Armes, licences et contrefaçons

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Par Viktor Litovkine, RIA Novosti
Par Viktor Litovkine, RIA Novosti

La déclaration du premier vice-premier ministre Sergueï Ivanov lors d'une récente réunion de la Commission militaro-industrielle auprès du gouvernement aurait pu faire sensation. N'était une circonstance de poids : il a annoncé ce que tout le monde savait déjà. Il a dit en substance que "plusieurs pays de l'Europe de l'Est continuaient de se livrer au piratage intellectuel, en utilisant de manière illicite des licences avant tout soviétiques, malgré de nombreuses propositions de la Fédération de Russie de régler le problème. Certains pays n'ont même pas donné de réponse intelligible à nos propositions".

L'unique nouveauté dans cette déclaration était qu'elle a été faite à un niveau aussi élevé et devant les caméras de télévision. Des armes contrefaites, on en voit aussi bien dans les pays de l'Est européen qui ont récemment adhéré à l'OTAN qu'aux différents salons d'armes et de matériels de guerre dans le monde entier. Des contrefaçons y sont présentées ouvertement, sans que leurs exposants craignent des sanctions internationales. Les pirates est-européens n'en ont même pas honte.

Voilà un exemple récent : au Salon Africa Aerospace et Defense 2006, plusieurs sociétés est-européennes (et pas seulement est-européennes !) ont présenté des conceptions purement russes sous leurs propres marques. Et, évidemment, sans faire référence à la Russie. Par exemple, le polonais Bumar. "Son" système de DCA est la copie conforme du russe ZU-23. Les Polonais, il est vrai, y ont apporté une "modification", en ajoutant à cette installation deux tubes de lancement du système de missiles portables Igla, lui aussi de conception russe. Cela va sans dire, les Polonais, en concevant cette "modernisation", n'ont pas demandé aux Russes l'autorisation de procéder à cette opération, et encore moins de vendre ce matériel à l'étranger.

Il en va de même pour les chars T-72, les chars poseurs de ponts, les matériels du génie, les lance-roquettes de conception russe fabriqués illicitement en Pologne. Sans parler aussi des fusils d'assaut Kalachnikov. Le sujet a fait couler beaucoup d'encre, mais les choses sont toujours au point mort !

Certains pays de l'OTAN ne cachent même pas le plaisir de formuler des griefs contre la Russie au sujet d'enregistrements musicaux et vidéo contrefaits et vendus dans des marchés semi-légaux. Mais ils préfèrent ne pas remarquer que des membres de l'Alliance vendent sur les marchés internationaux - non pas du rock inoffensif puisé dans Internet - mais des armes efficaces et redoutables.

La Bulgarie, par exemple, a écoulé en Géorgie quatre chasseurs Su-25, en lui promettant de lui livrer cinq autres appareils. Et en plus, elle a expédié à Tbilissi, à des prix de dumping, plusieurs lots de systèmes antichars et antiaériens, pour un total de 10 millions de dollars. Le groupe aéronautique russe Sukhoi, propriétaire du droit intellectuel pour les chasseurs Su-25, ne s'apprête pas à soulever la question de la rétrocession de vieux avions à des pays tiers. En revanche, la proposition de Sofia à des pays tiers, à savoir moderniser ce matériel datant de l'époque de l'URSS, l'inquiète beaucoup. En effet, ce serait un travail illicite. Et en plus, l'utilisation, lors de telles "modernisations" du matériel aéronautique, de composantes qui ne sont pas d'origine, est à même de provoquer des incidents et même des catastrophes. Mais, le pire, c'est que la réputation du concepteur sera entachée, chose parfaitement inacceptable.

La Russie - et là, Sergueï Ivanov a absolument raison - a à plusieurs reprises proposé aux anciens membres de l'ex-Traité de Varsovie, aujourd'hui membres à part entière de l'OTAN (qui avaient à une certaine époque reçu des matériels soviétiques et les licences de leur production - celles-ci ont depuis longtemps expiré) de passer de nouveaux accords. Une même proposition a été faite à Bruxelles. Moscou a garanti son contrôle d'auteur, les fournitures de pièces détachées, l'exploration en commun de débouchés, la possibilité de modernisation et de maintenance. Pourtant, ni la Bulgarie, ni la Pologne, ni la Roumanie, ni leurs partenaires de l'OTAN ne prêtent l'oreille à ces paroles. Et ces pays ne réagissent même pas à la menace de traduire les pirates devant la justice internationale.

En raison, peut-être, du fait que les producteurs russes d'armes n'ont jamais encore mis leurs menaces à exécution. Ils sont peu aidés par les diplomates et le gouvernement. Soulever des problèmes est une chose, obtenir leur règlement en est une autre. En cela, ne nous faut-il pas suivre l'exemple américain ? Car Washington n'hésite pas à décréter des sanctions à l'encontre des pays et des entreprises qui violent le droit intellectuel américain, à les poursuivre en justice et à obtenir l'arrêt des productions illicites. A commencer par les enregistrements musicaux et en finissant par les logiciels. La Russie a maintenant l'Agence fédérale pour la protection des droits intellectuels. Hélas : nous ne pouvons pas constater aujourd'hui qu'elle lutte énergiquement et, surtout, avec fruit, contre les producteurs de contrefaits. Aussi bien en Russie qu'à l'étranger.

En attendant, nos fonctionnaires haut placés n'ont qu'à hausser les épaules : de nouveau, nous n'avons pas reçu de réponse à nos réclamations!

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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