"En adoptant ce document, le parlement français a jeté une ombre noire sur l'histoire du pays, sur sa démocratie et ses libertés", a notamment déclaré vendredi à Ankara M. Erdogan.
Et d'ajouter: "Ceux qui essaient de faire la leçon à la Turquie viennent de reculer eux-mêmes d'un pas en arrière en matière de respect des droits de l'homme".
"Ils feraient mieux de se débrouiller d'abord avec leurs propres problèmes chez eux avant de frapper à nos portes. Jamais encore nous n'avons supporté une honte pareille, et nous ne le pardonnerons pas", s'est indigné le premier ministre de la Turquie.
Evoquant ces sanctions qu'Ankara pourrait adopter en réponse au comportement de la France, M. Erdogan a signalé: "Nous allons agir avec sang-froid, et toute notre démarche sera effectuée en connaissance de cause".
Ce disant, le premier ministre turc a rappelé que mardi prochain, le parlement de la Turquie se réunirait en séance extraordinaire pour discuter notamment de l'actuelle situation dans les relations avec la France.
Jeudi 12 octobre, les députés à l'Assemblée nationale de France ont adopté en première lecture le projet de loi rendant passible de prison la négation du génocide arménien. Ledit projet de loi prévoit une peine de prison allant jusqu'à une année et une amende de jusqu'à 43 000 euros pour tous ceux qui nient le génocide arménien dans les années de la Première Guerre mondiale en Empire ottoman.
D'après les auteurs du document, ce nouveau projet de loi doit compléter la loi sur la reconnaissance du génocide arménien adoptée en France en 2001. Un peu plus tard, ce document sera soumis au Sénat (chambre haute du parlement) pour revenir par la suite à l'Assemblée nationale pour la deuxième lecture.
L'adoption de ce projet de loi a provoqué une réaction extrêmement négative en Turquie. Vendredi, les publications dans la quasi totalité des journaux turcs témoignent on ne peut mieux de l'actuel état d'esprit des autorités locales, de l'opinion et des milieux d'affaires du pays.
"En réponse à la décision adoptée (par l'Assemblée nationale française), la Turquie a décidé de réduire au plus bas niveau ses relations avec la France dans tous les domaines: politique, économique, commercial, culturel et militaire", lit-on en substance dans les pages du journal Milliyet.
Selon des sources au ministère turc des Affaires étrangères auxquelles Milliyet se réfère justement, toutes les visites bilatérales, que ce soit au niveau officiel ou d'experts, seront désormais annulées.
"Il s'agit aussi d'exclure dorénavant la France de tous les appels d'offres, lancés par la Turquie", écrit le journal.
"Avec l'adoption de ce projet de loi, c'est la France elle-même qui sera perdante", titre un autre grand quotidien turc - Sabah. Ainsi, le journal rapporte l'intention des milieux d'affaires turcs de déclarer le boycott total des marchandises françaises.
A signaler que, selon les statistiques officielles, le chiffre d'affaires du commerce entre la Turquie et la France se monte de nos jours à quelque dix milliards de dollars.
Encore un grand journal turc - Hurriyet - accuse la France de "génocide de la pensée", tout en avertissant que la réaction d'Ankara à la décision du parlement français serait extrêmement vive.
La presse locale annonce, entre autres, que la mairie de la ville d'Ankara pense à rebaptiser ces rues dans la capitale turque qui portent aujourd'hui les noms liés à Paris et au général de Gaulle.
Par tradition, la Turquie rejette toutes les accusations d'extermination massive de près d'un million et demi d'Arméniens en 1915.