Il y a quelques jours, la foule en effervescence s'est emparée d'un char T-34 dans la capitale hongroise. Mais pas pour longtemps. L'engin a couvert une centaine de mètres avant de s'immobiliser. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, cela n'a rien d'insolite dans le cas du T-34.
Des conducteurs de char russes se souviendront, par exemple, que lors des événements de triste mémoire au Karabakh, cette région enclavée dans l'Azerbaïdjan mais peuplée essentiellement d'Arméniens et qui aspire à devenir indépendante, dans les dernières années de l'URSS, des insurgés, à court d'armes, ont descendu un T-34 de son piédestal, l'ont mis en marche avant de l'envoyer directement combattre.
Le T-34, un char dont la production a été lancée en été 1940, aux termes d'un arrêté spécial du Conseil des commissaires du peuple de l'URSS (gouvernement soviétique avant 1946) et du Comité central du Parti communiste de l'URSS, reste jusqu'à nos jours un engin parfaitement apte au combat. Selon des experts, sa conception est incroyablement simple et prodigieusement fiable.
On ne s'étonnera donc pas de voir ces chars, même après des dizaines d'années passées comme monuments aux exploits de la dernière guerre, devenir de nouveau opérationnels.
Rares sont ceux qui savent que des T-34 équipaient même la Wehrmacht et que la division SS das Reich utilisait ces chars pris comme butin de guerre à l'Armée rouge.
Aux Etats-Unis, un T-34 est exposé dans un musée d'aviation de chasse à Phoenix, dans l'Arizona.
En Israël, lors des essais d'un ponton, on n'a pas voulu risquer de voir "couler" un nouveau char. Un vieux T-34-85, pris aux Egyptiens pendant la guerre de 1956, a été retrouvé dans un entrepôt. L'engin était hors service et pendant des années il avait servi de cible. Ce char a été déposé sur la rive. Après quelques tentatives pour le tirer sur le ponton, il s'est soudainement mis en marche, a franchi l'ouvrage avant de tomber dans l'eau.
Des T-34 équipaient les armées de 45 pays du monde. Même les Australiens ont acheté un T-34 à la centrale russe de commerce d'armes, Rosoboronexport, pour l'exposer au Musée national. Mais un fait curieux s'est produit : dans le port où l'engin avait été acheminé, pendant longtemps il a été impossible de trouver une plateforme appropriée pour le transporter. Le char a commencé à gêner la circulation. Le mécanicien russe, qui l'accompagnait, l'a fait démarrer pour le déplacer un peu plus loin, à la grande admiration des badauds.
Dans les entrepôts roumains, un millier de T-34 sont conservés.
Vieux et obsolète, le char n'en finit pas, dans certaines occasions, de manifester sa vitalité légendaire. On sait par exemple - et des documents le prouvent - qu'un T-34 croate a résisté, pendant la guerre de Yougoslavie, à deux impacts de missiles antichars Malioutka. Entretemps, l'équipage du char a eu le temps de détruire deux véhicules blindés de transport de troupes, un camion et un T-55, un char plus récent.
Une question se pose en toute logique : est-il risqué d'avoir, aux quatre points du globe, des centaines d'exemplaires de musée du sempiternel T-34 ? Surtout si l'on n'oublie pas sa capacité phénoménale de quitter, de lui-même, les piédestaux. En réalité, ce n'est pas tellement dangereux. Le fait est que chaque char, avant de devenir un monument ou une pièce de musée, passe obligatoirement par des procédures dites de démilitarisation. L'engin, en mesure de se déplacer, n'a aucune possibilité de mener un combat. Autrement dit, il n'est pas plus dangereux qu'un tracteur agricole. Il n'y a rien d'étonnant à ce que les forces de l'ordre hongroises en aient été quittes pour une bonne frousse ! (Rossiïskaïa gazeta)