé son démantèlement sous contrôle international.

Cependant, le résultat final ne dépend pas seulement de Pyongyang, mais aussi de l'accomplissement des engagements des autres parties: les Etats-Unis avaient promis d'exclure la Corée du Nord de la liste des pays soutenant le terrorisme et de lever les sanctions économiques, les autres participants doivent apporter une aide sous forme de livraisons de combustible liquide et d'équipements nécessaires à la modernisation des centrales électriques conventionnelles.

La Corée du Nord avait maintes fois déclaré qu'elle ne renoncerait aux armes nucléaires, testées en octobre 2006, que si elle cessait de se sentir en danger, en premier lieu, face à la menace venant des Etats-Unis.

Lee Myung-bak a promis de poursuivre, pour sa part, le dialogue dans le cadre des six et de contribuer au succès des négociations américano-nord-coréennes sur la normalisation des relations bilatérales. Cependant, si des contradictions surgissaient à l'avenir entre la Corée du Nord et les Etats-Unis, il est peu probable que le nouveau président sud-coréen soutienne Pyongyang, à la différence de ses prédécesseurs libéraux.

Le gouvernement de Lee Myung-bak devra cependant respecter les accords conclus par ses prédécesseurs aux sommets intercoréens de 2000 et 2007, ainsi que le récent accord de coopération économique intervenu au niveau des premiers ministres du Nord et du Sud.

Les projets prévus par cet accord, entre autres, ceux de technopole sud-coréenne et de zones touristiques en Corée du Nord, revêtent une dimension purement économique. Des entreprises et investisseurs sont déjà très impliqués dans leur réalisation, c'est pourquoi il est douteux qu'ils soient arrêtés.

Un autre aspect du problème concerne l'aide de la part du gouvernement sud-coréen, qui pourrait dépendre de l'exécution par Pyongyang des exigences politiques de la Corée du Sud.

Des frictions peuvent apparaître, enfin, en matière de droits de l'homme. Lee Myung-bak a déclaré aux journalistes que ce sujet ne pourrait pas être évité. Il a indiqué avoir la ferme intention de persuader la Corée du Nord, "dans une atmosphère de confiance", de la nécessité de lever tous les doutes de la communauté mondiale sur le respect des droits de l'homme dans le pays.

"Une critique amicale peut assainir la société nord-coréenne", a affirmé Lee Myung-bak aux journalistes. Mais on ne sait pas encore si le président nouvellement élu comprend que Pyongyang pourrait bien refuser de prêter l'oreille à quelque critique que ce soit, fût-elle "amicale".

Selon les informations de la presse de Séoul, Lee Myung-bak a avancé la formule suivante de développement des rapports intercoréens: "dénucléarisation-ouverture-3.000". Il est assez facile de deviner ce rébus: la Corée du Nord renonce aux armes nucléaires, les portes s'ouvrent entre Séoul et Pyongyang et l'aide qui sera apportée à la Corée du Nord lui permettra d'atteindre un revenu par habitant de 3.000 dollars US au bout de 10 ans.

Pour le moment, le programme de Lee Myung-bak concernant les rapports avec la Corée du Nord conserve un caractère purement déclaratif, ce qui est compréhensible, car il accordera l'attention principale à l'économie. Par conséquent, il n'est pas exclu qu'une pause intervienne dans le rapprochement entre les deux Etats coréens amorcé par les libéraux.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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