Mode: la déferlante des valenki

© RIA Novosti . Sergey Subbotin / Accéder à la base multimédiaBottes de feutre
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Les Européennes bon chic, bon genre ont ouvert la chasse aux valenki (bottes de feutre russes).

Les Européennes bon chic, bon genre ont ouvert la chasse aux valenki (bottes de feutre russes).

La première présentation d'une collection de bottes de feutre russes "haute couture" a récemment eu lieu à Gatchina, ancienne résidence impériale non loin de Saint-Pétersbourg. Par la suite, la fabrique de chaussures de feutre de Gatchina a croulé sous les commandes venant de maisons de mode de France, d'Allemagne et de Russie. En Europe, les bottes de feutre "à la russe", à l'origine un peu plébéiennes, se transforment en chaussures exclusives et recherchées portées par des stars en tous genres.

L'empereur Pierre le Grand estimait que les valenki avaient des qualités curatives. "Si le matin vous avez la "gueule de bois", mettez vos pieds nus dans des bottes de feutre et avalez une écuelle de soupe au chou aigre", recommandait-il.

Ses successeurs, les impératrices Catherine II la Grande et Anna Ioannovna, permettaient aux dames de la cour de mettre des bottes de feutre même avec des robes d'apparat. Elles aimaient aussi porter des bottillons souples en feutre.

Aujourd'hui, les élégants "hauts de gamme" portent des valenki décorées de grains de verre, de strass, de dentelle, de soie, de tapisserie et de broderies.

La 16e Semaine de la mode de Moscou a présenté en octobre dernier une collection de bottes de feutre faites main: presque un millier de paires de valenki confectionnées par la designer Lioudmila Tchernikova ont été vendues en sept jours.

Autrefois, la gamme de couleurs des bottes de feutre russes était restreinte: gris, noir et blanc. Maintenant, vous en trouverez en orange, en vert, en violet ou en bordeaux. A l'heure actuelle, on feutre presque tout type de laine. Elena Pelevina, fondatrice de la Maison de la mode russe de Moscou, confectionne des bottes en poil de chameau et considère que les chaussures de ce type sont très chic.

Des valenki de luxe sont fabriquées sur commande à l'occasion de réceptions mondaines, des bottes "d'auteur" sont commandées pour des soirées bohème. Les chaussures en feutre ornées de tapisserie et de strass sont le clou de la saison. En Sibérie, on vend des valenki garnies de fourrure pour quelque 400 dollars américains. Les Khantys (peuple indigène) portent des bottes de ce genre, très chaudes, en raison de rudes conditions climatiques, et par ailleurs, le style ethno devient très à la mode en Russie.

Les bottes de feutre russes ont fait une nouvelle réapparition sur les podiums internationaux pour la saison automne-hiver 2006-2007. La couturière Ioulia Nikolaïeva est éloquente sur la question: "Faites sur commande spéciale, à tige resserrée et aux bouts aplatis, elles deviennent le genre de chaussures le plus confortable et le plus chaud que les hommes ont jamais inventé".

Les mannequins présentant les valenki achètent eux-mêmes des bottes de feutre. Ce qui n'est pas étonnant, du fait qu'un certain Gianfranco Ferre figure parmi leurs auteurs. Le couturier a élaboré toute une collection de valenki. Les people font porter des bottes de feutre à leurs enfants. Il existe même des chaussons pour bébés en feutre. Les magazines de mode donnent quant à eux des conseils sur la façon de décorer les valenki de vos enfants.

Strictement parlant, les valenki, considérées comme des chaussures typiquement russes, sont une invention turque. Leur histoire remonte au IVe siècle avant notre ère: c'est à cette période que les archéologues attribuent les articles en laine découverts dans un kourgane (tumulus) dans les monts Altaï, en Sibérie. Une des premières mentions de bottes de feutre figure dans "Le Dit de la campagne d'Igor", la plus ancienne oeuvre littéraire russe connue, un poème épique datant de la fin du XIIe siècle.

Dans les familles paysannes, les bottes de feutre étaient reçues par voie de succession, les moyens de résister au cruel froid de l'hiver russe n'étant pas bon marché. La confection de vraies valenki nécessitait des technologies très compliquées: les chaussures étaient faites sans une seule couture sur des formes spéciales. Ces technologies sont présentées dans les musées russes des bottes de feutre, à Mychkine et dans le village d'Ouroussovo (République de Mordovie).

La fabrique de chaussures de feutre de Gatchina produit annuellement 30.000 paires de bottes pour les commercialiser à travers la Russie. Une modernisation de l'entreprise permettra d'augmenter ses capacités. Compte tenu de la demande actuelle, ces chaussures écologiques et hygroscopiques se vendront bien.

La fabrique de valenki la plus connue, celle de Veliki Oustioug (dans le Nord de la Russie), a rapidement décrypté la conjoncture, ayant étendu sa gamme dès le début du XXIe siècle. A Moscou, des bottes de feutre sont confectionnées à la fabrique de Bitsa. Toute une équipe d'épouses d'ambassadeurs a débarqué un beau jour dans un petit magasin commercialisant des bottes de feutre moscovites pour en acheter un lot non négligeable. Plus tard, la boutique a vécu une invasion de touristes français, qui ont eux aussi emporté pas mal de chaussures de feutre.

Vers la fin de l'époque soviétique, les valenki n'étaient plus à la mode. Leur nom est même entré dans la phraséologie courante pour désigner un homme naïf et crédule ("botte de feutre de Sibérie"). La Russie cherchait à s'aligner sur l'Europe et portait donc des bottes "à l'européenne". Aujourd'hui, ce mot est de plus en plus souvent employé au sens propre, s'étant retrouvé une place fixe dans le vocabulaire de la mode. C'est maintenant l'Europe qui se chausse "à la russe".

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