L’ESTONIE : UNE LUTTE CONTRE L’HISTOIRE CONTINUE

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Il arrive rarement qu’un projet de loi débattu dans tel ou tel pays puisse émouvoir les gens qui vivent loin de ses frontières.
Il arrive rarement qu’un projet de loi débattu dans tel ou tel pays puisse émouvoir les gens qui vivent loin de ses frontières. Mais en Estonie, c’est le cas : il s’agit de la décision du parlement permettant de démonter les monuments aux soldats soviétiques tombés lors de la deuxième guerre mondiale. Lors d’une conférence de presse récente, le président de Russie Vladimir Poutine a traité ce projet de loi de politique aveugle, ultranationaliste, ignorant les problèmes liés au nazisme et les réalités actuelles. Le président russe a déclaré que la Russie était prête a ré-inhumer les restes des soldats soviétiques sur son territoire.
Pourquoi les soldats qui ont libéré le pays suscitent-ils cette réaction négative des autorités estoniennes? Par le fait même de libération ? Ce n’est pas une supposition impossible si on se rappelle que les événements de la deuxième guerre mondiale et ses « héros » bénéficient d’une attitude particulièrement attentive. En voilà un exemple : il y a quelques années, les restes du standanterführer Alphonse Rebaney qui dirigeait la 20e division de SS ont été inhumés avec une grande pompe à Tallinn sous prétexte qu’il était « un grand commandant militaire du XX siècle ». Parmi les « exploits » de sa division, on peut citer le blocus de Leningrad où un million d’habitants a péri de faim, surtout des femmes et des enfants. Mais en Estonie les anciens membres de SS sont accueillis comme des héros. Ce pays est devenu une espèce de réserve pour les fantômes du passé. La glorification des fascistes est un fait dans la république. Donc, la décision des autorités de démanteler les monuments aux vainqueurs est une suite logique de cette orientation, faisant preuve du désir de réécrire l’histoire de la deuxième guerre mondiale et l’histoire estonienne aussi. Tous les Estoniens n’adoraient pas Hitler, l’uniforme de SS n’attirait pas tout le monde. Il y avait bien d’autres Estoniens : ceux qui ont combattu le fascisme sous les drapeaux d’un pays faisant partie de la coalition antihitlérienne : au sein de l’armée soviétique, il y avait des unités nationales dont le Corps estonien. Plusieurs Estoniens qui y ont combattu ont reçu les médailles et les ordres, mais dans l’Estonie actuelle ils ne sont pas des héros. Ce sont plutôt les membres de SS qu’ils avaient battus. On pose la question d’interdire le port des ordres soviétiques.
Sur quoi comptent les autorités estoniennes ? Sur une mauvaise mémoire ? Bien sûr, 60 ans plus tard, il est plus facile de déformer l’histoire. Mais les gens ont une bonne mémoire, la décision du parlement estonien reçoit beaucoup d’échos indignés. Les crimes fascistes, la guerre la plus sanglante ne sont pas oubliés. Il est étonnant que l’Union Européenne et les Etats-Unis que l’Estonie obéit sur-le-champ ne réagissent pas aux événements sous prétexte qu’il s’agit « des affaires intérieures d’un pays ». Une position étrange et peu prévoyante. « Il ne faut pas tirer sur le passé, car ces coups de feu retentiront dans l’avenir » — telle était le commentaire du professeur allemand Lorenz Haag en guise de commentaire sur la décision du parlement estonien. Dommage que cette vérité ne soit pas reconnue de tous.
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