Chavez repris par la démocratie

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Par Elena Chesternina, RIA Novosti
Par Elena Chesternina, RIA Novosti

Quel président n'aimerait pas savoir s'il jouit ou non de la confiance des citoyens? Les moyens ne manquent pas pour cela, on peut par exemple saisir l'occasion de faire d'un vote ordinaire (qu'il s'agisse d'élections législatives ou d'un référendum sur les amendements à apporter à la Constitution), outre une "expression de la volonté du peuple", un "plébiscite de soi-même". Cependant, les résultats d'une même procédure peuvent s'avérer diamétralement opposés. Cela dépend des technologies publicitaires dont se servent les chefs d'Etats en faisant campagne.

Le président vénézuélien Hugo Chavez a échoué dans son plébiscite. Il est vrai, son score est loin d'avoir été foudroyant, il lui a manqué moins de deux pour cent des voix pour l'emporter. Mais, tout de même, cela est bien fâcheux. Il se trouve que le président vénézuélien qui convoite (et assume, à bien des égards) le rôle de "champion de la lutte contre l'impérialisme américain" dans le monde, a bien du mal à convaincre, même à l'échelle de son propre pays.

Après avoir pris connaissance des résultats du référendum de dimanche sur les amendements à apporter à la Loi fondamentale, Hugo Chavez est resté un certain temps en état de choc. Personne ne l'avait jamais vu aussi accablé. Même après le coup d'Etat de 2002, lorsqu'il avait été contraint de passer deux jours à la base militaire de l'île d'Orchila. En félicitant ses opposants pour leur victoire, le président a eu bien du mal à retenir ses larmes. Et il avait pour cela bien des raisons.

Le plan Chavez semblait impeccable. Il y a un an, le président avait commencé à préparer l'opinion publique à des changements importants, qui devaient tous, cela va de soi, mener à une amélioration, promettait-il. Lui, le leader national, savait bien ce dont la nation avait besoin. Afin que personne ne lui mette des bâtons dans les roues, qu'il s'agisse des forces pro-américaines ou autres forces pro-occidentales qui visent à déstabiliser la situation au Venezuela, Hugo Chavez avait décidé de renforcer encore plus sa "verticale du pouvoir".

Il avait promis de placer cette verticale sur de nouvelles fondations. Le Parti socialiste uni était justement appelé à en devenir l'une des bases les plus solides. Quatre mille bureaux avaient été ouverts dans le pays afin que chaque habitant qui le désire puisse déposer sa demande d'admission à la nouvelle formation. Comme l'avait expliqué Hugo Chavez à ses compatriotes, les nouveaux socialistes devaient devenir "un puissant instrument politique de transformations radicales dans le pays". Ce faisant, le président vénézuélien avait instamment invité les membres du parti à ne pas créer un "culte de la personnalité" autour de lui. Mais les militants ne l'ont pas écouté et, inaugurant avec enthousiasme "une nouvelle ère de la révolution bolivarienne", ont continué à multiplier les portraits du leur guide dans leurs cabinets et à le citer, comme un classique, dans chacune de leurs interventions.

Le président ne s'était pas borné à l'édification du parti. Le parlement placé sous son contrôle avait adopté en janvier dernier une loi autorisant une présidence directe pour une période de 18 mois. Après avoir reçu carte blanche, Hugo Chavez avait abordé la nationalisation des secteurs clés de l'économie et s'en était pris aux médias d'opposition et, d'ailleurs, à l'opposition en général. Les "marches du désaccord" de ces derniers mois avaient été dispersées avec des canons à eau, des balles de caoutchouc, des matraques et du gaz lacrymogène. Hugo Chavez avait qualifié les Etats-Unis d'inspirateur idéologique de l'opposition, les accusant de la financer à hauteur de "plusieurs millions de dollars". Il avait invité les citoyens à s'unir dans la lutte contre "l'ennemi extérieur", entre autres, en votant pour les amendements à la Constitution lors du référendum.

D'ailleurs, tous ces meetings s'étaient tenus non pas contre Hugo Chavez, mais contre le plan concret que le président vénézuélien avait expliqué en détail, pour son plus grand malheur, aux électeurs. Il avait proposé d'apporter à la Constitution, au total, 69 amendements prévoyant, entre autres, d'investir le chef de l'Etat du droit de nommer les dirigeants des entités territoriales et municipales, y compris le maire de Caracas; de priver la Banque centrale de son autonomie, en la subordonnant au gouvernement et de transmettre au président le contrôle des réserves de change du pays; le droit de restreindre la liberté des médias; d'accorder à la police la possibilité d'interpeller des gens sans avancer d'accusations dans les conditions de situations d'urgence; d'abaisser l'âge électoral de 18 à 16 ans; de réduire la journée de travail de 8 à 6 heures et d' augmenter les retraites.

Mais, et c'est là l'essentiel, Hugo Chavez avait l'intention de légitimer, en fait, sa présidence à vie. Pour cela, il était prévu de porter le mandat présidentiel de six à sept ans, mais aussi de lever les restrictions pesant sur le nombre de ces mandats.

Hugo Chavez prévoyait de rester au pouvoir jusqu'en 2050, c'est-à-dire jusqu'à 96 ans (il avait mentionné ce délai dans l'un de ses discours). A présent, il ne pourra plus le faire: son deuxième mandat présidentiel expire en 2012 et il n'a pas le droit, selon la Constitution, d'être réélu pour un troisième mandat.

D'ailleurs, on peut toujours trouver un moyen de rester au pouvoir après l'expiration officielle du mandat. Il suffit juste de bien y réfléchir.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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