Le phénomène Ségolène

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Par Vladimir Simonov, RIA Novosti

Les hommes du monde entier ont depuis peu de bonnes raisons de perdre le sommeil. Dans la politique, considérée jusqu'à récemment comme un fief purement masculin, ils ne cessent de reculer devant le sexe faible. Le Chili vient de se doter d'une femme président, tandis qu'aux Etats-Unis les spectres de Hillary Clinton et de Condoleezza Rice commencent à planer sur l'élection de 2008. Angela Merkel, vêtue de son éternel pantalon noir, est traitée sur un pied d'égalité au G8, le club des dirigeants les plus influents du monde. Et ce sont enfin les Français, nation traditionnellement encline à idéaliser le charme féminin, qui se déclarent prêts à placer une femme à la tête de l'Etat.

Ségolène Royal, 53 ans, s'est imposée dès le premier tour en recueillant 60,6% des suffrages au sein du Parti socialiste qui l'a désignée comme candidate à l'élection présidentielle. La présidente de la région Poitou-Charentes s'apprête donc à répéter le parcours de Bill Clinton et de Bush père et fils qui les avait conduits de gouverneurs à présidents.

Cherchant à expliquer le "phénomène Ségolène", l'institut de sondages Ipsos constate que la candidate socialiste "incarne le renouveau" contrairement aux autres personnalités de gauche dont les noms résonnent dans toutes les oreilles. Un constat pour le moins bizarre, car cela fait une vingtaine d'années que le visage photogénique de Ségolène Royal, aux pommettes hautes genre Marlène Dietrich, figure aux côtés de celui de François Hollande, leader du Parti socialiste et son compagnon. La personnalité de Ségolène Royal est depuis longtemps associée à la gauche, d'autant plus que la liste des fonctions ministérielles et autres qu'elle a occupées dans l'administration du président socialiste François Mitterrand et dans le cabinet de Lionel Jospin prend plus d'une page.

Bref, malgré sa fraîcheur apparente, le visage de Ségolène Royal a été giflé par tous les vents politiques.

L'explication est sans doute ailleurs. Aussi grande que soit la tentation d'éviter cette conclusion, peu flatteuse pour un électeur averti, c'est l'irrésistible facteur "sexe" qui semble s'imposer dans l'opinion publique des pays dits industrialisés, dont la France. Car Ségolène Royal est une femme, ce qui veut dire beaucoup de choses, sinon tout.

Comme les Chiliens, les Allemands et bientôt les Américains, les Français ont compris une vérité qui ne peut pas ne pas froisser les politiques: les hommes sont ennuyeux, voire parfois même médiocres. En effet, les hommes ont eu à leur disposition suffisamment de siècles pour rendre notre monde plus tranquille, plus digne sur le plan moral et plus riche sur le plan matériel.

Les résultats ne sont que trop éloquents: la famine et les massacres en Afrique, l'explosion du terrorisme internationale, les guerres en Afghanistan et en Irak, le déclin des Nations unies, la légalisation rapide et généralisée des mariages homosexuels, la création d'une sorte de corporation internationale contrôlant via son réseau les ordinateurs et donc les cerveaux des jeunes aux quatre coins du globe et, enfin, le tournage du vingt et unième film sur James Bond où l'agent apparaît dans toute son insignifiance.

Le temps semble venu de donner aux femmes une chance de faire leurs preuves sur l'échiquier politique.

Fondée essentiellement sur l'exploitation du facteur "sexe", la campagne électorale de Ségolène Royal témoigne en faveur de ce constat. Cette charmante mère de quatre enfants, que le magazine masculin FHM a inscrite dans son Top-10 des femmes les plus sexy du monde, n'a pas jusqu'à présent dévoilé son agenda politique - s'il en existe un -, ni même son point de vue personnel sur les problèmes sensibles de la nation.

Sa déclaration, assez générale, sur la "révolution" qui s'impose dans le domaine de l'enseignement pour sauver les écoles secondaires en déclin est une exception à la règle. La candidate socialiste a invité les enseignants à travailler plus honnêtement sans abuser des leçons particulières. La réaction des enseignants de France, dont beaucoup sont membres ou sympathisants du Parti socialiste, a été des plus virulentes. En avril 2007, quand la France sera amenée à choisir son président, de tels propos pourraient lui coûter pas mal de voix.

Pour le reste, Ségolène Royal cherche à gagner la confiance des électeurs en raillant le machisme. Et elle le fait avec succès, sans aucun doute. Lors de manifestations préélectorales à Paris, elle a plus d'une fois cité ses opposants au sein du Parti socialiste qui n'avaient pas hésité à lui notifier en public "Mais qui va garder les enfants?" ou encore "Elle aurait mieux fait de rester chez elle au lieu de lire ses fiches-cuisine". Par ailleurs, la droite n'a pas trouvé chez Ségolène Royal d'autres points faibles que son apparition dans un quartier pauvre de Santiago, chaussée d'escarpins, comme si elle ne pouvait pas trouver de meilleur endroit pour mettre en valeur le galbe de ses jambes.

Un débat électoral aussi étroit et recentré sur le sexe aurait été impossible, si la France n'avait pas connu de métamorphoses significatives, plus précisément la "glamourisation" de la vie politique. A la veille de l'élection présidentielle, le pays traverse le boom des périodiques illustrés genre Closer, Voici, Gala, Public et autres qui savourent la vie privée de tout ce qui est beau, célèbre et riche. Ségolène Royal et son concurrent le plus probable dans la course à l'Elysée, Nicolas Sarkozy, actuellement ministre de l'Intérieur et leader de la droite, s'inscrivent parfaitement dans cette nouvelle formule.

Résultat, nous assistons aujourd'hui à un combat sans merci entre deux idoles médiatiques, quand un reportage sur les vacances de Ségolène Royal où elle se prélasse en bikini sur une plage rivalise avec des images de Nicolas Sarkozy aux côtés de Cécilia, son épouse récalcitrante, dont il s'est empressé de regagner la confiance.

Le duel des programmes politiques est à venir. A moins que cela ait encore une quelconque importance pour l'électeur en ce siècle du post-féminisme, quand la fonction de président de la République ouvre la liste des professions féminines.

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