Quoi qu'il en soit, les Russes estiment qu'il y a parmi les traditions et les institutions classiques de la démocratie celles qui ne s'affirmeront pas en Russie, du moins dans un avenir prévisible. Pour le confirmer, le quotidien publie les données d'un sondage réalisé par le Centre d'étude de l'opinion publique (VTsIOM) de Russie.
Plus de 70% des Russes interviewés ne doutent pas que les élections libres, le pluralisme politique et de la presse conviennent parfaitement à la Russie. Mais presque la moitié des 1.600 Russes sondés sont persuadés que, par exemple, l'égalité de tous les citoyens devant la loi, principe clé de tout Etat démocratique, ne sera jamais respectée dans le pays.
Un interviewé sur trois a déclaré qu'il est peu probable que les normes des démocraties classiques, telles que "le respect de la loi par les autorités et l'ensemble de la société", ainsi que "le savoir et le désir des citoyens de faire valoir leurs droits", s'affirment en Russie.
Dans le cadre de ce même sondage d'opinion, les sociologues ont aussi demandé ce qui manquait le plus au développement de la démocratie en Russie. Les Russes ont cité en premier lieu la nécessité de "délivrer les gens des difficultés matérielles", tout en reléguant en fin de liste les attributs indispensables de la démocratie: le développement de la société civile (des partis politiques, des syndicats et des organisations non gouvernementales).
"Le principe de l'égalité de tous devant la loi avait été solennellement proclamé à l'époque de l'Union Soviétique, bien que tout le monde se rappelle très bien que ce principe n'existait que sur papier, précise en commentant les résultats du sondage Igor Eïdman, directeur pour les communications du VTsIOM. La "perestroïka" de Mikhaïl Gorbatchev avait commencé, elle aussi, par la lutte contre les privilèges de la nomenklatura du parti pour dégénérer finalement en essor de l'oligarchie qui avait pour beaucoup usurpé les droits et les libertés des citoyens. Que voulez-vous donc des gens à une histoire pareille? Qui plus est, la majorité de la société russe estime, non sans raison, que l'argent peut régler aujourd'hui tous les problèmes".