Bouclier antimissile américain: la confusion règne

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Par Vladimir Simonov, RIA Novosti
Par Vladimir Simonov, RIA Novosti

Le président américain avait la possibilité se faire une idée à la fin de la semaine dernière ce qui l'attend en République tchèque au cours de sa visite du 4 juin dans ce pays, au début de sa tournée dans sept Etats d'Europe centrale et de l'Ouest. Des milliers de manifestants ont protesté à Prague contre le projet de Washington de déployer son radar militaire au Sud-Ouest de la capitale tchèque.

Avec dix missiles intercepteurs en Pologne, le système américain de défense antimissile est destiné à devenir un bouclier protégeant l'Europe contre une attaque hypothétique de missiles de l'Iran ou de la Corée du Nord. On estime que cette idée prendra des contours plus réels au cours des négociations de George Bush avec les dirigeants de la République tchèque, ensuite avec ceux de la Pologne. Mais, comme l'a montré la manifestation de Prague, les avis émis dans les cabinets gouvernementaux des capitales d'Europe de l'Est peuvent différer considérablement de l'état d'esprit de la majorité écrasante de la population.

A en juger par les récents sondages, trois citoyens sur cinq en République tchèque désapprouvent l'idée du déploiement du radar américain et quatre sur cinq insistent pour soumettre ce problème à un référendum. Les Tchèques, de même que de nombreux Polonais, ne comprennent pas pourquoi le territoire de leurs pays convient mieux que celui de la Turquie où le déploiement d'éléments de la défense antimissile serait justifié du point de vue géographique. La menace émanant de Téhéran ou de Pyongyang qui ne possèdent pas de vecteurs ayant la portée nécessaire est considérée en Europe comme du bluff. "Un astéroïde heurtant l'Europe est bien plus probable qu'une attaque de missiles de l'Iran", a déclaré Jan Tamas, organisateur de la marche de protestation à Prague.

Il y a une autre raison alarmante. Même si les forces internationales "du mal" réussissaient effectivement à lancer un missile balistique à travers le territoire de l'Europe, la destruction de son ogive, nucléaire ou dotée d'une autre arme de destruction massive, au-dessus de la République tchèque ou de la Pologne pourrait s'avérer tragique pour les habitants de ces pays. On peut comprendre la population qui se considère comme l'otage de la sécurité de son allié transatlantique lointain.

Ces protestations croissantes obligent les dirigeants de la République tchèque à rechercher des moyens inhabituels d'influer sur l'opinion publique à la veille de la visite de juin de George Bush. Ainsi, le vice-premier ministre Alexandr Vondra a prévenu les millions d'auditeurs des débats télévisés du 27 mai qu'un refus de Prague de satisfaire la demande des Etats-Unis de déployer leur radar pourrait entraîner le rétablissement en République tchèque du service militaire obligatoire.

Selon la logique du vice-premier ministre, ce refus détériorera les rapports de la République tchèque avec ses alliés à l'OTAN. En fin de compte, Prague ne pourra pas compter entièrement sur leur soutien en cas d'apparition d'une menace pour sa sécurité. Par conséquent, la République tchèque ne pourra se passer du service militaire obligatoire annulé en 2005.

Les adversaires de ce point de vue indiquent que, pour l'instant, il ne s'agit que du déploiement d'éléments du système national américain de défense antimissile. L'OTAN dans son ensemble n'a pas encore défini son rôle dans ce système, par conséquent, la mise en garde d'Alexandr Vondra vise à intimider ses compatriotes.

Au cours des négociations sur la défense antimissile qui seront le thème essentiel de la visite de George Bush en République tchèque et en Pologne, le président américain devra intervenir en position de faiblesse. Le Congrès vient de porter un coup dur dans le dos de l'administration en refusant d'accorder à l'Agence pour la défense antimissile faisant partie du Pentagone les 764 millions de dollars demandés pour financer la construction des silos des missiles intercepteurs en Pologne. Naturellement, sans ces silos, le radar installé en République tchèque serait inutile, à moins qu'il ne soit destiné, comme le soupçonne le vice-premier ministre russe Sergueï Ivanov, à surveiller le territoire de la Russie, de ses frontières occidentales jusqu'à l'Oural.

Tôt ou tard, l'équipe Bush, particulièrement le secrétaire à la Défense Richard Gates et la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice, qui ont déjà envoyé une lettre indignée au Congrès, surmonteront probablement la résistance des législateurs. Mais il y a un problème bien plus complexe: l'avis négatif sur la défense antimissile américaine en Europe partagé par Vladimir Poutine qui aura un entretien avec le président américain au cours du sommet du G8 en Allemagne (6-8 juin).

Moscou ne comprend pas les raisons de l'installation de mini-bases, de radars et de silos de missiles américains en Europe, bien que la Russie ait retiré ses armements lourds au-delà de l'Oural. Vladimir Poutine ne croit pas qu'il s'agisse de défendre l'Europe. Au cours d'une récente conférence de presse à Luxembourg, le président russe a déclaré que les "collègues américains" ne répondaient pas à la question de savoir s'ils avaient demandé l'avis des Européens à ce sujet. Selon Vladimir Poutine, la confusion règne. Il insiste pour soumettre le projet de bouclier antimissile à l'analyse la plus minutieuse dans le cadre de l'OSCE, institution fondée pour la coopération au nom de la sécurité de l'Europe.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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