Quelques affrontements ont eu lieu entre les partisans des autorités en place et l'opposition. Les fidèles de Kourmanbek Bakiev manifestent sur une place du centre-ville, et les opposants sur une place voisine, les deux places étant séparées par le bâtiment du musée historique.
Alors que les manifestants ont commencé à s'armer de cailloux et de bâtons, en dépit des appels au calme des leaders de l'opposition, les forces de l'ordre ont dû utiliser des moyens spéciaux pour séparer les camps antagonistes: une forte odeur de gaz se faisait sentir sur la place. Des témoins ont indiqué avoir entendu des bruits semblables à des coups de feu. L'ambassade russe à Bichkek a pour sa part confirmé que "des tiers se faisaient entendre" dans la ville.
Deux transports de troupes, une brigade équestre de la police et des soldats des forces de l'Intérieur ont été dépêchés dans le centre-ville. Selon un journaliste de RIA Novosti présent sur les lieux, des gens accourent de toutes parts, le nombre des manifestants pouvant atteindre 15.000 personnes.
Au moins six personnes ont été blessées lors des affrontements, a précisé le ministère kirghize de la Santé. Quatre personnes ont été blessées par balles et hospitalisées, et deux autres ont subi des traumatismes crâniens. Ces blessés ont été découverts sans connaissance dans des buissons. Quatre ambulances ont été mobilisées pour évacuer les blessés.
L'opposition kirghize manifeste depuis six jours sur la place centrale de Bichkek où une cité de tentes a été aménagée. La réforme constitutionnelle est la première revendication du mouvement Pour les réformes qui regroupe plus de 20 partis et mouvements soucieux de faire de la Kirghizie une république parlementaire. L'opposition réclame également que le président prenne des mesures résolues pour juguler la corruption qui règne dans la haute hiérarchie de l'Etat et rende la compagnie de radiotélévision nationale réellement indépendante.
Malgré quelques concessions arrachées au régime de Kourmanbek Bakiev, l'opposition reste intransigeante et ne quitte pas les lieux. Le gouvernement a ainsi annoncé lundi le limogeage du ministre de l'Intérieur, Osmonoly Gouronov, remplacé par son adjoint, Omourbek Seouvanaliev, qui a promis de donner suite à l'une des revendications de l'opposition, à savoir le limogeage du chef de la police de Bichkek, Moldomous Kongatiev. Les manifestants réclament également le départ de son frère qui occupe le poste de procureur général.
Lundi, lors d'une séance extraordinaire du parlement, une partie des députés ont annoncé la convocation d'une Assemblée constituante en vue d'adopter une nouvelle Constitution. Le député Koubatbek Baïbolov a été élu à la tête de l'Assemblée.
En commentant le comportement de l'opposition, le président Kourmanbek Bakiev a accusé le parlement de tentative d'usurpation de pouvoir. "Les actions déployées par le parlement sont illégales, car elles visent à usurper le pouvoir", a-t-il relevé mardi.
Le chef de l'Etat a appelé le peuple à garder le calme en déclarant que les autorités légitimes étaient capables de contrôler la situation. "Il n'y a pas lieu de paniquer. Nous ne permettrons à personne de diviser notre peuple", a-t-il dit.
Le président a également appelé à "entamer au plus vite les procédures de conciliation, y compris avec la participation de l'opposition", en vue d'élaborer un texte permettant de sortir de la crise.
"En tant que président, je suis prêt à examiner n'importe quelle proposition en matière d'amendement de la Constitution", a déclaré M. Bakiev.
Mardi, les parlementaires membres de l'Assemblée constituante ont entamé la collecte de signatures en faveur de la nouvelle Constitution. Cette version avait été concertée avec le président qui avait promis, lors des négociations avec l'opposition le 2 octobre dernier, de la déposer au parlement. Le texte prévoit d'instaurer en Kirghizie un régime présidentiel-parlementaire où le premier ministre élu par le parlement deviendrait chef d'Etat de fait et le président assumerait des fonctions purement représentatives.
Toutefois, Kourmanbek Bakiev a refusé de déposer cette version au parlement, en déclenchant une manifestation massive. Il a déposé lundi sa propre version de la Constitution qui, au contraire, renforce les compétences présidentielles. Le député Azimbek Beknazarov, du mouvement d'opposition Pour les réformes, a crié à la "duperie" lundi après-midi.