La Société Générale obtient le contrôle de Rosbank moyennant une prime record

S'abonner
Par Anatoli Gorev, analyste financier, pour RIA Novosti
Par Anatoli Gorev, analyste financier, pour RIA Novosti

Le groupe financier français Société Générale a bouleversé le marché bancaire russe en obtenant le contrôle de Rosbank, une des plus grosses banques de détail de Russie. La transaction a été réalisée par le versement d'une prime record: le rapport prix/capital propre de l'actif à acquérir était de 5,9.

Les experts ne sont pourtant pas enclins à reprocher à la Société Générale cette générosité qui pourrait paraître excessive: le détail, en Russie, c'est un vrai pactole aujourd'hui, en mesure de rapporter des bénéfices fabuleux.

Mais ce n'est pas cet achat qui a fait sensation. Depuis 2006, on n'ignorait déjà pas que la Société Générale deviendrait détenteur du bloc de contrôle de Rosbank. A l'époque, le groupe français avait acquis en deux temps 20% moins une action de Rosbank, obtenant une option pour réaliser l'acquisition d'encore 30% du capital plus deux actions de la banque russe, une option qui était valable jusqu'à la fin de 2008.

Mais ce qui frappe, c'est que les Français ont non seulement réalisé ce marché avant terme, sans attendre l'expiration de leur option, mais ont aussi versé 2,33 milliards de dollars pour contrôler une banque russe. On n'a pas vu sur le marché russe de prime aussi élevée depuis six ans ou presque. Jusque-là, seules des banques en Europe de l'Est et, rarement, dans des pays issus de l'URSS, mais jamais des établissements russes, avaient été vendues avec un tel coefficient. L'acquisition, en novembre dernier, par le finlandais Nordea Bank Finland, de la banque russe Orgresbank (85,7% des actions pour 313,7 millions de dollars, coefficient de 3,8) et, en avril, par le belge KBC Groupe, d'Absolut-Bank (95% des actions pour 983,0 millions de dollars, coefficient de 3,7) ont été, jusqu'à présent, les achats les plus chers en Russie.

Le marché russe a jusqu'à présent ignoré des primes aussi élevées pour des raisons connues. Seules les banques contrôlant une part notable du marché des services financiers, de 5 à 10% au moins, "obtiennent" des coefficients de 5 à 6. Si, en Europe de l'Est, ces établissements ne manquent pas, en Russie, ils se comptent sur les doigts d'une main. Et en plus, la situation se complique par le fait que les banques vedettes russes, pour lesquelles les groupes financiers étrangers n'hésiteraient pas à verser des primes records, ne projettent pas de vendre. Sberbank (Banque d'épargne), qui contrôle la moitié du marché russe des services financiers de détail, se sent merveilleusement bien dans le giron de l'Etat, tout comme d'ailleurs, les banques VTB et Gazprombank. Plusieurs établissements de crédit privés, dont Alfa-Bank et MDM-Bank, semblent étudier moins la possibilité d'acquérir un investisseur stratégique d'importance que la perspective d'une entrée en bourse.

Etant donné ce rapport des forces sur le marché et le développement impétueux des services de détail en Russie, on comprendra facilement la générosité de la Société Générale qui a décidé de consacrer une partie de ses ressources non négligeables (résultat net du Groupe en 2006: 5,2 milliards d'euros, les actifs gérés s'élèvent à 422 milliards d'euros) à l'achat de Rosbank. Certes, Rosbank est loin derrière Sberbank pour la part du marché du détail contrôlée, mais elle a des avantages non discutables qui expliquent une prime aussi élevée.

Premièrement, Rosbank contrôle à ce jour un vaste réseau de succursales (600 "postes de services"), circonstance que les investisseurs stratégiques étrangers semblent priser le plus en acquérant des actifs russes. Deuxièmement, ces deux ou trois dernières années, Rosbank a accusé des taux de croissance record même pour la Russie en matière d'octroi de crédits aux particuliers et de mobilisation de dépôts. La volonté de la Société Générale de prendre de vitesse son principal concurrent sur le marché français, le groupe BNP Paribas, ne doit pas être non plus retirée des comptes.

Rappelons qu'en 2004 BNP Paribas avait failli racheter la banque Russki-Standart. Ironie du sort, c'est cette transaction, si elle avait eu lieu, qui aurait été un record pour le marché bancaire russe: les Français, à l'époque, offraient un prix sept fois plus important que le capital de la banque. Mais le contrat n'a jamais été réalisé et, résultat, BNP Paribas doit tenter de prendre pied sur le marché russe tout seul. Sa filiale à 100%, Cetelem, cherche actuellement à s'y implanter.

Entretemps, la Société Générale peut déjà se prévaloir du contrôle de plusieurs actifs russes, à commencer par Rusfinancebank et en finissant par Rosbank dont les Français doivent finalement prendre le contrôle sous peu. Pour achever la transaction, il faut obtenir le feu vert du Service antimonopole russe (FAS). Rien n'autorise pour l'instant à affirmer que ce marché puisse être suspendu.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала