Par Iouri Ploutenko
Le 13 août dernier, l'ancien agent secret soviétique Mikhaïl Moukasseï a soufflé ses 100 bougies.
Mikhaïl Moukasseï est né en 1907 dans un petit village biélorusse. Il a travaillé dans la forge de son père dès sa petite enfance, mais sa soif de connaissances l'a ensuite conduit à Leningrad (aujourd'hui Saint-Pétersbourg).
Le jour, il était ouvrier aux chantiers navals de la Baltique et le soir, il suivait des cours. En 1925, Mikhaïl Moukasseï a été admis à la faculté de géographie économique de l'Université de Leningrad où il a rencontré sa future épouse Elizaveta Emelianova, étudiante en biologie.
Après avoir terminé ses études de géographie, il a été dirigé vers l'Institut des langues orientales de Leningrad où il a reçu une formation linguistique.
En 1937, le jeune diplômé Mikhaïl Moukasseï a été envoyé à l'École d'espionnage de l'Armée rouge des ouvriers et des paysans (RKKA). Un an plus tard, il a été nommé vice-consul soviétique à Los Angeles où sa femme l'a rejoint en 1939. Les époux ont recueilli des informations secrètes à Hollywood jusqu'en 1943.
Pourquoi les services secrets soviétiques s'intéressaient-ils à Hollywood? On pouvait obtenir des informations importantes lors des réceptions où se côtoyaient acteurs, écrivains et hommes politiques. Certaines vedettes de cinéma et hommes de lettres avaient des connaissances au gouvernement. Theodore Dreiser, Charlie Chaplin, Walt Disney et d'autres célébrités ont souvent assisté aux réceptions offertes par le consulat soviétique et sont devenus amis des Moukasseï. L'agent secret soviétique a même offert à Charlie Chaplin un ourson brun.
Charlie Chaplin ne cachait pas son amour de l'URSS. Il avait peint la porte d'entrée de sa maison en rouge, suscitant l'intérêt du FBI. Chaque année, vingt jours avant l'anniversaire de la Révolution d'octobre 1917, Chaplin faisait enregistrer un télégramme de félicitations pour le peuple soviétique qu'il remettait à M.Moukasseï.
Chaplin a transmis beaucoup de données secrètes importantes aux Moukasseï. Il a notamment prévenu l'URSS de l'imminente invasion allemande en se référant à ses connaissances à l'ambassade d'Allemagne aux États-Unis.
A l'automne 1941, les services secrets soviétiques ont été chargés d'établir s'il fallait s'attendre à une invasion japonaise. Mikhaïl et Elizaveta Moukasseï ont signalé que pour le moment, les Japonais ne s'étaient pas encore décidés à attaquer l'Union soviétique. Ces informations ont été confirmées par un autre agent secret soviétique — Richard Sorge — en poste à Tokyo. Les Moukasseï ont conservé comme une relique un service à café en argent offert par Richard Sorge lui même.
Leur mission américaine accomplie, les époux sont rentrés en URSS. En 1947, on leur a proposé de travailler à l'étranger sous une fausse identité.
Mikhaïl et Elizaveta Moukasseï ont passé vingt-cinq ans à l'étranger sans jamais se faire prendre. Mikhaïl Moukasseï parle six langues étrangères — anglais, allemand, espagnol, français, bengali et polonais.
Leurs missions sont toujours classées secrètes. Mais leurs décorations d'État en disent long. Le colonel Mikhaïl Moukasseï s'est vu décerner les ordres du Drapeau rouge, de la Guerre patriotique et de l'Etoile rouge, de nombreuses médailles dont la médaille du Mérite militaire et l'insigne "Agent émérite de la sécurité d'État". Il a reçu l'Ordre de l'Honneur pour son 100e anniversaire. Son épouse Elizaveta, qui a fêté son 95e anniversaire en 2007, a elle aussi beaucoup de distinctions d'État.
Mikhaïl et Elizaveta Moukasseï sont ensemble depuis 75 ans et toujours pleins d'amour et de sollicitude l'un pour l'autre. Les anciens agents secrets mènent une vie active. Ils suivent l'actualité et lisent les journaux. En 2004, ils ont fait publier des mémoires autobiographiques intitulés "Zéphyr", du nom de leur indicatif radio d'antan. Leur ouvrage est le livre de chevet de nombreux étudiants de l'Académie des renseignements extérieurs. Mikhaïl Moukasseï a célébré son centenaire avec sa grande famille et ses collègues.