Le Japon et la bombe atomique

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Le journal japonais Sankei a publié le 25 décembre dernier le contenu d'un document gouvernemental datant du 20 septembre évoquant des plans de fabriquer de petites ogives nucléaires. Cette information a été immédiatement démentie par le secrétaire général du cabinet des ministres Yasuhisa Shiozaki. Quoi qu'il en soit, la question relative à la "bombe atomique japonaise" et à la possibilité de sa création reste ouverte.

Le journal japonais Sankei a publié le 25 décembre dernier le contenu d'un document gouvernemental datant du 20 septembre évoquant des plans de fabriquer de petites ogives nucléaires. Cette information a été immédiatement démentie par le secrétaire général du cabinet des ministres Yasuhisa Shiozaki qui a déclaré que le gouvernement n'était pas au courant de l'existence de ce document. Quoi qu'il en soit, la question relative à la "bombe atomique japonaise" et à la possibilité de sa création reste ouverte.

L'arrivée au pouvoir au Japon du cabinet du premier ministre Shinzo Abe s'est accompagnée de la proclamation de l'orientation vers la révision radicale de la politique militaire du pays. Ce qui avait été mentionné jadis à mi-voix prend forme dans les objectifs du programme. Mettant à profit la thèse de la "menace nord-coréenne", le gouvernement invite le peuple à renoncer aux articles pacifistes de la Constitution du pays, à commencer à former de puissantes forces armées, à consacrer législativement le droit de l'armée et de la flotte japonaises à participer, conjointement avec les Etats-Unis, aux opérations militaires dans n'importe quel point du monde et à créer un organisme d'Etat du renseignement à l'instar de la CIA.

Parallèlement, le conditionnement idéologique de la population bat son plein. Shinzo Abe a posé l'objectif de "revenir aux leçons scolaires de patriotisme". A cette fin, on récrit les manuels d'histoire en essayant de disculper les forfaits du militarisme japonais et en imposant la version du caractère prétendument "civilisateur et libérateur" des guerres menées par le Japon au siècle dernier en Asie de l'Est et dans le Pacifique. On inculque de plus en plus obstinément l'idée que la politique ultérieure du pays "ne doit pas être déterminée uniquement par le repentir au sujet du passé militaire".

La formation du nouveau cabinet a été marquée par les appels de membres influents du gouvernement et de responsables du Parti libéral-démocrate au pouvoir à lancer dans le pays une discussion sur les perspectives possibles du réarmement nucléaire du Japon, ce qui a suscité une profonde inquiétude aussi bien à l'intérieur du pays qu'à l'étranger, en premier lieu dans les pays d'Asie de l'Est. Comme on le sait, depuis la fin des années 60 du siècle dernier, le gouvernement japonais respectait les célèbres "trois principes non nucléaires", selon lesquels l'Etat ne doit posséder, fabriquer ni introduire aucun type d'armes nucléaires sur le territoire du pays. A présent, l'utilité de respecter ces principes est ouvertement mise en doute.

Le terrain ainsi préparé pour la suppression des dispositions de la constitution japonaise sur le renoncement du pays au droit de faire la guerre et de posséder des forces armées favorise également la discussion sur l'arme nucléaire. Selon les résultats d'un sondage d'opinion publiés en octobre dernier, à présent 60% des Japonais acceptent d'apporter des amendements à la Constitution. Plus des deux tiers du parlement, c'est-à-dire la majorité constitutionnelle, sont prêts à voter pour un projet de loi en ce sens.

Alors que le premier ministre Shinzo Abe affirme que le gouvernement a l'intention de poursuivre la politique antérieure à l'égard des armes de destruction massive, les membres de son cabinet annoncent, bien qu'avec des réserves, la possibilité technologique de créer rapidement, en cas de nécessité, des charges nucléaires. Ainsi, le ministre des Affaires étrangères Taro Aso a déclaré le 30 novembre 2006 lors d'une réunion du comité de sécurité de la Chambre des représentants: "Le Japon possède les technologies requises pour créer de l'arme nucléaire, mais il ne prévoit pas de le faire". Le ministre a ensuite expliqué la position du cabinet, selon laquelle la Constitution du pays ne lui interdit pas de détenir des armes nucléaires.

