Ehud Olmert a été le premier chef de gouvernement israélien depuis le début de l'Intifada en septembre 2000 à se rendre dans la ville de Jéricho en Cisjordanie le 6 août dernier, pour y rencontrer le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Fait intéressant: cette ville a été parmi les premières à être transférée sous juridiction palestinienne par les Israéliens en 1994, au tout début du processus de paix. Ce n'est pas la seule analogie marquante de l'entretien Olmert-Abbas. De nombreux rapprochements peuvent être faits, aussi bien avec l'époque où Israël et l'Autorité palestinienne entretenaient de saines relations, qu'avec la fin de cette idylle en 2000.
Pour la première fois depuis sept ans, la partie israélienne se dit prête à discuter avec les Palestiniens des moyens visant à mettre fin au conflit et à créer un Etat palestinien. Ces dernières années, les rares rencontres entre Israéliens et Palestiniens avaient plutôt été consacrées à la stabilisation de la situation, à la coopération économique et humanitaire et aux questions de sécurité, qu'à la reprise du dialogue.
Les dernières discussions au sommet, tout comme celles à venir, ont eu pour objectif de poser les principes fondamentaux d'un Etat palestinien, en prévision d'une grande conférence internationale sur le Proche-Orient prévue pour cet automne, à l'initiative du président George W. Bush. Le chef de la Maison Blanche avait en effet promis de dénouer la crise palestino-israélienne avant l'expiration de son mandat, soit d'ici 17 mois.
Avec quel bagage les parties arriveront-elles à la conférence? Selon les médias, Israël espère parvenir à un accord avec les Palestiniens sur les principes d'un règlement bilatéral du conflit, sans entrer dans le détail. Les implications de ces principes ne sont pas toujours claires, hormis l'accord des deux parties sur la création d'un Etat palestinien dans un proche avenir.
En 1993, les Israéliens et les Palestiniens avaient signé la Déclaration de principes. Il s'agissait entre autres d'établir une Autorité palestinienne intérimaire autonome, de transférer les compétences du gouvernement militaire israélien aux Palestiniens après le retrait de la bande de Gaza et de la région de Jéricho, de préciser les paramètres de coopération et de redéployer les forces armées israéliennes. Les parties s'étaient engagées à entamer les négociations sur le statut permanent des territoires palestiniens, au cours desquelles seraient abordées les sujets urgents, dont Jérusalem, les réfugiés palestiniens, les colonies juives et les frontières.
La période de transition fixée à cinq ans en avait duré 15. Les dernières discussions sur le règlement définitif du conflit et les autres questions en suspens ont eu lieu au sommet de Camp David de 2000, en présence du leader palestinien Yasser Arafat et du premier ministre israélien Ehud Barak, invités par le président américain de l'époque, Bill Clinton. Les négociations avaient échoué, les conclusions ne pouvant satisfaire ni les Palestiniens ni les Israéliens. Cet échec avait été l'un des catalyseurs de la seconde Intifada qui avait interrompu le processus de paix.
Aujourd'hui, les Israéliens et les Palestiniens visent de nouveau l'idée d'une déclaration de principes. Et cette fois encore, les questions brûlantes vont être remises à plus tard, jusqu'à la convocation en novembre d'une conférence internationale sur le Proche-Orient. D'ailleurs, toute la chronologie des pourparlers entre Israël et les Palestiniens dans le passé nous montre que leur solution ne sera pas réalisable cette fois-ci non plus. Les discussions prévues pour l'automne prochain pourraient s'enfoncer dans l'impasse aussi bien que celles entre MM. Arafat, Barak et Clinton en 2000.
En effet, la conjoncture régionale a changé, notamment l'attitude du monde arabe à l'égard d'Israël et la situation dans les territoires palestiniens (pour le pire dans plusieurs cas). Mais les principes pour lesquels les Palestiniens avaient opté il y a sept ans, en vue de créer leur Etat indépendant, sont, eux, restés les mêmes: Jérusalem-Est comme capitale, le retour des réfugiés palestiniens, la restitution (totale ou en partie) des territoires occupés par les Israéliens en 1967. La dernière initiative de paix arabe repose justement sur ces principes et les Palestiniens s'appuient sur cette initiative lors des négociations.
Le chef des négociateurs palestiniens Saëb Erekat a déclaré à l'issue de la rencontre Olmert-Abbas que les Palestiniens n'avaient besoin d'aucune initiative autre que celle de la Ligue arabe. Ils souhaitent qu'un plan d'actions préalable visant à créer un Etat palestinien indépendant soit esquissé lors de la future conférence internationale sur le Proche-Orient. Les principes d'établissement d'un tel Etat restent donc indiscutables pour les Palestiniens.
Toutefois, cela ne signifie pas que les deux parties sont incapables de trouver un compromis. C'est tout à fait faisable. Cependant, en Israël comme au sein de l'Autorité palestinienne, il vaut mieux préparer d'avance l'opinion publique à d'éventuelles concessions, puisqu'elles pourraient être douloureuses pour les deux parties. Sans quoi tous les accords et déclarations ne prendront jamais effet. Ni Mahmoud Abbas ni Ehud Olmert ne bénéficient d'un assez large soutien de la population pour pouvoir faire les concessions indispensables au règlement définitif du conflit.
Les événements de ces derniers jours nous rappellent de plus en plus la situation de 2000. A l'époque, Bill Clinton avait pressé les Israéliens et les Palestiniens de parvenir à une entente avant le terme de son mandat présidentiel. D'un côté, il faut saluer la volonté des deux parties de relancer à nouveau le processus de paix comme il y a sept ans. Mais de l'autre, il ne faut pas oublier que l'échec des négociations avait alors entraîné une nouvelle Intifada. Est-il possible que l'histoire se répète?
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