Les démocrates américains ont échoué à faire passer au Sénat un projet de loi prévoyant de retirer une grande partie des troupes américaines de l'Irak avant le printemps 2008.
Aux Etats-Unis, cette année est marquée par une campagne électorale, et les électeurs souhaitent que les soldats quittent le sol irakien, ce qui veut dire que les parlementaires n'ont pas d'autre choix que de voter à nouveau sur la question du retrait des troupes. Toutefois, ces tentatives ont peu de chances de succès, essentiellement parce que le président George W. Bush a promis d'avance qu'il opposerait son veto à tous les projets de loi allant dans ce sens.
En réalité, cependant, il est plus important de savoir comment, et non quand, quitter l'Irak de la manière la moins douloureuse aussi bien pour les Etats-Unis que pour les Irakiens.
Quand les Etats-Unis ont lancé une campagne militaire en Irak, ils ont déclaré que leur objectif était d'y instaurer la démocratie. S'y est ajouté ensuite une nouvelle mission consistant à rétablir la sécurité. Rappelons que le processus de démocratisation prend, dans nombre de cas, des décennies entières. Mais les Américains ne peuvent pas se permettre d'éterniser leur présence militaire en Irak. Sur le plan de la sécurité, un long chemin reste à parcourir pour atteindre l'objectif.
La situation sera peut-être plus claire en septembre prochain, quand deux rapports américains sur la situation en Irak seront publiés. Le premier sera présenté par le commandant des troupes américaines en Irak, le général David Petraeus, et l'ambassadeur américain à Bagdad, Ryan Crocker, et le second par le chef d'Etat-major interarmées américain, le général Peter Pace.
D'ici là, on saura si la nouvelle stratégie Bush qui prévoyait une augmentation des effectifs en Irak et de nouvelles méthodes de sécurisation a réussi. Le rapport provisoire sur l'Irak présenté à la mi-juillet au Congrès par l'administration américaine constatait seulement que le redéploiement des troupes américaines ne datait que de plusieurs semaines, et que les premiers résultats commençaient seulement à se profiler.
Les perspectives de normalisation des activités du gouvernement et du parlement irakiens sont tout aussi floues. Ces derniers, à en croire le même rapport provisoire, ne sont pas parvenus à enregistrer de succès significatifs dans les réformes politiques, militaires et économiques sur lesquelles insistent les Etats-Unis et les pays donateurs. Rien ne garantit que la situation s'améliore vers le mois de septembre, il n'y a que l'espoir. Car les responsables politiques irakiens ne peuvent pas ignorer que s'ils échouent à faire des progrès, George W. Bush sera privé des atouts lui permettent de prolonger la présence américaine en Irak. Les autorités irakiennes en place préfèrent que le retour, certes inévitable, des troupes américaines ne soit pas décidé par le Congrès, mais qu'il intervienne lorsque cela correspond, si ce n'est aux intérêts irakiens, à ceux des Etats-Unis mêmes.
Dans l'idéal, le retrait de l'Irak devrait faire partie d'une stratégie réfléchie de sécurisation de la région. Et il est préférable que cette stratégie soit élaborée par les Américains en concertation avec d'autres forces intéressées à la stabilité en Irak et au Moyen-Orient dans son ensemble. Là, il est très important de répondre à la question de savoir si les Etats-Unis ont une vision claire de leurs objectifs au Moyen-Orient. De cette vision dépend dans quelle mesure, dans quel domaine et avec qui les Etats-Unis devraient coopérer en élaborant leur stratégie de retrait des troupes.
Il est évident que l'élaboration du plan de retrait doit mobiliser toutes les forces politiques en Irak, à l'exception des terroristes, ainsi que les voisins irakiens, dont l'Arabie saoudite, la Jordanie, la Turquie, la Syrie et l'Iran. On ne peut pas ignorer non plus l'avis des pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU, comme la Russie et la Chine, qui ont non seulement leurs propres intérêts économiques en Irak, mais aussi sont directement concernés par la situation au Moyen-Orient sur le plan de la sécurité.
Naturellement, les intérêts des parties sont souvent contradictoires. Quant aux Etats-Unis, ils doivent comprendre au moins leur objectif ultime. De surcroît, aux Etats-Unis comme dans le monde arabe, les avis sont partagés sur la nécessité ou non, pour les Américains, de coopérer avec la Syrie et l'Iran. Mais seule l'administration américaine est à même de clore le débat.
Il y a une chose qu'elle ne peut pas ignorer: il est impossible de coopérer avec l'Iran et la Syrie dans les affaires irakiennes tout en s'opposant dans d'autres dossiers, qu'il s'agisse du dossier nucléaire iranien, de la situation au Liban ou en Palestine. Et ce n'est qu'une partie des problèmes auxquels la Maison Blanche est confrontée.
Les interrogations sont nombreuses, et on risque, en les ignorant, de semer le chaos au Moyen-Orient.
Si tel est le cas, une question s'impose, celle de savoir si les démocrates croient réellement au succès de leurs démarches et s'ils souhaitent réellement que le retrait des troupes américaines de l'Irak se déroule en conformité avec l'amendement qu'ils proposent. Ou bien s'agit-il d'une simple hypocrisie préélectorale, quand on demande à son adversaire de remplir les conditions impossibles à remplir?
Cette prise de position n'est pas des plus sérieuses, pour parler gentiment. Les démocrates ont une chance réelle de remporter l'élection présidentielle, mais il ne faut pas oublier que gagner signifie assumer toutes les responsabilités découlant du retrait de l'Irak.
Ce dernier pourrait avoir des conséquences tragiques: le démembrement de l'Irak, sa transformation en une base terroriste, le regain de terrorisme en Europe, aux Etats-Unis, au Moyen-Orient, le chaos régional et la flambée des prix du pétrole.
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