Al-Qaïda défie l'Union européenne et l'OTAN

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Par Marianna Belenkaïa, RIA Novosti
Par Marianna Belenkaïa, RIA Novosti

A la suite de la série d'attentats qui ont secoué en mars et avril l'Algérie et le Maroc, plusieurs questions se sont posées d'elles-mêmes. Tout d'abord: cela ne signifie-t-il pas l'apparition d'une nouvelle base de la nébuleuse Al-Qaïda et comment cela pourrait-il se répercuter à l'avenir sur la sécurité régionale? Or, il ne s'agit pas seulement du "Grand Proche-Orient" (de l'Afrique du Nord à l'Afghanistan), mais aussi de la zone de la Méditerranée qui fait partie de la sphère d'influence de l'Union européenne et de l'Alliance de l'Atlantique Nord.

Les derniers événements dans les pays d'Afrique du Nord, et tout particulièrement en Algérie où les attentats relèvent, dirait-on, plutôt du quotidien, n'auraient sans doute pas attiré une attention aussi soutenue des médias et, par conséquent, de l'opinion internationale, n'étaient certains détails significatifs.

Il s'agit avant tout d'attentats en série. Ainsi, le 11 mars dernier, un terroriste-kamikaze s'est fait exploser dans un cybercafé de Casablanca (Maroc). Le 10 avril, toujours à Casablanca, au cours d'un raid policier, encore trois kamikazes se font exploser, un quatrième est

abattu avant même d'actionner sa charge. Le lendemain, mais à Alger, un double attentat est perpétré par des kamikazes: en plein centre de la capitale en touchant un des symboles du pouvoir, le Palais du gouvernement, et dans l'est de la ville - le siège du bureau algérien d'Interpol et une caserne policière. Le 12 avril encore un attentat a été déjoué dans la capitale de l'Algérie. Mais le 14 avril, de nouvelles explosions retentissent à Casablanca, cette fois dans un quartier résidentiel du centre-ville où se situent essentiellement des missions diplomatiques étrangères.

Au départ, les autorités tant en Algérie qu'au Maroc ont essayé de nier tout lien entre ces attentats et Al-Qaïda, ce qui est d'ailleurs facile à comprendre, car même une simple allusion à une éventuelle transformation du territoire de ces pays en terre d'asile pour Al-Qaïda pourrait compromettre leur situation économique et politique intérieure. Le Maroc risque, en effet, de perdre tout son attrait touristique, alors que l'Algérie serait privée des investissements étrangers dans plusieurs de ses industries. Comme l'a indiqué à RIA Novosti l'orientaliste et grand connaisseur de l'Algérie Nikolaï Mokhov, les recettes confortables provenant des exportations de pétrole permettent à l'Etat algérien de dépenser de l'argent pour le développement de l'infrastructure et pour le bâtiment en engageant des sociétés étrangères à l'issue d'appels d'offres internationales. Néanmoins, tout cela risque de disparaître du jour au lendemain si les investisseurs sont effrayés par la perspective de transformation de l'Algérie en un nouvel Irak.

On en est encore loin sans doute. Quoi qu'il en soit, vu le fait que tant le Maroc que l'Algérie sont pratiquement à la veille des élections législatives, une éventuelle déstabilisation de la situation dans ces pays n'est pas du tout à exclure. Et ce, d'autant que la jeunesse musulmane y désapprouve la politique de l'Occident, et en premier lieu celle des Etats-Unis à l'égard de l'Irak, de la Palestine et de l'Iran, ainsi que tous les processus de mondialisation en cours "à l'occidentale". C'est justement ce mécontentement qui est souvent exploité par les extrémistes. On a tout lieu de supposer que les terroristes estiment de leur devoir de démontrer que la politique des autorités au Maroc et surtout de l'Algérie en matière de lutte contre l'islamisme radical a complètement échoué. Tout était inutile, tant le "bâton" que la "carotte". Un risque de déstabilisation de la situation politique intérieure existe aussi en Tunisie bien que sans doute à un degré moindre.

Ce n'est certes pas par hasard que le groupe qui a revendiqué les attentats à Alger se nomme "Al-Qaïda Maghreb". En d'autres termes, il ambitionne d'étendre ses activités à l'ensemble de la région maghrébine. Jusqu'à tout dernièrement, il portait le nom de Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC).

Selon Nikolaï Mokhov, nul n'ignore que depuis la fin des années 1990 le Groupe salafiste recevait d'Al-Qaïda une assistance financière et organisationnelle. Ces derniers temps, les informations sur les actions de ce groupe apparaissent de plus en plus souvent sur les sites Internet liés à Al-Qaïda. Par conséquent, le lien entre ces deux groupes est devenu tout bonnement officiel sans parler du changement de nom du CSPC. L'expert attire aussi l'attention sur le fait que ces derniers attentats ont été perpétrés par des kamikazes, ce qui est plutôt typique d'Al-Qaïda. Jusqu'ici les islamistes algériens, y compris ceux d'Al-Qaïda Maghreb, ont, en règle générale, employé une autre tactique.

Pour ce qui est des attentats du Maroc, nul ne les a pas encore revendiqués officiellement, mais les experts, y compris ceux du Maroc, ne doutent un seul instant que les événements dans leur propre pays et en Algérie remontent aux mêmes sources.

Il y a d'ailleurs encore un indice de leur rapport direct avec Al-Qaïda. C'est le fait que les derniers attentats terroristes en Algérie et au Maroc sont liés d'une façon ou d'une autre au chiffre "11" qui est devenu en quelque sorte le label de qualité d'Al-Qaïda. Rappelons que le 11 septembre 2001, des attentats avaient été perpétrés aux Etats-Unis; le 11 avril 2002, un camion-citerne chargé de gaz avait explosé devant la synagogue de la Ghriba, sur l'île de Djerba en Tunisie; et le 11 mars 2004, des explosions avaient secoué une gare madrilène.

Ainsi, tout porte à croire qu'Al-Qaïda déclare haut et fort ses ambitions de s'installer en Afrique du Nord et veut mettre en évidence l'échec de la politique des autorités locales dans leur lutte contre la terreur, mais aussi et surtout l'échec des efforts de toute la coalition antiterroriste internationale. En effet, depuis l'Afghanistan, la base des terroristes a déménagé en Irak et peut dorénavant s'installer en Afrique du Nord. A propos, les experts font remarquer que des terroristes, trempés dans des combats en Irak, sont aussi impliqués dans les derniers attentats en Algérie et au Maroc. Le fait que cette partie du monde est directement liée à l'Union européenne et à l'OTAN, y compris par des accords de coopération en matière de sécurité, est un autre défi lancé par Al-Qaïda à l'Occident.

Rabat a d'ores et déjà déclaré sa volonté de renforcer la coopération des pays du Maghreb dans la lutte contre le terrorisme. Mais compte tenu des relations tendues entre l'Algérie et le Maroc à cause du Sahara Occidental, une coopération efficace dans n'importe quelle sphère d'activité apparaît comme très peu probable entre ces deux pays. Par conséquent, la tâche des autres et surtout de ceux qui peuvent en premier lieu devenir la cible de la fameuse filiale "méditerranéenne" d'Al-Qaïda consiste justement à faire tout le maximum pour que les appels à la coopération antiterroriste dans la région ne restent pas lettre morte, mais soient suivis de mesures concrètes visant à renforcer la sécurité.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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