Kosovo: il ne lui manque qu'une équipe de football pour accéder à l'indépendance

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Par Elena Chesternina, RIA Novosti

Par Elena Chesternina, RIA Novosti

La récente tentative pour réconcilier les dirigeants serbes et les Albanais du Kosovo faite dans la station thermale de Baden en Autriche a lamentablement échoué. La "troïka" des médiateurs internationaux (Russie, UE et Etats-Unis) n'a pas réussi à persuader les dirigeants de la république séditieuse de renoncer à la proclamation de l'indépendance du Kosovo. A présent, l'apparition d'un nouvel Etat sur la carte est, en fait, inévitable. Ce n'est qu'une question de temps.

Belgrade était prêt à tout — ou presque — pour conserver cette province au sein de la Serbie. Ces derniers mois, il a cédé des positions, l'une après l'autre, en proposant de faire de nouvelles concessions à Pristina. L'autonomie proposée au Kosovo serait si large qu'elle signifierait, en fait, l'indépendance. Une telle autonomie n'existe pas dans le monde: l'auto-administration totale, la possibilité de participer aux activités d'organisations internationales et régionales (hormis l'ONU, le Conseil de l'Europe et l'OSCE), de demander l'aide des institutions financières internationales, d'ouvrir ses représentations économiques et culturelles à l'étranger et d'employer ses propres symboles. La province aurait même reçu le droit de participer aux compétitions sportives internationales indépendamment de l'équipe serbe, c'est-à-dire sous son propre drapeau.

D'ailleurs, en citant les raisons pour lesquelles le Kosovo a le droit à l'indépendance, Ardian Gjini, ministre de la planification du Kosovo, a reconnu: "En fait, nous sommes déjà indépendants. Les gens sont indépendants dans leur esprit et leur coeur. Nous avons déjà tout pour nous considérer comme indépendants, sauf, peut-être, une équipe de football". Les Serbes ont promis que le Kosovo aurait son équipe.

L'interdiction de devenir membre de l'ONU était, en fait, la seule exigence avancée aux Kosovars. "C'est la première des prérogatives principales", a expliqué le ministre serbe des Affaires étrangères Vuk Jeremic. Belgrade juge également nécessaire de conserver ses "droits exclusifs" dans la politique étrangère et militaire, la protection de la frontière d'Etat, de laisser la police serbe dans la province (sans y introduire d'unités militaires) et de conclure un traité sur la défense des minorités nationales en tant que garantie des droits des cent mille Serbes résidant au Kosovo.

Les autorités serbes ont proposé, en tant que compromis, une dizaine de "précédents géographiques": les modèles de Hong-Kong, de la RFA et de la RDA, des îles d'Aland, de la Catalogne, du Pays des Basques, du Tyrol du Sud…

Rien n'y fait. Les Albanais du Kosovo n'ont besoin que d'indépendance. Ils n'ont pas examiné les autres variantes, plus précisément, ils ont cessé de les étudier dès qu'ils ont compris que l'Occident était à leurs côtés. En cas de proclamation de l'indépendance, les Occidentaux la reconnaîtront, certes, pas tous et pas d'emblée. Dans d'autres circonstances, il n'est pas exclu que même la Serbie aurait abandonné ses positions depuis longtemps. Mais la Russie a laissé entendre qu'elle ne céderait pas, dans aucune circonstance, sur le problème du Kosovo. Il ne s'agit même pas de la grande affection portée au peuple frère slave, sujet si cher aux députés russes, mais des intérêts nationaux de la Russie. En effet, si l'on admet l'indépendance du Kosovo, ce sera immédiatement le tour de l'Ossétie du Sud, de l'Abkhazie et de la Transnistrie de demander de siéger à l'ONU. A propos, ces républiques ont proclamé leur indépendance bien avant les Kosovars. Mais la Russie ne les a pas reconnues et elle ne les reconnaîtra pas, même en cas de "précédent du Kosovo". Il est vrai, on aura du mal à expliquer aux dirigeants de ces républiques — et pas seulement à eux — en quoi consiste "la situation exceptionnelle du Kosovo", dont on parle en Occident.

Les Serbes se trouvent entre deux feux. Ils sont disposés à faire des concessions maximales. Mais toute patience a des limites. Comprenant que les négociations sont entrées dans une impasse, dont l'issue est bloquée, Belgrade a commencé à proférer des menaces. A présent, il menace la province de lui imposer un blocus économique, de fermer les frontières, de cesser de l'approvisionner en énergie. Ce n'est qu'une liste préalable, semble-t-il. "Ceux qui prennent de telles décisions doivent comprendre à quoi elles peuvent conduire", a affirmé à Baden Vuk Jeremic. Les autorités serbes prédisent une "grande explosion" dans les Balkans et "l'effet du domino" dans le monde entier, lorsqu'après les Kosovars, toute une série de territoires qui attendaient le moment propice proclameront leur indépendance.

Quelle sera la suite des événements? La "troïka" se rendra la semaine prochaine au Kosovo, mais ce voyage ne pourra pas régler ces problèmes. Le 10 décembre, le document final rédigé par les médiateurs sera soumis à Ban Ki-moon secrétaire général de l'ONU. Il sera probablement transmis au Conseil de sécurité aux alentours du 20 décembre. Si les membres du Conseil de sécurité décident tout de même de voter, le résultat est d'ores et déjà évident: la Russie usera de son droit de veto.

Pristina a promis de décider quelles seraient ses actions ultérieures après s'être concerté avec les Etats-Unis, l'OTAN et l'UE. Pourtant, les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne ont déjà invité les dirigeants du Kosovo à ne pas proclamer l'indépendance à titre unilatéral. Suivront-ils ces recommandations?

Selon certains renseignements, il existe un plan secret de règlement du problème du Kosovo élaboré, soi-disant, à la mi-novembre, par le ministère français des Affaires étrangères. D'après ce document, le Kosovo devrait lancer son "dernier avertissement" en janvier, puis proclamer officiellement son indépendance en février, après quoi le nouveau pays devrait être reconnu par l'Albanie, avant les Etats-Unis (Washington ne veut pas figurer le premier sur cette liste). Ensuite viendraient les Etats musulmans et certains pays européens: la Grande-Bretagne, la France, les républiques baltes…

Mais tout cela ne reste, pour l'instant, qu'une hypothèse qui se réfère à des "sources anonymes". Ont-elles raisons? On l'apprendra bientôt, à la fin de l'hiver, au plus tard.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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