La conquête spatiale bientôt inimaginable sans l'énergie... nucléaire

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Par Iouri Zaïtsev, conseiller à l'Académie russe des sciences techniques, pour RIA Novosti
Par Iouri Zaïtsev, conseiller à l'Académie russe des sciences techniques, pour RIA Novosti

Aujourd'hui, c'est l'énergie solaire qui prévaut dans les systèmes de propulsion des engins spatiaux. Toutefois, même si le rendement des batteries solaires s'est nettement accru ces derniers temps, celles-ci ont pratiquement atteint les limites de leur développement et ne peuvent servir de source d'électricité principale qu'en orbite circumterrestre, et encore à condition que la consommation des appareils de bord soit limitée. Pour les projets ambitieux tels que la conquête de la Lune et la mission habitée sur Mars, on ne pourra pas se passer des propulseurs nucléaires.

Les propulseurs nucléaires ont le mérite d'être pratiquement indépendants de la lumière solaire. Ils peuvent servir non seulement de source d'énergie pour alimenter l'équipage et les équipements, mais aussi de moyen de propulsion.

Selon les estimations réalisées ces dernières années par les différents centres de recherche, l'emploi de l'énergie nucléaire pour les vols spatiaux de longue durée permettrait de dégager des économies financières significatives et de réduire la durée des expéditions interplanétaires. Dans le cas de la mission martienne, un propulseur nucléaire réduirait de presque trois fois la durée du trajet en comparaison avec les propulseurs au combustible chimique traditionnel. Pour atteindre les confins du système solaire, il suffirait de trois ans seulement au lieu de dix. Les propulseurs nucléaires pourraient aussi être utilisés comme source d'électricité et d'énergie thermique pour alimenter les bases extra-atmosphériques.

En Russie, comme aux Etats-Unis, un grand potentiel scientifique et technique a été accumulé dans ce domaine au cours du XXe siècle. Cependant, sur les caractéristiques principales telles que la température maximale d'échauffement de l'hydrogène et l'impulsion de poussée spécifique, la Russie est très en avance sur les Américains. Elle est pour ainsi dire le seul pays disposant de technologies de propulsion nucléaire réelles.

Les Etats-Unis n'ont testé qu'une fois, en 1965, un réacteur nucléaire comparable au Topaz soviétique, mais il n'a fonctionné que 43 jours, tandis que le satellite sur lequel il a été installé reste jusqu'à présent en orbite parmi d'autres débris spatiaux. La Russie, en revanche, a lancé une quarantaine d'engins spatiaux à propulsion nucléaire. La plupart de ces appareils assumaient des fonctions de renseignement et agissaient en orbite basse pendant plusieurs mois.

La puissance de Topaz-2 était d'environ 10 kW. A titre de comparaison, un mètre carré d'une batterie solaire, aujourd'hui principale source d'électricité des appareils spatiaux, n'offre pas plus de 120 W en orbite circumterrestre. De surcroît, plus on s'éloigne du Soleil, moins les batteries solaires sont efficaces. A ce jour, les chercheurs russes ont développé toute une série de propulseurs nucléaires conceptuels disposant d'une puissance initiale d'environ 25 kW. Doté d'un propulseur de ce type, un appareil spatial destiné à une observation de l'ensemble du globe offrirait de nouvelles possibilités pour le recueil d'informations, dans l'intérêt des utilisateurs civils et militaires. Compacts par rapport aux batteries solaires, les propulseurs nucléaires faciliteraient l'exploitation des appareils et leur orientation dans l'espace, notamment pour réaliser des missions demandant un guidage de haute précision.

Enfin, les propulseurs nucléaires résistent à l'impact de différents facteurs environnants, tandis que la réduction significative de leur masse spécifique est compensée par une croissance de leur puissance. Quelle que soit la puissance, les dimensions du propulseur nucléaire seront moins grandes que celles des batteries solaires.

Le développement d'appareils d'une puissance de 50 kW - et pourquoi pas de 100 kW ou plus puissants encore - permettra de créer des satellites de télécommunications polyvalents de nouvelle génération et des appareils spatiaux susceptibles d'assurer la surveillance radar des objets sur terre et en vol depuis l'orbite géostationnaire ou géosynchrone.

A une époque, la Russie et les Etats-Unis ont dû suspendre les programmes de conception et d'utilisation pratique des propulseurs nucléaires pour des raisons de sécurité radioactive. Aujourd'hui, l'énergie nucléaire est qualitativement plus fiable et connaît un nouveau souffle. Cela s'explique par des missions ambitieuses et énergivores à réaliser en orbite circumterrestre et dans l'espace lointain. Avec le financement régulier des technologies spatiales, à l'avenir, l'humanité devrait être capable de réaliser non seulement une mission habitée vers Mars, mais aussi de lancer la mise en valeur industrielle de l'espace et de créer une base habitée sur la Lune.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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