Odessa n'a pas besoin de l'OTAN

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Par Nikita Petrov, commentateur militaire, pour RIA Novosti
Par Nikita Petrov, commentateur militaire, pour RIA Novosti

Les exercices de pays de l'Alliance atlantique et de leurs partenaires dans le cadre du programme de Partenariat pour la paix, See Breeze 2007, ont commencé lundi sur le site de Chiroki-Lan, près d'Odessa. Ils ont pour objectif de "perfectionner la coordination lors d'une opération de paix" et de "s'opposer aux terroristes qui tentent d'occuper une localité".

Ces exercices se tiennent dans la partie nord-ouest de la mer Noire, sur des sites, dans des aérodromes et des ports côtiers. Près de 2.500 militaires de pays riverains et des Etats-Unis y prendront part, seront également engagés 22 bâtiments et vaisseaux auxiliaires, 5 avions et hélicoptères.

Parallèlement à ces exercices, des meetings et des manifestations ont lieu à Odessa. L'objectif des protestataires consiste à contraindre Kiev à changer le format de ces exercices (de tactique, ils devraient, à leur avis, devenir des exercices d'état-major), sans phases terrestre et maritime, et à renoncer au débarquement de troupes et de matériels de guerre étrangers sur le territoire ukrainien.

Les organisateurs espèrent être soutenus par d'autres régions ukrainiennes, comme l'année dernière, lorsque les exercices See Breeze 2006 prévus en Crimée avaient été annulés. Notamment, en raison du fait que des manifestants en faction devant le port de Feodossia avaient empêché les militaires américains de débarquer le matériel destinés aux exercices.

Quant aux forces de l'ordre, elles n'avaient pu s'y opposer, puisque la Rada, parlement ukrainien, n'avait pas encore adopté la loi sur la présence provisoire de troupes étrangères sur le territoire national.

Cette loi existe déjà. Qui plus est, le Conseil ukrainien de sécurité nationale et de défense a, dès février dernier, approuvé la conception et le scénario des exercices actuels, autorisant la présence de troupes étrangères en Ukraine.

Néanmoins, le Sud ukrainien est hostile à See Breeze pour plusieurs raisons. L'opposition au pouvoir considère que la tenue d'exercices comme See Breeze entraîne lentement mais irrévocablement l'Ukraine et ses forces armées vers l'Alliance atlantique. Bien que les causes de cette antipathie envers l'OTAN soient différentes (par exemple, idéologiques, pour les communistes), tous semblent admettre que l'adhésion à l'Alliance ne sera d'aucune utilité au pays et augmentera encore le fossé qui se creuse entre l'Ukraine et la Russie.

Déjà, les liens entre les entreprises d'armements russes et ukrainiennes ne cessent de se distendre au fil des jours. Moscou passe de moins en moins de commandes militaires aux entreprises ukrainiennes qui sont essentiellement situées dans l'Est et le Sud du pays, les zones les plus industrialisées d'Ukraine. Une éventuelle adhésion à l'OTAN - les responsables gouvernementaux russes en charge de l'industrie d'armements, dont le premier vice-premier ministre Sergueï Ivanov, ont à maintes reprises mis en garde leurs collègues ukrainiens - poussera la Russie à revoir les liens de coopération dans ce domaine avec l'Ukraine, au point de les rompre définitivement.

Il est en effet peu probable que les commandes russes puissent être remplacées par des commandes occidentales, malgré toutes les promesses de Bruxelles. Même aujourd'hui, lorsque les plus grandes entreprises ukrainiennes d'armements chôment, dont les deux immenses chantiers navals de Nikolaïev qui construisaient des porte-avions et des croiseurs porte-missiles lourds pour la Marine de guerre soviétique. Ces entreprises sont depuis longtemps privées de commandes dignes de leur importance. On comprend facilement pourquoi. Les pays de l'OTAN cherchent à passer les commandes auprès de leurs propres entreprises, mais les besoins en nouveaux armements sont moins importants aujourd'hui qu'à l'époque de la confrontation des deux systèmes. Les commandes existantes ne suffisent donc pas pour tous. Les entreprises ukrainiennes échouent dans leurs tentatives désespérées pour en décrocher quelques-unes, dans la difficile lutte concurrentielle. Elles ne peuvent même pas s'approcher du gâteau des commandes et ont à terme peu de chances d'y goûter, estiment les responsables de l'industrie de la défense locale. Voilà pourquoi elles ne sont pas pressées de rompre les liens traditionnels avec Moscou. Elles craignent même une telle rupture.

En Ukraine, on craint également qu'une fois dans l'OTAN, le pays sera fournisseur de "main d'oeuvre militaire bon marché" pour les "points chauds". L'expérience est présente dans les mémoires des unités du génie ukrainiennes qui ont dû être retirées d'urgence d'Irak à la veille des élections présidentielles, après la mort de plusieurs militaires et face au vaste mouvement de protestation qui a déferlé sur le pays. Mais un contingent de paix ukrainien est encore stationné au Kosovo.

D'ailleurs, l'OTAN elle-même n'insiste pas sur une prompte adhésion ukrainienne. Le sommet de l'Alliance à Riga n'a invité ni Kiev, ni Tbilissi, malgré les attentes de certains experts. On y a parlé uniquement de pays balkaniques, même si, traditionnellement, les déclarations y ont retenti selon lesquelles les portes de l'Alliance sont ouvertes à tous ceux qui le veulent, à condition que les candidats répondent aux critères avancés envers les membres de l'Alliance. Selon toute vraisemblance, ce n'est pas encore le cas de l'Ukraine.

Mais pour l'instant, afin que personne ne s'habitue à l'idée d'une adhésion inévitable de l'Ukraine à l'Alliance atlantique, Odessa, après la Crimée l'an dernier, proteste contre les exercices conjoints See Breeze. Tout comme l'Est ukrainien, la ville n'a pas besoin de l'OTAN.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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