Kosovo: rien ne sert de courir...

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Par Alla Iazkova, de l'Institut de l'Europe de l'Académie des sciences de Russie, pour RIA Novosti
Par Alla Iazkova, de l'Institut de l'Europe de l'Académie des sciences de Russie, pour RIA Novosti

Une rencontre entre les présidents américain et russe va avoir lieu dans les premiers jours de juillet. La question du Kosovo sera certainement examinée lors de ce sommet parmi les problèmes prioritaires de la politique mondiale. Les points de vue des deux parties sont différents et il n'existe encore aucune base pour un éventuel compromis.

Le nouveau projet de résolution sur le Kosovo proposé à la mi-juin au Conseil de sécurité de l'ONU par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France ne peut en effet être une base pour le dialogue. Ce projet accorde quatre mois à Belgrade et à Pristina pour continuer les négociations. S'ils ne s'entendent pas, le plan Ahtisaari légèrement remanié prévoyant l'octroi au Kosovo d'une indépendance sous contrôle international sera soumis au Conseil de sécurité. Les objections de la Russie et de la Serbie n'ont pas été prises en considération.

La réaction de Belgrade et de Moscou était donc prévisible. Le premier ministre Vojislav Kostunica a tout de suite déclaré qu'il était inadmissible de "dissimuler l'indépendance du Kosovo derrière le paravent d'un report de quelques mois". Le représentant permanent de la Russie au Conseil de sécurité de l'ONU Vitali Tchourkine a également refusé de soutenir le projet remanié.

Le problème du Kosovo reste l'un des points douloureux de la politique mondiale. Mais Moscou propose de ne pas se hâter de le régler. Pourquoi?

On a l'impression que, depuis l'adoption, il y a huit ans, de la résolution 1244 du Conseil de sécurité (à propos, elle reconnaissait l'intégrité territoriale de la RFY, aujourd'hui la Serbie), le monde ne se représente pas nettement ce qui se produit réellement au Kosovo et si cette province est prête à supporter le fardeau de l'indépendance. Les débats organisés à la télévision de Pristina en 2005 et 2006 à la veille des pourparlers internationaux sur le statut du Kosovo fournissent des réponses à ces questions.

Comme il ressort de cette discussion, durant les 8 années écoulées depuis 1999 et malgré l'aide internationale apportée à la province (à la première étape, 1 milliard d'euros tous les ans, ensuite la somme a diminué), peu de choses ont été faites pour développer son économie. L'infrastructure n'est toujours pas développée, les chemins de fer n'existent pas, les petites et moyennes entreprises nécessaires à la transformation des produits agricoles n'ont pas été créées, les dirigeants locaux sont corrompus et incompétents. Il faut y ajouter le trafic de drogue et d'armes, qui vaut au Kosovo son triste statut de "zone grise".

La perspective de création d'une "identité kosovare" en mesure de constituer la base de la réunion des autres terres albanaises autour du Kosovo était l'un des points principaux de la discussion. Naturellement, la menace que cela représenterait pour l'intégrité territoriale de la Macédoine et du Monténégro où vivent de façon compacte des minorités albanaises, tout comme, d'ailleurs, pour les régions du Nord de l'Albanie, n'a pas été mentionnée. Ce n'est pas pour rien que de nombreux observateurs, même parmi les experts occidentaux, qualifient le problème albanais du Kosovo de bombe à retardement dans les Balkans.

Conscient de ce fait, un groupe d'analystes de l'Union européenne a proposé en 2004 un plan de règlement du problème du Kosovo approuvé par la Commission européenne selon le principe "Standards before Status", ce qui signifie que l'attribution d'un statut doit être précédée de la création d'un Etat efficace, capable de fonctionner. Puisque les critères nécessaires n'ont toujours pas été mis en place, il est impossible, du point de vue juridique, de régler le problème du statut. Le sort de la population non albanaise de la province, non seulement des Serbes, mais aussi des Tsiganes et d'autres minorités suscite une inquiétude particulière. En cas d'octroi de l'indépendance au Kosovo, ces gens seront sans défense ou bien contraints de quitter leurs foyers, ce qui entraînera la même catastrophe humanitaire que celle de 1999. Aujourd'hui encore, plus de 200.000 réfugiés ("temporairement" déplacés) du Kosovo restent un problème douloureux non seulement pour la Serbie, mais aussi pour l'Europe.

L'expérience tragique de la Seconde Guerre mondiale a obligé la communauté mondiale à considérer l'inviolabilité des frontières comme l'un des principes fondamentaux du droit international, ce qui a permis à l'Europe d'éviter de multiples conflits interethniques et "petites guerres de rapine". La révision de ce principe nécessite une décision acceptée par tous, compte tenu de toutes ses conséquences possibles. Quant aux propos selon lesquels les Kosovars (Albanais du Kosovo) "exigeront l'indépendance en recourant aux armes", c'est un argument supplémentaire prouvant qu'il est trop tôt pour la leur accorder.

Un autre point est à noter ici. Selon des informations récemment publiées dans les médias internationaux, en cas de poursuite des négociations entre Belgrade et Pristina, sur quoi insiste la Russie, celles-ci se feront sans la participation de Martti Ahtisaari, ce qui met en doute l'objectivité de sa médiation.

D'ailleurs, ce n'est pas la première fois. En août 2006, au cours d'une des nombreuses discussions entre Serbes et Albanais, il a déclaré: les Serbes doivent céder, car ils sont coupables en tant que nation. Cependant, l'expérience de l'histoire du XXe siècle montre que ce sont des accusations de ce genre qui ont entraîné de lourdes conséquences et des conflits sanglants, par conséquent, il est inadmissible que le sentiment de culpabilité nationale soit imposé à tel ou tel peuple. D'autant plus que Slobodan Milosevic, responsable de la tragédie yougoslave des années 1990, a été destitué en 2000 par les forces démocratiques de Serbie et remis au Tribunal de La Haye en tant que criminel de guerre.

Autrement dit, le problème du Kosovo attend sa solution. Détacher le Kosovo de la Serbie causerait une plaie béante pour celle-ci, car, pour la majorité écrasante des Serbes, le Kosovo est le berceau de l'Etat serbe, de nombreux monuments historiques datant du Moyen Age se trouvent toujours sur son territoire. La restitution du Kosovo à la Serbie en qualité de province autonome serait inadmissible pour les Kosovars. Une issue à la situation présente pourrait être trouvée dans la recherche d'un statut particulier, dont on trouve des précédents dans la pratique mondiale (membre associé, fédération: des rapports asymétriques avec un Etat plus grand qui assure l'indépendance dans les affaires intérieures). Une confédération entre les deux n'est pas non plus exclue tant que la Serbie et le Kosovo ne feront pas partie de l'Europe unie. Quoi qu'il en soit, le droit de défendre ses compatriotes et de protéger ses monuments historiques doit être accordé à la Serbie.

Tout cela pourrait faire l'objet de la discussion, alors que l'adoption de décisions hâtives serait lourde de conséquences imprévisibles pour les Balkans et l'Europe entière. Le Kosovo sera un précédent pour l'Europe: la question est de savoir lequel.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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