L'Union européenne peut-elle ignorer la Charte de l'ONU?

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Tout va mal! En effet, le droit international, dont la santé a toujours été très précaire, est de nouveau aujourd'hui à l'article de la mort.
Par Piotr Romanov, RIA Novosti

Tout va mal! En effet, le droit international, dont la santé a toujours été très précaire, est de nouveau aujourd'hui à l'article de la mort. On vient cependant de le rappeler à la vie après l'aventure irakienne dans laquelle Washington s'est embourbé, après avoir violé la Charte de l'Organisation des Nations Unies.

Cette fois, le droit international est empoisonné par le Kosovo. Il est empoisonné par le Kosovo déjà depuis longtemps, mais tout indique qu'à présent, le pronostic du malade est plus que réservé. Mme Cristina Gallach, porte-parole du Haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune, Javier Solana, a, par exemple, déclaré: "Si la Russie s'obstine à dire "non" à l'indépendance du Kosovo, l'UE se chargera elle-même de trancher cette question avec le soutien du Conseil de sécurité de l'ONU". Mme Gallach a fait cette déclaration sensationnelle dans une interview accordée au journal serbe Vecernje novosti.

Du moment qu'en vertu de la Charte de l'ONU, nul ne peut retirer à la Russie son droit de veto, alors que la prise de position de Moscou sur le problème du Kosovo, tout d'ailleurs comme celle de Belgrade, est bien connue, ce genre de déclaration ne peut signifier qu'une seule chose, et plus précisément que l'Union européenne a la ferme intention d'ignorer superbement le veto russe, la Charte de l'ONU et le principe même de l'intangibilité des frontières que la communauté internationale a pris pour axiome depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Si les propos de Mme Gallach traduisent fidèlement les idées de Javier Solana et de l'Union européenne, ainsi que des politiques européens, dans ce cas, cela signifie que la politique européenne est elle-même parfaitement inadéquate.

Il serait banal de disserter sur la question de savoir combien de temps l'ONU pourrait encore tenir si tout un chacun se mettait à violer la Charte de l'Organisation quand bon lui semble.

L'Union européenne ne s'intéresse naturellement pas du tout à la Serbie. Selon l'Europe, les Serbes sont déjà coupables d'avoir enfanté Milosevic. Par conséquent, ils doivent payer, payer et encore payer. Mais si à l'époque les Allemands avaient subi le même traitement pour avoir élu Hitler, que resterait-il aujourd'hui de l'Allemagne?

Il est apparemment tout aussi inutile de rappeler combien de points chauds sur la carte européenne ressemblent à celui du Kosovo, car cet argument laisse de marbre les partisans de l'indépendance kosovare. De toute évidence, ceux-ci sont persuadés que la politique de "deux poids, deux mesures" est la seule bonne politique. Pour eux, le Kosovo, c'est le Kosovo, mais, par exemple, l'Abkhazie, l'Ossétie du Sud ou la Transnistrie, c'est tout à fait différent. Mais en quoi donc les habitants de ces régions sont-ils inférieurs aux Albanais? Le politique européen, en tout cas Mme Gallach, ne se pose pas la question. C'est la géographie qui compte. Le Kosovo est limitrophe de l'Europe de l'Ouest, ce qui signifie que les Albanais sont en droit d'obtenir leur indépendance. L'Abkhazie, l'Ossétie du Sud et la Transnistrie sont proches de la Russie, et elles n'ont pas, par conséquent, ce droit à l'indépendance. Toute la logique se résume à cela.

Combien de personnes sont désormais des réfugiés à cause de la politique folle de Milosevic, qui s'est soldée d'abord par le massacre d'Albanais par des Serbes et ensuite par le carnage de Serbes par des Albanais? Selon des estimations approximatives, il s'agit de quelque 200.000 personnes. On peut calculer combien de réfugiés apparaîtraient à présent à cause de la politique tout aussi folle des bureaucrates européens. A l'heure actuelle, la population non albanaise du Kosovo est de 180.000 habitants. Ce sont potentiellement tous soit des victimes, soit des réfugiés. Mais qui va donc garantir la sécurité au Kosovo quand il sera un jour indépendant, alors que d'ores et déjà cette province est devenue une "zone grise" du banditisme et du narcotrafic en Europe, fait que les spécialistes ne connaissent que trop?

Mais si l'Union européenne n'a pas réussi jusqu'ici à nettoyer le Kosovo de la drogue, quelle garantie offre-t-elle qu'elle saura protéger dans cette "zone grise" les femmes et les enfants qui n'ont pas eu la chance de naître Albanais ou musulmans? Se peut-il que tous aient déjà oublié la lâcheté des "casques bleus" hollandais? Or, nul d'entre eux n'a encouru la moindre punition, bien qu'ils soient coupables des crimes perpétrés sous leurs yeux.

Et qui en Europe a sérieusement réfléchi au problème de l'"identité kosovare", c'est-à-dire au rêve des extrémistes albanais qui ambitionnent de réunir également autour du Kosovo d'autres terres européennes, peuplées, de préférence, d'Albanais? Quoi qu'il en soit, il y va déjà de l'intégrité territoriale de la Macédoine, du Monténégro et même des régions nord de l'Albanie elle-même. Ainsi, le problème ne se limite pas à la seule Serbie, loin s'en faut.

Autrement dit, le Kosovo n'est prêt à l'indépendance ni politiquement, ni économiquement, ni psychologiquement ni sur le plan de la sécurité. La Serbie n'y est pas prête, elle non plus. Qui plus est, ni la Russie ni l'Europe n'y sont prêtes. Seuls les bureaucrates européens insouciants, les nationalistes albanais et l'administration des Etats-Unis y sont prêts. Mais on se souvient que cette même administration américaine était tout aussi prête autrefois à la guerre en Irak.

On a l'impression que tout le système de rapports dans le monde est en train de s'écrouler sous nos yeux. Tout en respectant le droit international, la Russie n'a cessé jusqu'ici de déclarer respecter l'intégrité territoriale de la Géorgie et de la Moldavie et ce, bien que ses relations avec ces pays soient loin d'être idéales. Et que doit-elle faire désormais? Se mettre à encourager des tendances séparatistes à ses frontières? Se retirer de l'Organisation des Nations Unies?

C'est à peu près ainsi que la Société des Nations avait cessé d'exister jadis, alors que le monde se préparait à une nouvelle guerre.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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