Quel est l'interet des IPO pour les banques russes ?

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Par Anatoli Gorev, analyste financier, pour RIA Novosti
Par Anatoli Gorev, analyste financier, pour RIA Novosti

Ces derniers temps, les banques russes ne peuvent pas se plaindre d'un manque d'intérêt de la part des investisseurs étrangers : les indices de rentabilité et l'immense potentiel du marché bancaire russe qui atteignent des niveaux record du point de vue européen amènent les groupes financiers étrangers à envisager l'absorption de nouveaux "éléments". L'apparition, l'une après l'autre, d'IPO des banques russes suscite donc chez eux un grand enthousiasme. L'introduction en bourse est en effet une marque de qualité, la preuve que la banque est transparente et applique les normes et standards universellement admis dans la profession et non les règles changeantes des marchés en développement. Mais surtout, le principal avantage d'une IPO est qu'il permet de "faire la preuve par le marché".

L'IPO réussie de VTB a, semble-t-il, provoqué une réaction en chaîne : plusieurs banques leaders sur le marché russe ont immédiatement fait part de leur intention d'organiser une IPO avant la fin de l'année ou dans les 18-24 prochains mois. Parmi les "nominés" figurent la banque Vozrojdenie, MDM-Bank et KIT Finance. Et l'une des toutes dernières révélations : Gazprombank, troisième banque nationale russe, pourrait à son tour s'introduire en bourse. Sa direction a en effet annoncé que cet établissement, le troisième par le volume de ses actifs en Russie, étudiait la possibilité d'une IPO à l'été 2008.

Une telle activité des banques russes peut paraître étrange si l'on se souvient qu'encore tout récemment elles préféraient procéder à des placements privés avec un cercle fermé d'investisseurs stratégiques plutôt que de sortir à découvert sur le marché. Les propriétaires des banques s'évitaient ainsi une procédure complexe de préparation de leur "petit" en vue de l'IPO mais aussi ne couraient pas le risque de voir les actions proposées à la vente ne pas susciter sur le marché l'intérêt escompté. Il était bien plus simple de s'entendre avec l'un des stratèges et, compte tenu de la conjoncture sur le marché russe, parvenir à lui faire payer un certain prix, pour la banque toute entière ou pour un paquet d'actions, équivalent à 3-4 fois le montant du capital. Cette méthode offre un autre avantage qui est de ne dévoiler les informations sur l'activité de la banque, et donc sur ses éventuels défauts et problèmes, que devant un cercle d'élus, et non devant tous les acteurs du marché. Ce genre de négociations présentait aussi, à une certaine époque, un intérêt réel pour les éventuels acheteurs : moins il y a de prétendants, moins le prix est élevé et plus grande est la possibilité d'acheter la banque toute entière ou du moins un important paquet d'actions, sans avoir à se contenter de quelques miettes.

Il n'est donc pas étonnant que les ex-patrons d'établissements bancaires russes aient précisément choisi cette voie des pourparlers "fermés", au lieu du placement ouvert de leurs actions sur le marché. C'est à l'issue de placements privés que le groupe français Société générale a acquis l'an passé 20 % des actions de Rosbank, que le groupe hongrois OTR a racheté Investsberbank et que la banque d'investissements Morgan Stanley a acquis Gorodskoï Ipotetchny bank. Dans tous les cas cités, le rapport prix/capital était supérieur à 1 : 3. En 2007, seule l'opération réalisée par le groupe belge KBC est comparable aux précédentes, par l'envergure et le rapport. Et il est fort probable que ce ne sera pas, cette année, le dernier rachat d'une banque russe par un investisseur stratégique étranger.

Les experts observent cependant que la situation change et qu'il devient de plus en plus difficile de se vendre à des "stratèges". Ces derniers ne sont plus autant intéressés par l'achat d'une banque russe à n'importe quel prix et à n'importe quelles conditions. Ils peuvent à présent travailler en Russie à partir de zéro, en obtenant relativement vite les licences nécessaires. Du coup, les coefficients, sans chuter tout à fait, deviennent plus pondérés. Et les banques qui souhaitent procéder à un placement privé doivent décupler leurs efforts pour convaincre les éventuels acheteurs de leurs avantages face aux nombreux concurrents (dont la liste, compte tenu du nombre global de banques en Russie, est effectivement impressionnante).

De leur côté, les "stratèges" commencent à comprendre qu'acheter une "enveloppe bancaire" (la licence plus les bureaux avec les meubles) n'a rien de bien compliqué. Par contre, il est bien plus difficile, dans les conditions de la Russie, de devenir propriétaire d'une banque qui contrôle une part conséquente du marché des services bancaires, comme par exemple la gestion des crédits à la consommation ou de l'épargne des particuliers. Les banques occidentales estiment qu'une part du marché est "conséquente" lorsqu'elle en représente 5 à 10 %. A ce jour, très peu de banques russes peuvent se vanter d'atteindre une telle envergure.

Et puis, tous les grands établissements ne sont pas disposés à se vendre ni même à céder un paquet de leurs actions. Rousski Standart en est le meilleur exemple : il n'y a pas très longtemps, cette banque a refusé de se "vendre", alors même que l'offre se montait à sept fois la valeur de son capital, et aujourd'hui elle n'envisage pas plus l'émission d'une IPO que la recherche d'un investisseur stratégique. Un autre leader russe sur le marché des services aux particuliers, Alfa-bank, n'a pas l'intention d'ouvrir son capital ni de rechercher un investisseur extérieur. Dans ces conditions, le cercle des établissements financiers et de crédits réellement susceptibles de procurer à leur acheteur une part conséquente du marché se resserre.

Et c'est là que les IPO peuvent venir en aide aux banques comme aux investisseurs stratégiques. En plaçant sur le marché leurs actions (surtout sur les places occidentales hautement fluides) les banques ont la possibilité d'attirer de l'argent peu cher qui pourra par la suite être utilisé pour acheter d'autres établissements financiers, accélérer le développement de leur propre réseau d'agences ou encore créer de nouveaux produits plus technologiques.

Dans tous les cas, l'introduction réussie des actions en bourse et une bonne utilisation de l'argent doit entraîner une avancée, à savoir un accroissement conséquent de la part de marché contrôlée par ladite banque. A son tour, cela la rend beaucoup plus attrayante qu'auparavant aux yeux des investisseurs-stratèges. D'autant plus si l'on tient compte du fait qu'il existe une grande différence entre acheter une banque au capital fermé ou en acheter une qui a déjà traversé l'épreuve de l'IPO. Dans le premier cas, l'acheteur devra prendre sur lui d'énormes risques, dont certains ne lui seront révélés qu'une fois l'affaire définitivement conclue. Dans le deuxième cas, il s'agit d'acquérir des actifs qui ont été vérifiés sur le marché, une banque pour laquelle on dispose sinon de toutes les informations, bonnes et mauvaises, du moins d'une très grande partie.

Concernant les investisseurs de portefeuilles et les raisons pour eux de se réjouir des introductions IPO des banques russes, il n'est même pas question de s'étendre : par définition, l'apparition de nouveaux titres, qui plus est prometteurs de profits élevés, ne peut être qu'intéressante. Il n'est donc pas étonnant que le boom annoncé des IPO des banques russes réjouisse les grands établissements financiers occidentaux qui ont déjà des vues sur certains actifs en Russie, autant que les investisseurs plus modestes qui souhaitent simplement diversifier leurs placements.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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