La pénurie d'eau se mondialise

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Par Tatiana Sinitsyna, RIA Novosti
Par Tatiana Sinitsyna, RIA Novosti

Peut-on vivre sans eau, la ressource naturelle n°1? N'avons-nous pas oublié que nous-mêmes sommes constitués de ce liquide à 75%? Le problème du déficit croissant d'eau a récemment été évoqué à Stockholm où s'est achevée la Semaine mondiale de l'eau. Une nouvelle fois, les chercheurs se sont inquiétés du fait que plus d'un milliard de personnes soient aujourd'hui privées d'eau potable saine, et que 2,06 milliards de personnes souffrent de l'absence de conditions sanitaires civilisées. Cette fois-ci, cependant, en dehors des questions traditionnelles (réserves d'eau, méthodes d'épuration), les délégués se sont penchés sur l'influence que le climat en évolution pourrait avoir sur les ressources en eau. Les experts sont unanimes: si l'humanité ne change pas d'attitude à l'égard de l'environnement, le problème de l'approvisionnement en eau sera prochainement au centre des préoccupations des habitants de la planète.

De nombreux problèmes débattus à Stockholm touchent la Russie. Car seuls les Moscovites et les habitants de quelques grandes villes ne connaissent pas de pénurie, tandis que le reste de la population est régulièrement confronté au manque d'eau propre. Dans les régions méridionales du pays, le problème est grave au point que les robinets s'ouvrent selon un horaire précis, et dans certains endroits (en Kalmoukie, par exemple) ils ne s'ouvrent que de nuit.

Pourtant, la Russie est très riche en eau douce: 2,5 millions de fleuves et rivières et plus de 3 millions de lacs dont les réserves sont estimées à 26.000 kilomètres cubes. Dans ce contexte, l'aveu de Roustem Khamitov, directeur de l'Agence fédérale des ressources en eau, semble paradoxal: "Nous autres professionnels, nous savons que la richesse en eau du pays n'est qu'apparente, car elle est en voie de disparition". "Disposant de faramineuses réserves d'eau, la Russie n'a toujours pas appris à les gérer de manière économe", estime le directeur de l'Institut des problèmes de l'eau (Académie russe des sciences), Viktor Danilov-Danilian. D'après lui, les priorités écologiques commencent à s'effacer face aux priorités économiques. Le plus grand défaut du système russe de ravitaillement en eau est, selon le chercheur, l'absence de compteurs dans la plupart des logements. Aujourd'hui, ces défauts commencent à être éliminés, mais vu l'ampleur et les particularités russes le processus promet d'être long.

Les experts jugent mauvaise la qualité de l'eau courante consommée par les Russes. "Si la population russe continue de boire l'eau qu'elle boit aujourd'hui, il n'en restera personne dans trente ans", avertit Iouri Rakhmanine, directeur de l'Institut d'écologie de l'homme et d'hygiène de l'environnement (Académie russe des sciences). La moitié du réseau de canalisations fédéral est usée et doit être remplacée. Il faudra des décennies pour le moderniser, la longueur totale des tuyaux s'élevant à 543.000 kilomètres.

La pénurie d'eau en Russie s'explique essentiellement par une consommation peu économe. Le prix extrêmement bas de l'eau joue également un rôle négatif. "En tant que produit, l'eau n'a pratiquement pas de valeur économique en Russie, et elle ne coûte absolument rien pour les industries et le secteur de l'énergie, reconnaît Roustem Khamitov. Le prix de l'eau ne dépasse pas 0,03% de sa valeur réelle. Elle est relativement bon marché pour la population qui paie entre 5 et 7 roubles le mètre cube (entre 0,14 et 0,2 euro), contre 2 à 3 euros dans les pays européens". Comprenant qu'en Occident les revenus de la population sont beaucoup plus élevés, le gouvernement ne se hâte pas de faire reposer sur les Russes la totalité des dépenses d'eau.

Parmi les principaux facteurs qui contribuent à noircir le tableau, les spécialistes citent l'absence d'installations d'épuration modernes, la poussée agressive de l'homme sur les rivages, mais aussi le fait que la moitié de l'eau se perd lors du transport en raison de l'âge des conduites. Pour le ministre des Ressources naturelles, Iouri Troutnev, c'est l'absence d'un système rationnel de gestion des ressources en eau qui explique tous ces malheurs.

Le problème de la pénurie d'eau n'en finit pas de se mondialiser, a-t-on constaté à Stockholm pendant la Semaine mondiale de l'eau. Et il faut que tous les pays en tiennent compte, aussi bien ceux qui se permettent de dilapider le précieux liquide que ceux qui en comptent chaque goutte.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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