Un successeur de l'orgue de Staline dénommé Smertch

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Parmi les différents types inédits d'arme et de matériel de guerre russes un rôle particulier revient aux lance-roquettes multitubes et surtout à leur version la plus puissante, de 300 mm, dénommée Smertch (Tornade) qu'on appelle parfois le successeur de la légendaire Katioucha, surnommée par les nazis les "orgues de Staline".

Par Victor Litovkine, RIA Novosti

Parmi les différents types inédits d'arme et de matériel de guerre sortant des usines militaires russes un rôle particulier revient aux lance-roquettes multitubes et tout particulièrement à leur version la plus puissante, de 300 mm, dénommée Smertch (Tornade) dont on dit parfois que c'est le successeur de la légendaire Katioucha, surnommée par les Allemands, pendant la Seconde guerre mondiale, orgue de Staline.

Que la Russie ait la primeur mondiale de la création des lance-roquettes multitubes est un fait historique. Le premier brevet d'"Installation mécanisée de tir de roquettes de différents calibres" a été délivré le 9 avril 1939 sous le numéro 3603 aux ingénieurs russes Andreï Kostikov, Ivan Gvaï et Vassili Aborenkov, inventeurs du lance-roquettes Katioucha qui le 14 juillet 1941 détruisit par une seule salve plusieurs trains allemands chargés de combustible, de munitions et de matériel blindé dans la gare d'Orcha. En fait, la gare fut littéralement rasée de la surface de la Terre.

Smertch, dernier dérivé de Katioucha, a vu le jour en 1986 et livré à l'armée en 1989. Avant lui, il y a eu aussi le BM-13, le BM-14, les systèmes Grad, Ouragan et leurs différentes versions. Ces armes viennent en deuxième position dans le monde pour la popularité, après le célèbre pistolet-mitrailleur Kalachnikov, affirme Nikolaï Makarovets, directeur général de l'Usine Splav de Toula, principal concepteur et producteur d'armes multitubes russes. Cette assertion n'a pas besoin d'être prouvée, comme en témoignent les derniers événements au Proche-Orient.

Il est vrai que personne n'a reproché à la Russie d'avoir livré de telles armes au Hezbollah. Pourquoi? C'est que des lance-roquettes Grad (paquet de deux ou plusieurs dizaines de tubes d'acier montés sur un châssis automobile ou sur une autre rampe, version dite "de guérilla", d'une portée de 20 km) sont fabriqués et vendus par une quinzaine de pays partout dans le monde, dans la grande majorité des cas sans licence, donc comme un produit piraté. Les troupes soviétiques qui avaient opéré pendant une dizaine d'années en Afghanistan étaient souvent tombées sous des tirs des Grad que l'URSS avait déjà cessé de produire. L'usine Chtamp de Toula dont les fameux samovars ornés de pittoresques dessins, représentent 5% de la production, les autres 95% étant des lance-roquettes, a cessé de fabriquer et d'exporter des Grad dans les années 1980.

Le monde en guerre se passe bien des produits russes. Il faut pourtant reconnaître que les Grad "version guérilla" dont les moudjahidin afghans et leurs partenaires se servaient contre les troupes soviétiques et que les commandos arabes utilisent largement actuellement, avaient été eux aussi créés à Toula "par décision du Comité central du Parti communiste de l'URSS pour aider le peuple vietnamien frère qui se battait contre l'agresseur américain". Des Grad ont été acheminés par les maquis nord-vietnamiens sur des bêtes de somme par des sentiers secrets au Sud-Vietnam pour attaquer les "bases militaires des Etats-Unis et de leurs marionnettes".

Mais revenons à notre époque.

En quoi le Smertch diffère-t-il de ses prédécesseurs, des Grad, des Ouragan et du célèbre système américain MLRS? Tout d'abord, il est plus puissant et a une portée plus grande et une zone d'efficacité plus vaste contre le personnel et le matériel blindé ennemis. En fait, c'est une arme nouvelle qui surpasse ses prédécesseurs et les modèles étrangers analogues. Voici un argument confirmant sa suprématie.

Le Grad a une portée de 20 km et couvre une zone de 4 hectares. Pour l'Ouragan, les caractéristiques sont de 35 km et de 29 ha, et pour le MLRS, de 30 km et de 33 ha. Le Smertch, lui, tire à une distance de 20 à 70 km (certaines versions à 100 km) et sa zone d'efficacité est immense: 67 ha ou 672.000 m2. Malheur à qui se trouvera dans la zone d'une telle tornade.

La roquette du Smertch, qui pèse 800 kg, a une ogive de 280 kg (les spécialistes affirment que c'est un rapport inédit entre le propulseur et l'élément destructif) qui comporte 72 projectiles de 2 kg chacun. L'angle d'attaque n'est pas comme celui d'un obus classique de 30° à 60° à l'horizontale mais, grâce à un dispositif spécial, absolument droit, de 90%.

Si l'on prend en considération l'existence d'autres versions de la charge explosive (antipersonnel, antichar, incendiaire, à vide ou intelligente, capable de chercher et de capter l'objectif désigné) il va de soit que l'on n'envie guère ceux qui se retrouveraient dans le périmètre balayé par une telle tempête d'acier. Cette arme a aussi une autre particularité. Elle forme un ensemble cohérent avec les radars de détection et de guidage du type de Zoopark, avec les avions d'alerte précoce A-50 (AWACS russes) et les drones Kiptchak qui, à propos, peuvent être lancés depuis la rampe du Smertch. Ce drone évolue pendant vingt minutes au-dessus du champ de bataille pour transmettre au poste de commandement les coordonnées des objectifs qui apparaissent dans un secteur de 10 km sur 10. Intégré dans un tel ensemble Smertch devient une arme de très haute précision et même plus efficace que les missiles tactiques.

Smertch n'est exporté, à ma connaissance, que vers l'Inde et, depuis l'opération "Tempête du désert", vers le Koweït. La Russie n'a jamais transmis ni vendu à personne la licence donnant le droit de fabriquer cette arme. Il n'en existe pas sur la frontière d'Israël. Mais si quelqu'un en découvre, il faut savoir que Moscou n'y sera pour rien. Il s'agira, comme les Grad, d'armes piratées.

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