Gabriel Garcia Marquez: 80 ans de latinitude

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Par Mikhaïl Beliat, RIA Novosti. L'année culturelle 2007 en Amérique latine sera marquée du nom de Gabriel Garcia Marquez, qui fêtera cette année ses 80 ans.
Par Mikhaïl Beliat, RIA Novosti.

L'année culturelle 2007 en Amérique latine sera marquée du nom de Gabriel Garcia Marquez, qui fêtera cette année ses 80 ans. Le destin a voulu que les grandes étapes de la vie et de l'oeuvre de cet éminent écrivain soient liées avec ce nombre sacré qu'est pour les chrétiens le chiffre 7. Il y a soixante ans, en 1947, fut publié son premier récit, ce qui engagea le jeune étudiant en droit qu'il était à renoncer à la carrière d'avocat et à se consacrer pleinement à la création littéraire. Il y a quarante ans, en juin 1967, vit le jour le roman "Cent ans de solitude" qui allait lui apporter une renommée mondiale. Enfin, en décembre 2007, on ne manquera pas de fêter comme il se doit les 25 ans de son prix Nobel de littérature.

Gabo, comme on l'appelle en Amérique latine, est un homme fermé. Probablement parce qu'il a lui-même travaillé pendant vingt ans comme journaliste, il se refuse catégoriquement à donner tout type d'interviews, même à la télévision. C'est pourquoi les informations dont on dispose sur sa vie sont rares et fragmentaires.

Il est né dans le village d'Aracataca, au milieu de la forêt tropicale, sur les côtes colombiennes de la mer des Caraïbes. 40 ans plus tard, le monde découvrait cet endroit dans "Cent ans de solitude", sous les traits du village de Macondo, passé dans le langage commun pour désigner les trous perdus de la campagne latino-américaine.

En 80 ans, beaucoup de choses ont changé à Aracataca, qui est aujourd'hui une petite ville de 53.000 habitants où arrivent chaque jour en pèlerinage des milliers d'admirateurs de Garcia Marquez. Les eaux de la rivière n'y sont plus aussi transparentes qu'au temps de l'enfance de Gabo, et les pierres blanches sont à moitié recouvertes de limon vert, mais les habitants y observent toujours avec la plus grande assiduité la tradition de la sieste, qu'on effectue toujours, comme à l'aube du XXe siècle, dans des hamacs tendus à l'ombre des bananiers. Aracataca reste donc, malgré cette parenté avec la célébrité internationale, un typique coin reculé d'Amérique latine, ensoleillé et où la vie se poursuit paisiblement au milieu des plantations de bananes et de montagnes couvertes de forêts impénétrables.

A la fin des années 50 - début des années 60 du siècle dernier, Gabriel Garcia Marquez, à l'image de beaucoup d'autres intellectuels américains, vibre pour la révolution cubaine. Il vit et travaille à La Havane, participe au développement de la plus célèbre agence d'information de la région, Prensa Latina, et rencontre même Fidel Castro, avec lequel il entretient jusqu'à aujourd'hui une relation d'amitié.

Ensuite Garcia Marquez s'installe à Paris, puis à Barcelone, où il continue à travailler sur la saga de la famille Buendia de Macondo, avant de recevoir en 1972 le plus prestigieux prix littéraire d'Amérique latine, le Romulo Gallegos. Au milieu des années 70 il quitte l'Europe pour vivre entre la ville colombienne de Carthagène, près de ses racines, Mexico et Los Angeles, justifiant le surnom "d'homme de l'Amérique", que lui avaient attribué les journalistes vexés, pour son insociabilité et son caractère insaisissable.

Dans l'une de ses rares autobiographies, Garcia Marquez cite parmi ses influences, et dans un ordre précis, Virginia Woolf, William Faulkner, Franz Kafka, Ernest Hemingway, les "Mille et une nuits", le premier livre qu'il a lu, à sept ans, et les tragédies de Sophocle.

"Mais ce sont peut-être les discussions de mon enfance et mon adolescence avec mes grands-parents maternels qui ont avant tout marqué mon oeuvre et mon caractère", tempère l'écrivain.

De l'avis des critiques, le succès des écrits de Gabriel Garcia Marquez repose tant sur son style accompli et la richesse de sa langue que dans l'harmonie du mariage entre les traditions littéraire et folklorique latino-américaines, conférant à son oeuvre un mélange d'exception, d'originalité et de mysticisme. Ces traits se manifestent avec tant de puissance chez Garcia Marquez que les plus grands spécialistes en matière de littérature le considèrent comme l'inventeur et le fondateur d'un nouveau courant dans la prose mondiale, qu'on a appelé "réalisme magique".

En 1999, les médecins lui diagnostiquent un cancer de la lymphe, et le considèrent comme pratiquement condamné, lui donnant tout au plus encore un an à vivre. Cependant, la volonté et le caractère de l'écrivain vinrent conjurer le pronostic de la médecine, aidés probablement en cela par quelque force supérieure, et par la magie du chiffre 7. Il vainquit la maladie, en travaillant sur ses mémoires et sur un nouveau roman. Il aurait été pour lui inconcevable de partir sans les avoir achevés. Avec une volonté extraordinaire, il étouffa en lui la maladie, pour publier en 2004, à l'âge de 77 ans, un livre ironique, triste et philosophique intitulé "Mémoire de mes putains tristes". Le roman fut accueilli tièdement par la critique, mais occupa l'une des premières places au palmarès mondial des ventes en 2004.

Après cela, Garcia Marquez annonça qu'il avait abandonné l'écriture. L'un de ses plus proches amis, Plinio Apuleyo Mendoza, a tout de même révélé récemment que Gabo terminait le deuxième livre de ses mémoires, "dans lequel seront relatés les plus brillants épisodes de son existence".

Les festivités en l'honneur de cette année anniversaire pour l'écrivain se sont ouvertes dans la ville de Carthagène par un festival international de films et téléfilms inspirés de son oeuvre. 195 productions artistiques et documentaires sont à l'affiche de l'évènement. A Carthagène également s'ouvrira fin mars le IVe Congrès annuel de la langue espagnole, qui sera consacré en totalité à l'oeuvre de Gabriel Garcia Marquez. En Espagne ont été vendus 500.000 exemplaires de l'édition anniversaire de "Cent ans de solitude", roman traduit en 35 langues, dont le tirage total dépasse les 30 millions d'exemplaires et qui dans le classement des 20 chefs-d'oeuvre de la littérature mondiale se trouve sur la même ligne que le Don Quichotte de Cervantès.

Mais peut-être le plus grand hommage à Gabriel Garcia Marquez a-t-il été rendu par les indiens de la tribu des Vaiuu, installée non loin du lieu de naissance de l'écrivain et qui lui a accordé le titre, assorti d'un sceptre rituel, de "vénérable conteur".

L'avis de l'auteur ne coïncide pas forcément avec celui de la rédaction.

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