« L’Occident continue de déverser ses déchets en Afrique »

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Notre observateur Alekseï Grigoriev ecrit : Il s’agit de déchets industriels, principalement hautement toxiques, et en conséquence dangereux pour la santé des gens et polluant l’environnement, écrit Alekseï Grigoriev.

 Notre observateur Alekseï Grigoriev ecrit :
Il s’agit de déchets industriels, principalement hautement toxiques, et en conséquence dangereux pour la santé des gens et polluant l’environnement, écrit Alekseï Grigoriev. L’industrie contemporaine, avant tout chimique et pétrochimique, ne peut fonctionner sans laisser une grande quantité de déchets toxiques. S’il s’agit des gaz, ils sont éjectés directement dans l’atmosphère ou brûlés sur place, ce qui est de même dangereux pour les hommes et la nature. S’il est question de déchets solides ou liquides, il faut les entreposer, conserver, retraiter quelque part. Dans des pays industrialisés, les plus gros producteurs de résidus industriels toxiques, les autorités veillent soigneusement à l’application des lois sur l’environnement. La transformation ou l’ensevelissement de tels déchets revient aux producteurs à des dizaines de milliards de $ par an. De plus, la situation écologique dans ces pays est contrôlée par l’opinion publique qui réagit à toutes les violations des lois sur la protection de l’environnement. Mais plus le pays est petit et plus dense est sa population, plus grande est la tentation des entrepreneurs peu scrupuleux, cherchant à économiser sur le retraitement des déchets de leur production, à s’en débarrasser. D’après les données du rapport de l’ONU, en 2001 quelque 8,5 millions de t de déchets toxiques circulaient sur la planète. A peine y en a-t-il eu moins ces dernières années. Une chose est cependant certaine – l’Afrique reste toujours le plus vulnérable des continents pour déverser de tels déchets toxiques, estime Michael Williams, représentant du Programme de l’ONU pour l’Environnement (UNEP) pour la Côte d’Ivoire. Et voici l’opinion de Helene Paryvier, responsable de la campagne en faveur d’une utilisation inoffensive de déchets toxiques à l’organisation écologiste Greenpeace : « Partout où un pays souffre d’une instabilité politique ou économique, la possibilité existera toujours de le traiter comme un dépotoir ». C’est ce qui est arrivé en Côte d’Ivoire, traversant depuis déjà plusieurs années une profonde crise politique et économique. Un véritable crime écologique a été commis le 19 août contre ce pays. Ce jour-là le pétrolier hollandais battant le pavillon panaméen « Probo Koala » a transporté des déchets qui ont été ensuite été déversés dans le quartier de Cocody et dans une quinzaine d’autres sites de la capitale économique ivoirienne Abidjan, peuplée de quatre millions d’habitants. Il s’agit de près de 600 t d’un mélange de gasoil et de soude caustique utilisées pour le lavage des soutes pétrochimiques. Les analyses des experts de l’UNEP a montré que ces déchets déversés contenaient une concentration nocive du sulfure d’hydrogène. Et en conséquence l’air dans de nombreux quartiers d’Abidjan s’est imprégné de l’odeur d’œufs pourris, provoquant des nausées, de fulgurants maux de tête et des difficultés de respiration. Et pendant que les autorités d’Abidjan cherchaient des coupables et leurs complices, essayaient de mettre fin à la panique ayant gagné la population et entamaient la neutralisation des décharges polluées, ce qui a pris presque deux semaines, 8 personnes étaient mortes d’intoxication, quelque 70 personnes étaient hospitalisées et encore 60 mille habitants sont allés consulter des spécialistes dans des cliniques. « Avec ce gaz, la tête brûle comme si tu avais du piment dedans. Est-ce que je sais ce que ce gaz va faire dans ma cervelle dans les mois ou les années qui viennent ? », a dit aux médecins l’une des intoxiquées – Elisabeth Ahouto. La panique à Abidjan a aggravé la situation politique déjà explosive dans la ville. Profitant du chaos dans les rues, le président du pays Laurent Gbagbo a réclamé la démission du gouvernement, l’accusant de l’inaction. Il est vrai que quelques jours après il a repris ses fonctions, mais trois de ses ministres et le Premier ministre par intérim Charles Konan Banny ont été limogés. Il est significatif que les quatre politiques en disgrâce figuraient au nombre des opposants politiques du chef de l’Etat ivoirien. Quant à Probo Koala, s’étant débarrassé du chargement toxique, le navire a immédiatement quitté Abidjan et le 15 septembre a jeté l’ancre dans le port estonien de Paldiski. C’est là que l’organisation écologiste Greenpeace a dépêché son navire Artic Sunrise afin de l’empêcher de prendre le large et que le Parquet des Pays-Bas a ordonné une enquête contre l’affréteur du navire, une grosse société néerlandaise, Trafigura Beheer. A son tour le gouvernement ivoirien a réclamé des autorités estoniennes l’ouverture d’une enquête judiciaire et de la société Trafigura Beheer indemnisation du préjudice et dédommagement des familles des morts et des personnes intoxiquées par des déchets à Abidjan. Il s’est avéré que la société Trafigura Beheer exploitait plusieurs usines navigantes de raffinage du pétrole, amarrées dans la lagune d’Abidjan et utilisait le pétrolier Probo Koala pour leur acheminer du pétrole brut, transporter des agents chimiques destinés au lavage des soutes et évacuer les résidus. On a de même appris que le capitaine du navire en question s’est entendu avec des propriétaires d’une compagnie ivoirienne au sujet du déversement des substances toxiques des soutes de Probo Koala. D’ailleurs deux citoyens français ont assuré la médiation dans ce crime. Ils ont été arrêtés par les autorités ivoiriennes à l’aéroport d’Abidjan au moment qu’ils prenaient des billets pour l’avion à destination de Paris. Ont de même été arrêtés plusieurs intermédiaires ivoiriens, dont trois douaniers. L’enquête de l’affaire n’a que commencé et promet de nouvelles révélations. On sait que la société Trafigura Beheer travaillent dans la région de l’Afrique occidentale depuis déjà quelques années, gagnant par le raffinage du pétrole dans ses usines navigantes jusqu’à 8 millions de $ par an. On aura à élucider où et quand avait elle encore déversé des déchets de sa production. La Convention de l’ONU, régulant le transport et le recyclage des déchets toxiques, interdit à toute entreprise avec siège social en Europe ou en Amérique d’exporter des déchets toxiques dans des pays en développement. Néanmoins, des hommes d’affaires malhonnêtes continuent d’utiliser l’Afrique comme un dépotoir. C’est ce qui s’est produit à Abidjan.

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