Par Andreï Kisliakov, RIA Novosti
Il semble que les essais de la plus puissante bombe à vide jamais conçue, réalisés sur un polygone russe à la veille du sixième anniversaire de la tragédie du 11 septembre, ne constituent pas seulement un avertissement lancé aux ennemis de tous horizons, mais aient aussi été, d'une certaine manière, prédestinés. Presque comme chez Tchékhov: un fusil suspendu au mur finira tôt ou tard par servir.
Tout au long du tumultueux XXe siècle, le monde a accumulé tellement d'armes qu'elles ne pourront faire autrement qu'exploser. Et nous-mêmes faisons tout notre possible pour utiliser efficacement tous ces moyens de destruction. Rien qu'au cours de la dernière décennie du siècle passé, le monde a connu 34 guerres, grandes et petites, notamment une guerre internationale dans le Golfe, deux campagnes tchétchènes et une guerre en Yougoslavie, de grande ampleur par le nombre des parties engagées dans le conflit. Sans oublier la lutte contre des terroristes invisibles, dont la planète tout entière a fait sa mission numéro un.
En d'autres termes, on ne peut se passer d'armes. Du point de vue de l'art militaire, il y a peu de chances qu'il faille un jour à nouveau organiser des fronts de plusieurs kilomètres en faisant avancer armées, corps et divisions. La lutte armée de ces dernières années comme des prochaines prévoit des opérations rapides, limitées dans l'espace et sans ligne de front nettement dessinée. De plus, les renseignements sur l'ennemi peuvent être recueillis à une vitesse telle que la situation peut connaître des évolutions très rapides.
Il est clair, de ce fait, que le système de conduite des opérations met au premier plan le renseignement et la localisation des cibles. Pour ce qui est des armements, les armadas de tanks et les centaines de pièces d'artillerie disposées à un kilomètre de la ligne de front font partie du passé. De nos jours, l'ennemi est une cible individualisée qui nécessite non pas de tirer dans le tas mais de recourir à une arme de haute précision.
Pour des raisons évidentes, l'arme nucléaire continuera, comme auparavant, à remplir des fonctions strictement "représentatives". Les tâches stratégiques devront à présent être confiées à des armes conventionnelles, aux effets comparables à ceux des armes nucléaires.
Les Etats-Unis comme la Russie s'intéressent de très près au perfectionnement des armes conventionnelles. C'est ainsi que les Etats-Unis ont décidé, il y a deux ans, de poser des têtes non nucléaires sur leurs missiles stratégiques navals Trident II, et de créer ainsi un arsenal. Mais les problèmes politiques soulevés par cette décision ont apparemment contraint le Pentagone à renoncer à ce programme pour se concentrer sur les projets depuis longtemps mûris de créer des armes pénétrantes, capables de garantir la neutralisation d'objectifs enterrés extrêmement bien protégés.
Quant à la Russie, elle a décidé de renforcer ses positions dans le domaine certes exotique, mais qui n'a rien de nouveau, des bombes à vide.
Les Américains ont utilisé des bombes à vide au Vietnam, dès les années 60, et les Russes ont employé, contre les combattants afghans dans les années 70 puis, plus récemment, contre les séparatistes tchétchènes, des lance-roquettes multiples TOS-1, dont les munitions remplies d'une mixture thermobarique fonctionnent sur le même principe.
Il convient de noter que le terme même de "bombe à vide" n'est pas très juste. Il s'agit en fait de munitions à implosion ou thermobariques. A un moment donné de la séquence, il se produit effectivement un effet de vide. Comment fonctionne cette arme?
Une bombe thermobarique, disons larguée d'un avion, comporte un ou plusieurs réservoirs remplis d'un mélange explosif, à base d'hydrocarbures volatils par exemple. Lorsque la bombe frappe sa cible, ou éclate à une dizaine de mètres de sa surface, elle libère la mixture qui, au contact de l'oxygène de l'air, forme un mélange détonnant très puissant — un nuage d'une vingtaine de mètres de diamètre et de trois mètres d'épaisseur — qui explose 100 à 140 millisecondes après avoir été libéré.
L'explosion s'accompagne d'une onde de choc qui se propage à la vitesse supersonique de 3 km/s, créant une surpression pouvant atteindre 30 kg/cm2. Il se forme au contraire, "à l'arrière", un vide profond qui, tel un aspirateur, attire l'air et les particules solides. Un nuage en forme de champignon spécifique s'observe alors. L'explosion d'une grosse bombe à vide en Irak, lors de l'opération Tempête du désert, a fait dire à certains que les Américains avaient utilisé une bombe nucléaire tactique.
La capacité du mélange FAE (Fuel-air-explosive) à pulvériser ou à détruire un obstacle est toutefois très faible. Pour l'homme, par contre, il serait difficile d'imaginer une arme plus dévastatrice. Même en l'absence d'explosion, due à la pluie ou à un fort vent par exemple, le "brouillard" de particules s'infiltrera dans la moindre fissure et empoisonnera tout être vivant. Lors de l'explosion, tous ceux qui ne périront pas dans les flammes seront soumis à l'action de la très puissante onde de choc et du vide. Les médecins notent, parmi les blessures caractéristiques causées par les munitions à vide, des lésions, la cécité, l'éclatement des tympans, des brûlures des voies respiratoires et des poumons, de multiples hémorragies internes, le déplacement et l'éclatement des organes internes.
On commence à entrevoir certaines perspectives de l'effet de vide et de surpression en cas d'utilisation de l'arme nucléaire. Supposons que, dans la zone de surpression créée par l'explosion d'une première ogive, on envoie une deuxième charge qui explose dans le milieu hyperdense déjà constitué. L'effet de choc serait alors bien plus puissant que lors de l'utilisation de têtes nucléaires traditionnelles de puissance identique.
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