Les milieux d'affaires russes se rattrapent

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Par Alexandre Iourov, RIA Novosti.

Ces deux dernières années le capital russe a pris le contrôle de quatre sociétés américaines. Fin novembre, on a appris que le russe Evraz Group prenait une participation de 65% dans l'entreprise sidérurgique américaine Oregon Steel Mills pour 2,3 milliards de dollars. Et voilà que les observateurs étrangers font toute une affaire de cette transaction, évoquant l'existence de certains dangers.

Cependant, il n'y a rien d'étonnant à ce que des hommes d'affaires russes cherchent (et trouvent) des débouchés sur des marchés étrangers. Cela correspond pleinement à la tendance mondiale générale.

A noter que cette transaction avec une importante société russe n'est pas la première pour les Américains. En 2006, la même compagnie sidérurgique Evraz Group a acquis 73% de Strategic Minerals Corporation pour 110 millions de dollars. En 2004, la compagnie pétrolière Lukoil a pris possession de Mobil pour 266 millions de dollars. Un peu plus tôt, Severstal était devenu propriétaire de Rouge Steel pour 286 millions de dollars.

En ce qui concerne la transaction d'Evraz Group avec Oregon Steel Mills, il y a lieu de rappeler que jamais encore les Russes n'avaient déboursé une somme aussi importante pour une entreprise de production sur le territoire des Etats-Unis. C'est probablement pour cette raison que le tapage soulevé par cet événement a surpassé le bruit déclenché dans la presse à l'occasion de la cession par IBM de son activité PC au groupe chinois Lenovo. Rappelons que ce contrat a coûté aux Chinois 1,5 milliard de dollars.

D'ailleurs, les derniers succès sérieux sur le territoire américain ne signifient pas que les entreprises russes soient devenues extraordinairement actives dans les affaires de fusion ou d'absorption. Sur les cent groupes les plus importants des pays en développement ou des Etats à économie de transition, on ne compte que sept holdings russes réellement actifs sur le marché mondial, contre 44 sociétés chinoises, 21 indiennes et 14 brésiliennes. Le taux d'activité des milieux d'affaires russes est comparable à celui du Mexique et de la Turquie.

D'après les données de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED), la Russie occupe actuellement la 16e position sur la liste des investisseurs globaux avec un montant total d'actifs à l'étranger ne dépassant pas 13 milliards de dollars. A titre de comparaison, l'année dernière, 40 milliards de dollars ont été investis dans les pays d'Asie du Sud-Est, quant au volume mondial des investissements directs, il est d'un tout autre ordre: 916 milliards de dollars, dont 400 milliards ont été placés par les pays européens et 100 milliards par les Etats-Unis. Les investissements russes sont une goutte d'eau dans cette mer de ressources financières.

D'ailleurs, la situation change rapidement. Avant 2006, il n'y avait aucune société russe sur les cinquante multinationales constituées par les pays en voie de développement. Aujourd'hui, le haut de la liste établie par la CNUCED est occupé par des multinationales russes.

Les hommes d'affaires russes franchissent de plus en plus souvent les frontières régionales pour s'associer avec leurs collègues étrangers sur le marché international. L'automne dernier, plusieurs transactions importantes ont été annoncées coup sur coup. La compagnie pétrolière Rosneft (dont 70% appartiennent à l'Etat) a signé, au mois d'octobre, avec la China National Petroleum Corporation (CNPC) un procès verbal sur la création d'une coentreprise, Vostok Energy. Le Complexe métallurgique de Novolipetsk (NLMK) a demandé l'autorisation de la Commission européenne pour acquérir une participation dans Duferco et Steel Invest. Un peu avant, l'homme d'affaires Oleg Deripaska s'était offert une petite participation dans le géant automobile General Motors. Les milieux d'affaires russes se mondialisent activement et il est déjà impossible d'arrêter ce processus.

Goldman Sachs a publié au mois de mai 2006 sur son site web une étude intitulée The BRIC's dream. Ses analystes en sont venus à la conclusion que le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine seront les quatre plus grandes économies du monde vers 2050. Du moins, le PIB de l'Inde et de la Chine sera à cette date-là comparable avec celui des Etats-Unis, tandis que les économies brésilienne et russe dépasseront celles des plus grands pays du Vieux continent. Selon les prévisions, le PIB de la Russie par habitant est attendu au niveau de celui de l'Allemagne ou de l'Italie. D'ici cinquante ans, rappelons-le.

Goldman Sachs prédit que l'essor économique atteindra son point culminant au cours de la prochaine décennie. Il sera principalement assuré par les progrès économiques des quatre pays formant le BRIC. Leur part dans l'économie mondiale atteindra un tiers dans l'avenir le plus proche.

Il serait donc erroné de considérer les succès des sociétés russes à l'étranger comme l'effet d'une nouvelle ligne géopolitique du Kremlin. Tout simplement, par la force des circonstances, la Russie s'est retrouvée parmi les pays obligés de rattraper leur retard, de s'installer activement sur les marchés jusqu'ici perdus pour récupérer le manque à gagner.

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