Ahmadinejad à l'ONU: un deuxième discours qui n'en dit pas plus long

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Par Dmitri Kossyrev, RIA Novosti

Il y a un an, en septembre 2005, Mahmoud Ahmadinejad, président iranien tout juste élu, avait fait ses débuts à la tribune de l'Assemblée générale des Nations Unies dans son rôle d'homme politique d'envergure internationale en proclamant la fin de l'ère des pressions et intimidations contre ceux qui faisaient preuve d'indépendance dans l'arène internationale. Cela produisit une impression si forte qu'on ne put que tirer la conclusion suivante: si Mahmoud Ahmadinejad réussissait à garder son poste assez longtemps, il deviendrait l'un des leaders respectables des pays en développement. Bien entendu, si le sort de l'Irak ne se répétait pas pour l'Iran.

Mahmoud Ahmadinejad est resté au pouvoir. Quant au rôle de leader, c'est un peu plus compliqué, à en juger par le discours qu'il vient de prononcer à la 61e session de l'Assemblée générale des Nations unies.

Le président iranien est monté à la tribune en costume gris et chemise rose à col déboutonné, au moment (entre 19h30 et 20h) où l'auditoire de l'Assemblée générale était un peu fatigué. Mais il ne s'agit pas que de cela. On ne fait pas ses débuts deux fois et, d'ailleurs, Mahmoud Ahmadinejad a prononcé, durant sa carrière, tant de discours que son style est déjà familier. En outre, ce qui était considéré il y a un an comme le courage d'un homme voué à l'échec se présente aujourd'hui un peu autrement. A présent, il ne fait aucun doute que M. Ahmadinejad et l'Iran qu'il représente garderont encore longtemps leur place dans l'arène mondiale. Par conséquent, il était logique d'attendre de cet homme quelque chose de foncièrement nouveau, qui aurait pu renforcer sa réputation de leader.

Et ce fut le cas. S'il y a un an (et maintes fois par la suite) il avait critiqué, pour l'essentiel, les Etats-Unis et Israël, cette fois-ci, c'est le Conseil de sécurité de l'ONU qui est devenu la cible de ses critiques. On n'entend pas souvent dire que le Conseil de sécurité manque de légitimité, ni que sa structure et ses méthodes de travail ne correspondent pas aux besoins de l'humanité.

On sait que, théoriquement, c'est le Conseil de sécurité qui peut prendre la décision de frapper l'Iran de sanctions, comme le rappelle sans cesse la diplomatie américaine. Mais Mahmoud Ahmadinejad a évoqué autre chose, l'activité du Conseil de sécurité pendant les guerres en Irak et au Liban. Dans tous ces cas, rappelle le président iranien, le Conseil de sécurité a été "paralysé" par les pays qui ont joué un rôle actif dans la guerre ou qui ont soutenu un allié qui avait lui-même déclenché la guerre (évidemment, il est question des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne).

On a beaucoup parlé et écrit à ce sujet. Mais personne n'a critiqué le Conseil de sécurité, à l'instar du président iranien, du point de vue des principes de la justice suprême, de l'amour, de la compassion, de la vérité et de la paix, en déclarant que la spiritualité et l'éthique devaient régner dans les rapports entre les peuples.

Il est à remarquer qu'Ahmadinejad a mentionné Dieu au moins 15 fois dans son discours, brillant sermon religieux digne du représentant d'une civilisation qui était déjà ancienne à l'époque où l'empereur Constantin édifiait Byzance. D'ailleurs, c'était un sermon dépassant le cadre de l'islam et se référant aux principes communs de toutes les religions apparues en Terre Sainte, de tous les "peuples du Livre": les chrétiens, les juifs et les musulmans.

Cependant, l'injustice et l'amoralité de l'ordre mondial sont des sujets permanents à l'ONU depuis la deuxième naissance de cette organisation, lorsqu'elle avait admis, à la charnière des années 50 et 60, des dizaines de nouvelles nations qui venaient d'accéder à l'indépendance. Par exemple, la comparaison des dépenses militaires des Etats-Unis et d'autres grandes puissances avec les besoins financiers de tel ou tel continent pour la lutte contre le sida ou le manque d'eau potable constitue l'un des grands sujets classique de l'ONU, qui retentit peut-être à sa tribune au moment où vous lisez ces lignes.

Les discours de ce genre sont utiles, mais ils figurent parmi de nombreux autres facteurs qui contribuent à la croissance économique et, par conséquent, à l'accroissement de l'influence des pays en développement. Les gens lucides et expérimentés à qui était destiné le discours de Mahmoud Ahmadinejad comprennent que s'il est utile dire à haute voix ce qui est clair pour tout le monde, une politique réaliste continuera à être concrètement appliquée. Et celle de Téhéran, qui se distingue par une rare capacité à diriger les pourparlers sur ses programmes nucléaires, en est un exemple flagrant. Tout le monde comprend que le Conseil de sécurité n'est pas idéal, mais, sans lui, la situation serait pire. Bref, il est bon de faire un diagnostic, mais le mieux est de savoir guérir la maladie.

Sa recette se résume à ceci: le président iranien propose à l'Assemblée générale - c'est-à-dire à l'ONU dans son ensemble - de "sauver le Conseil de sécurité". Pour rendre le Conseil de sécurité conforme aux principes de la justice suprême, Mahmoud Ahmadinejad propose d'y admettre, en qualité de membres permanents jouissant du droit de veto, les représentants du Mouvement des non-alignés (116 pays, soit presque la totalité du monde en développement), de l'Organisation de la Conférence islamique et de l'Union africaine. Mais un des problèmes principaux mentionnés par le président iranien ne serait toujours pas réglé: les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne jouiront tout de même du droit de veto au Conseil de sécurité. Par conséquent, cela ne changerait que bien peu de choses. En fait, il s'agit d'une belle idée, mais qui n'a rien de nouveau, il est donc douteux qu'elle puisse assurer aux nations un avenir radieux.

L'Iran n'est pas l'unique pays prétendant au rôle avantageux sur le plan stratégique de leader du monde en développement. Ainsi, la Chine brigue depuis longtemps cette place honorifique, c'est l'une des sources de son influence croissante dans le monde. Mais Pékin le fait lentement et graduellement, sans faire connaître toujours ses positions aussi éloquemment que le fait aujourd'hui Téhéran. Les résultats obtenus par Pékin sont autrement plus impressionnants que ceux enregistrés par le leader cubain permanent Fidel Castro. Ce dernier a prononcé presque tous les ans à l'ONU, depuis des décennies, des discours dont la justesse a été reconnue par la majorité des auditeurs, mais, chaque année, ceux-ci se sont demandés: tout cela a été prononcé une nouvelle fois à haute voix, mais qu'est-ce qui a réellement changé?

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