La Biélorussie, qui avait subi il y a 21 ans les effets de l'accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl, a exprimé le désir de posséder sa propre centrale nucléaire. "Notre pays ne se passera pas de centrale nucléaire et nous la construirons. Les travaux préparatoires nécessaires pour commencer la mise en oeuvre du projet devraient s'achever en 2008", a indiqué le président biélorusse Alexandre Loukachenko. Il ne s'agit pas d'une déclaration d'intention mais d'une décision politique entérinée dans deux documents, la Directive présidentielle N3 et la Conception de la sécurité énergétique de la République de Biélorussie contenant le projet suivant: "Construire une centrale nucléaire d'une puissance de 2000 MW vers 2020".
La démarche "nucléaire" de Minsk n'a rien à voir avec des ambitions politiques, comme cela pourrait laisser paraître. Elle est due à la nécessité vitale d'avoir une source d'énergie fiable dans un contexte de déficit des ressources d'hydrocarbures et de l'épuisement des gisements de pétrole et de gaz dans le monde. Le pays subit la pression de la hausse des prix des produits énergétiques exportés. Afin de remédier à cet état de choses, les autorités annonceront prochainement la décision officielle de commencer la mise en oeuvre du projet de construction d'une centrale nucléaire.
Mais la Biélorussie, qui n'a aucune expérience nucléaire, est-elle prête à réaliser le programme prévu? "A mon avis, la Biélorussie est tout à fait prête à développer son secteur nucléaire national, estime Alexandre Gloukhov, premier vice-président de la compagnie russe Atomstroïexport qui réalise des projets de construction de centrales nucléaires à l'étranger. C'est un des huit pays figurant sur la liste de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) qui évalue le niveau de préparation des pays membres potentiels du "club nucléaire". Selon Alexandre Gloukhov, cette évaluation correspond à l'analyse de facteurs tels que l'état du secteur énergétique dans son ensemble, le niveau de développement de l'infrastructure, les réseaux économiques ainsi que le degré de formation du personnel technique et scientifique. Le soutien éventuel apporté par la société au nucléaire civil revêt également une importance dans ce sens.
Le président Alexandre Loukachenko a pris sa décision en se basant sur une analyse effectuée par l'Académie nationale des sciences de la République de Biélorussie et le ministère de l'Energie. Après avoir examiné plusieurs variantes et constaté que le nucléaire civil n'avait aucune alternative sérieuse, il a été convenu que la construction d'une centrale nucléaire serait la solution la plus efficace pour régler le problème énergétique. Ce sera une "centrale nucléaire des plus inoffensive", a-t-on certifié au peuple. Le président biélorusse a promis que la question de savoir "qui la construira" serait réglée "non pas dans les couloirs, mais en ayant recours à un appel d'offres international transparent. La préférence sera accordée à la qualité et au bas prix du projet choisi".
Cependant, Alexandre Loukachenko ne cache pas sa préférence pour le Japon, celle-ci se manifestant dans les multiples compliments adressés à ce pays. "Nous considérons le Japon comme un Etat capable de construire le réacteur le plus inoffensif au monde. Nous souhaiterions coopérer avec le Japon s'il propose un très bon projet et conforme à tous les critères", a affirmé le président biélorusse dans une interview à l'agence Kyodo Tsushin. Le président a également mentionné la possibilité de coopérer avec des compagnies françaises.
Bien entendu, le pays souverain a le droit d'agir comme il l'entend, en s'appuyant sur ses propres motivations et arguments. Cependant, il importe dans ce cas d'évaluer tous les risques du projet nucléaire. Par exemple, le personnel biélorusse est-il prêt à travailler avec des documents concernant le projet et l'exploitation de la centrale ayant subi une traduction? Combien coûteront la traduction de ces documents (du japonais au biélorusse par exemple) et la formation du personnel de la centrale? Il ne s'agit là que de problèmes superficiels.
La Russie, luttera-t-elle en faveur de ce projet? Certainement. "Nous devons participer aux appels d'offres étrangers, y compris biélorusse", a déclaré Sergueï Kirienko, directeur de l'Agence fédérale de l'Energie atomique (Rosatom). Les avantages évidents du partenariat avec la Russie ont été soulignés par Alexandre Gloukhov: "En ce qui concerne l'aspect professionnel du problème, il faut reconnaître que nous avons avec la Biélorussie une base normative quasiment identique. Les technologies de travail des associations de construction sont les mêmes. Les compagnies russes invitent déjà les spécialistes biélorusses à participer à leurs projets nucléaires et programmes scientifiques. L'absence de barrière linguistique permettrait certainement de terminer plus rapidement l'étape de construction de la future centrale nucléaire", estime Alexandre Gloukhov. Quant à la qualité des réacteurs russes, ils sont les meilleurs du monde de par leurs caractéristiques techniques et leurs indices de sécurité.
Quel projet peut présenter la Russie à l'examen biélorusse? Une centrale nucléaire à deux réacteurs VVER-1000 (réacteur énergétique de type eau-eau). Un tel projet vient d'être réalisé avec succès en Chine, à la centrale nucléaire de Tianwan. "Si le client biélorusse le demande, il peut être modernisé du point de vue de la conception et de l'implantation des équipements. Il est également possible d'accroître le délai de fonctionnement des équipements irremplaçables en conservant, ou en améliorant, tous les indices de sécurité", a souligné Alexandre Gloukhov.
L'emplacement de la future centrale n'a pas encore été défini, six variantes proposées par des spécialistes locaux sont actuellement à l'étude. Le Nord et le Sud-Est de la région de Moguilev sont considérés comme les emplacements les plus prometteurs.
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