Les discussions autour des phares de la flotte russe de la mer Noire stationnés dans la presqu'île de Crimée se poursuivent depuis plus d'un mois. En 2005, l'Ukraine déclarait que les plus de 80 ouvrages hydrographiques gérés "illégalement" par le ministère russe de la Défense devaient bientôt devenir propriété nationale.
En janvier dernier, on recensait plusieurs tentatives d'incursion sur des sites de la Marine russe. Le 6 janvier, trois responsables des autorités hydrographiques ukrainiennes ont essayé sans succès de pénétrer sur le territoire du phare de Ialta. Le 13 janvier, huit agents du service hydrographique du ministère ukrainien des Transports et des Télécommunications ont franchi l'enceinte du phare de Ialta, sous prétexte de contrôle, et ont limité pour un temps l'accès du personnel russe. Le 15 janvier, la Marine russe a enregistré une nouvelle tentative de pénétration sur un de ses sites de Crimée: les gardiens ont empêché l'entrée d'un groupe de cinq inconnus dans l'enceinte du radar Mars-75, près de Guenitchesk.
Le lendemain, le ministre ukrainien de la Défense, Anatoli Gritsenko, déclarait que la flotte russe de la mer Noire ne pouvait plus stationner en Crimée après 2017.
En décembre 2005, au plus fort du différent gazier entre Moscou et Kiev, Anatoli Gritsenko avait promis de réviser les tarifs de stationnement des forces navales russes en Crimée. Son homologue russe Sergueï Ivanov avait alors insisté sur l'inadmissibilité de toute révision de ce tarif. Il avait rappelé que le montant du loyer que la Russie versait à l'Ukraine pour le stationnement de sa flotte de la mer Noire était fixé par le grand Traité russo-ukrainien qui consacrait, entre autres, l'inviolabilité des frontières. Une révision du tarif pourrait donc s'avérer "mortelle", avait alors estimé le ministre russe.
Toujours en décembre 2005, le gouvernement ukrainien a approuvé un calendrier d'inventaire des biens de la flotte russe de la mer Noire en Crimée. Cette annonce a été suivie d'une déclaration accusant la Marine russe d'occuper "illégalement" plusieurs ouvrages à Sébastopol. Le commandant en chef de la Marine russe, Vladimir Massorine, a alors souligné que tout inventaire extraordinaire en Crimée était inadmissible. Pour l'amiral Massorine, l'administration ukrainienne "cherche à remettre en cause les accords ratifiés sur la flotte de la mer Noire et à éviter leur application".
A l'approche des élections législatives mais surtout après le scrutin, la crise dans les relations entre Moscou et Kiev a perdu de son acuité, et l'idée d'un inventaire est tombée dans l'oubli, constate le quotidien russe Kommersant. Le compromis sur les livraisons de gaz à l'Ukraine a également contribué à apaiser les tensions, comme la déclaration du nouvel ambassadeur américain en Ukraine, William Taylor. Ce dernier a notamment indiqué, le 21 juin dernier, que le stationnement des forces navales russes en Crimée ne constituait "pas un obstacle aux ambitions euro-atlantiques de l'Ukraine".
Toutefois, le 23 juin, le commandement de la flotte russe de la mer Noire a fait état d'une tentative d'occupation des locaux de son service hydrographique à Sébastopol. Vendredi dernier, des huissiers ukrainiens accompagnés de plusieurs responsables du ministère de l'Intérieur et des autorités hydrographiques ont présenté un mandat de saisie concernant le bâtiment en question et plusieurs autres ouvrages hydrographiques gérés par la Marine russe.
Une autre tentative d'incursion, cette fois-ci dans l'état-major de la flotte russe de la mer Noire, a été recensée le 28 juin. Selon le service de presse de Marine russe, la provocation serait l'oeuvre de jeunes militants du mouvement ukrainien Fraternité estudiantine.
Peu après, le premier ministre ukrainien Viktor Ianoukovitch a déclaré que le gouvernement n'avait pas l'intention de politiser le dossier du stationnement des forces navales russes.
La dernière provocation des "étudiants" ukrainiens, selon le quotidien russe Rossiiskaïa Gazeta, intervient à la veille des audiences à la Cour d'appel économique de Sébastopol qui doit examiner, le 14 septembre, le pourvoi en cassation russe.
Enfin, la sous-commission bilatérale pour la flotte de la mer Noire doit se réunir en octobre. La position du commandement de la Marine russe reste invariable: l'attitude de l'Ukraine est illégale. Selon les amiraux russes, les phares ne sont qu'un prétexte pour aggraver artificiellement les relations entre les deux pays et relancer le débat sur le stationnement des forces navales russes en Ukraine.