Kommersant
Un journaliste d'investigation meurt à Moscou dans des circonstances inexpliquées
Mardi le parquet de l'arrondissement moscovite Taganka a ouvert une enquête contre X pour incitation au suicide du commentateur militaire du quotidien Kommersant Ivan Safronov, mort vendredi dernier dans des circonstances jusqu'ici inexpliquées. Ces derniers temps le journaliste, un colonel en retraite âgé de 51 ans, préparait une publication "sensible" sur les livraisons d'armes russes dans les pays du Proche-Orient.
Selon le parquet, Ivan Safronov est tombé d'une fenêtre située au quatrième étage de l'immeuble qu'il habitait, son appartement se trouvant au deuxième. Les parents, les voisins et les collègues de travail du journaliste ont déclaré qu'ils ne voyaient pas les raisons pour lesquelles Safronov se serait suicidé.
La seule chose que sait la rédaction, c'est le thème sur lequel Safronov travaillait depuis quelque temps. Avant de se rendre aux Emirats Arabes Unis à l'occasion du Salon international de la Défense IDEX-2007 (ouvert le 17 février) Safronov avait dit qu'il allait vérifier des informations en sa possession concernant de nouvelles livraisons d'armes russes au Proche-Orient. D'après lui, il s'agissait de la vente d'un lot de chasseurs Su-30 à la Syrie et de missiles sol-air S-300B à l'Iran. Selon les informations en question, dans les deux cas les livraisons auraient dû être effectuées par la Biélorussie pour que l'Occident ne puisse pas accuser Moscou d'armer des pays bannis. Depuis Abou Dhabi, où les dirigeants des entreprises du complexe militaro-industriel s'étaient retrouvés, Ivan Safronov avait appelé la rédaction pour lui dire qu'il avait obtenu les confirmations qu'il cherchait.
A son retour en Russie Safronov avait raconté à ses collègues qu'il avait appris que la Russie et la Syrie avaient signé d'autres contrats, concernant la fourniture de systèmes antiaériens missiles/canons Pantsir-S1, de chasseurs MiG-29 et de missiles tactiques Iskander-2. Le même jour le reporter avait téléphoné à la rédaction pour l'avertir qu'il allait dicter un article sur la filière biélorusse de livraison d'armes à la Syrie et à l'Iran. Cependant, la rédaction n'a jamais reçu le texte en question.
Au début de l'année 2005, une publication selon laquelle la Russie envisageait la livraison d'Iskander à la Syrie (article co-rédigé par Safronov) avait provoqué un scandale retentissant.
Après avoir révélé à ses collègues ce qu'il savait au sujet des Iskander, Ivan Safronov avait dit qu'il entendait attendre avant d'écrire un article approprié parce qu'on l'avait prévenu que ses révélations pourraient susciter un scandale international d'envergure et qu'alors le FSB (Service fédéral de sécurité) ne manquerait pas d'ouvrir une enquête contre X pour divulgation de secrets d'Etat et qu'il "la mènerait jusqu'au bout". (Safronov avait déjà à plusieurs reprises été poursuivi en justice pour le même chef d'inculpation, mais il avait toujours été acquitté). Ivan Safronov n'avait pas indiqué qui l'avait mis en garde contre d'éventuels désagréments.
Nezavissimaïa gazeta
La Russie et l'Europe pourraient régler ensemble les "conflits gelés"
L'Union européenne et la Russie ont aujourd'hui des problèmes communs. A Moscou et à Bruxelles, l'attitude envers le plan Ahtisaari pour le Kosovo diffère de celle adoptée par Pristina et Washington. On peut constater que la Russie ne se presse pas de profiter du précédent du Kosovo pour reconnaître l'indépendance des républiques autonomes postsoviétiques.
Deux enclaves situées à proximité des frontières de la Russie - l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud qui aspirent à être séparées de la Géorgie - peuvent considérer le Kosovo comme un précédent bienvenu. La Transnistrie et le Nagorny Karabakh, dont le statut est également incertain, n'en sont pas non plus très loin. Mais la Russie n'est pas prête à soutenir leur indépendance, car elle n'a pas d'intérêts économiques importants dans ces régions et qu'elle paierait ce soutien par de graves conflits avec ses voisins.
Qui plus est, la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo met en question la légitimité des actions de Moscou en Tchétchénie, dont l'attitude envers Moscou était pour beaucoup, au début des années 90, semblable aux rapports entre le Kosovo et la Serbie.