"La possession d'une quantité minimale d'armements à des fins d'autodéfense n'est pas interdite par la disposition de l'article 9-1 de la constitution, a affirmé Taro Aso, il n'interdit même pas les armes nucléaires, dans la mesure où leurs quantités sont conformes à cette définition".

On fait savoir que le Japon possède actuellement des réserves pour la création d'armes nucléaires à l'uranium et au plutonium. Fin mars 2005, le pays disposait de 43,8 tonnes de plutonium, dont 5,9 tonnes se trouvent sur le territoire japonais et 37,9 tonnes en Grande-Bretagne et en France. "Puisque 8 kg de plutonium sont nécessaires pour fabriquer une charge nucléaire, la quantité dont dispose le Japon suffira pour fabriquer 5.475 charges", indiquent les experts. Une information prétend que le processus de création d'armes nucléaires au Japon prendrait six semaines au maximum. Qui plus est, il ne s'agirait pas d'un engin primitif, mais de munitions nucléaires conformes à toutes les exigences modernes, qu'il soit question de bombes d'aviation ou d'ogives de missiles.

Mais de nombreux facteurs géopolitiques peuvent entraver le processus de transformation du Japon en puissance nucléaire. Tout d'abord, il y a le facteur américain. Washington est au courant de l'intention des hommes politiques japonais aux tendances nationalistes d'affranchir peu à peu le Japon du statut militaro-politique de protectorat des Etats-Unis qui lui avait été attribué il y a de nombreuses années. Il existe des doutes sur l'intention des Américains de faire la guerre aux côtés des Japonais si quelque chose se produisait en Extrême-Orient. Ce n'est pas par hasard que la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice a été chargée d'assurer aux Japonais et aux Sud-Coréens que les Etats-Unis respecteraient rigoureusement leurs engagements pris dans les accords d'alliance. Il ne fait pas de doute que les hommes politiques de Washington vont persuader le gouvernement japonais de modérer ses ambitions nucléaires, ne serait-ce qu'à l'étape donnée.

Ils comprennent parfaitement que, si le Japon et la Corée du Sud deviennent des Etats nucléaires, ils peuvent renoncer aux services rendus sur le plan militaire par l'oncle Sam. Cela signifierait le départ des Etats-Unis d'Extrême-Orient, ce qui n'entre nullement dans les intentions des Américains qui considèrent les bases militaires au Japon et en Corée du Sud comme des points d'appui importants de leur stratégie globale.

Il convient de souligner que tout en empêchant l'apparition de l'arme nucléaire japonaise, les Américains encouragent en même temps Tokyo à accroître ses armements conventionnels. En approuvant la révision des articles "pacifistes" de la Constitution (et probablement en ayant incité à le faire), Washington vise à utiliser plus largement les forces armées japonaises dans les opérations militaires des Etats-Unis. Se heurtant au refus des alliés européens à l'OTAN de participer avec résignation à leurs aventures, les Américains tournent leurs regards vers le Japon qui reste docile. L'adjoint à l'assistant du président américain pour la sécurité nationale Jack Crouch a carrément déclaré en octobre que le Japon devait élargir sa présence militaire à l'étranger. "C'est nécessaire afin d'assurer la sécurité dans les régions instables du monde", a-t-il affirmé. On connaît également les appels de Washington à "associer le Japon, la Corée du Sud, l'Australie et la Nouvelle-Zélande aux structures de l'OTAN".

En ce qui concerne la Russie, proche voisin du Japon, la prolifération des armes nucléaires en Asie du Nord-Est ne peut ni ne doit être considérée par Moscou comme un "incendie sur l'autre rive du fleuve". La course aux armements qui serait inévitable dans ce cas n'entraînerait pas seulement la Russie dans des conflits militaires, mais remettrait aussi en cause les plans d'amélioration de la situation économique et sociale de la population des régions de l'Est du pays, et le règlement du problème démographique qui y est assez grave. Les intérêts vitaux russes impliquent de prendre toutes les mesures politiques possibles en vue de transformer la péninsule de Corée en zone dénucléarisée. Pour cela, il faut assurer non pas en paroles, mais par des actes, l'inviolabilité militaire de la RDPC, en faisant disparaître ainsi les appréhensions liées à une intervention dans ce pays selon le "scénario irakien".

Espérons que le Japon, soucieux de sa sécurité, prend conscience des avantages de la politique de dialogue et de compromis et se rend compte du danger de rester en équilibre au bord d'un conflit nucléaire.

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