Bruxelles ne se hâte pas non plus de donner un avis définitif, se rendant compte que cela pourrait aboutir à l'apparition d'un Etat déficient aux frontières de l'Union européenne. L'Europe voudrait de même éviter l'aggravation du problème de la Corse et de la Catalogne, en France et en Espagne. La Belgique s'est heurtée elle aussi à la perspective d'une séparation, même pacifique, en Flandre et Wallonie.
Dans cette situation, il serait plus utile d'essayer de régler sur une base unique le problème de tous les territoires au statut incertain qui se trouvent dans les "zones de responsabilité" de l'UE et de la Russie et de reporter le règlement "définitif" de la question de leur structure d'Etat à 20 ou 30 ans.
Premièrement, il s'agirait d'un premier cas de coopération positive entre l'UE et la Russie dans le domaine politique, ce dont elles ne pourront se passer à l'avenir. Deuxièmement, il y aurait un précédent de règlement de ce problème, purement européen en fait, à l'intérieur de la "grande Europe", sans intervention des Etats-Unis ou de l'ONU, dont l'intéressement au règlement réel de la question est minimal. Enfin, l'Europe manifesterait son désir de participer au jeu politique global, sans quoi son identité politique restera longtemps encore incertaine.
(Vladislav Inozemtsev, directeur du Centre d'étude de la société postindustrielle).
Novye Izvestia
Egor Gaïdar prédit à la Russie un krach économique
Si la politique économique actuelle se poursuit dans les prochaines années, la Russie n'aura aucune chance d'éviter le krach, même si le prix du pétrole reste stable. Selon Egor Gaïdar, directeur de l'Institut de l'économie de la période de transition, "la politique économique actuelle du pays est appliquée en se fondant sur des objectifs fixés pour deux à trois ans, comme si la vie pouvait s'arrêter ensuite". Cela se produit dans le contexte d'une baisse générale de l'efficacité de l'économie: l'Etat continue à s'emparer méthodiquement de nouveaux actifs qu'il ne sait pas gérer.
"Il est impossible de ne pas constater qu'au fur et à mesure de la renationalisation des actifs du secteur des matières premières le rythme de l'exploitation de nouveaux gisements baisse et prend de plus en plus de retard sur l'accroissement du PIB. Selon les estimations les plus optimistes, compte tenu de l'épuisement des ressources minérales, l'extraction du pétrole commencera à baisser dès les années 2020, celle du gaz, dans les années 2030. Par conséquent, nous avons deux tendances parallèles: d'une part, une diminution graduelle de la source (principale, ndlr.) de revenus, de l'autre, un accroissement constant des engagements sociaux", affirme Egor Gaïdar.
A la question du quotidien Novye Izvestia de savoir combien de temps la Russie pourrait tenir en appliquant cette politique économique, Egor Gaïdar a répondu: selon le pronostic inertiel qui ne tient pas compte de l'éventualité de cataclysmes et d'une chute des prix du pétrole, les ressources suffiront jusqu'à 2015. Selon l'économiste, pour sortir de la crise, il faut réaliser des réformes substantielles, entre autres, privatiser les monopoles publics et former une caisse de retraite sur la base du fonds de stabilisation. "Nombreux sont ceux qui jugent nécessaire de dépenser le fonds de stabilisation pour les projets d'investissement. Même en Suède où l'indice de la corruption est très bas, la société ne confie pas cette tâche aux fonctionnaires. Je ne ferais pas non plus confiance à nos fonctionnaires. En ce qui concerne le montant du fonds de stabilisation, il constitue chez nous 9,9% du PIB, contre 100% en Suède. En investissant cet argent dans des titres liquides étrangers, les Suédois reçoivent leurs 4% par an et nourrissent ainsi leurs retraités. Nous devrions faire de même".
Evgueni Iassine, directeur scientifique du Haut Collège d'économie, critique encore plus âprement les tendances actuelles de l'économie russe. D'après lui, en faisant des pronostics pour l'avenir, il faut tenir compte non seulement des indices purement financiers, mais aussi de l'état de la production. "Le secteur industriel a besoin d'une modernisation urgente de grande envergure. Il est notoire que 40% des équipements de l'industrie de transformation sont constitués de technologies d'avant-hier", a indiqué l'expert.
Alexandre Radyguine, expert de l'Institut de l'économie de la période de transition, a également cité, parmi les problèmes principaux, l'inertie de la législation (les lois les plus importantes, si elles sont adoptées, apparaissent trop tard), les doubles standards (ce qui est permis à Sibneft est interdit à Ioukos), la corruption totale et l'inefficacité du système judiciaire. Comme l'a déclaré Alexandre Radyguine aux Novye Izvestia, cette politique économique se poursuivra probablement pendant 2 à 3 ans. Personne ne sait ce qui adviendra ensuite.
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