Les métallurgistes russes ont de nouveau effrayé l'Occident

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Par Alexandre Iourov, RIA Novosti

Les métallurgistes russes ont encore effrayé l'Occident. En mai et juin l'opinion internationale avait attentivement suivi les tentatives, malheureusement vaines, du groupe métallurgique russe Severstal de former le premier producteur mondial d'acier. Aujourd'hui, elle a de nouveau tourné son regard vers la Russie. Cette fois, ce sont les producteurs russes de métaux non ferreux - Sual et RusAl - qui ont brisé son état de quiétude. En s'alliant, ils pourraient donner naissance au plus grand producteur d'aluminium de la planète et le leadership des sociétés américaine Alcoa et canadienne Alcan se dissiperait. Cette éventualité a immédiatement été relayée dans le monde entier par plusieurs médias des plus populaires.

A première vue, tout semble logique. La consommation d'aluminium doublera d'ici vingt ans. La nécessité de supporter une concurrence internationale farouche pousse les plus gros producteurs russes à s'allier. D'après certaines données, si cela arrivait, RusAl détiendrait 75% du nouveau groupe et Sual 25%. En chiffres absolus, les deux sociétés font partie du Top 10 mondial des producteurs de métal pour l'industrie aéronautique: RusAl avec 2,7 millions de tonnes d'aluminium de première fusion et Sual avec 1,05 million. Par conséquent, après l'éventuelle fusion, le nouvel ensemble produirait plus qu'Alcan (3,5 millions de tonnes) et Alcoa (3,4 millions de tonnes) et sa capitalisation totale approcherait les 20 milliards de dollars.

Pour les métallurgistes russes, ce serait un événement plus que bienvenu. Le leadership sur le marché de l'aluminium leur permettrait presque automatiquement d'influer sur le prix de la matière première et de la production finie. Mais en réalité, la fusion de RusAl et Sual est loin d'être évidente. Aucune confirmation de la préparation d'un contrat n'a encore été annoncée, bien que des bruits sur une éventuelle alliance courent depuis deux ans déjà.

Il n'y a pas de fumée sans feu. Du point de vue économique, l'idée d'une fusion RusAl-Sual a l'air parfaitement logique. RusAl fournit 75% de la production d'aluminium nationale et 10% de la production mondiale. La société fournit de l'aluminium à plus de 50 pays du monde. Et pourtant elle souffre en permanence d'une pénurie de matières premières. Sual, à l'inverse, en possède plus qu'elle n'en consomme. Cette dernière produit 5,4 millions de tonnes de bauxite par an (90% de la production nationale) et 2,3 millions de tonnes d'alumine (60%) et regroupe des fonderies d'aluminium qui cependant n'ont pas les moyens de digérer toutes les matières premières disponibles.

Formellement, RusAl pourrait, avec l'aide de Sual, résoudre tous ses problèmes de matières premières et parallèlement aider cette dernière à se débarrasser de ses stocks excédentaires. A ce jour, les entreprises formant le groupe RusAl n'arrivent à s'en approvisionner qu'à 60% et cherchent - et trouvent - de la matière première à l'étranger, en achetant des complexes miniers et en dissipant les raisons apparentes d'une fusion des deux groupes.

Néanmoins, le gouvernement russe semble s'affermir dans sa conviction que l'union des deux sociétés serait profitable au pays. Il y a quelques années, le Service antitrust avait constaté que la Russie exportait 80% de son aluminium primaire et importait deux tiers de bauxite, alors que les prix sur le marché mondial étaient contrôlés par les deux leaders mondiaux: Alcoa et Alcan. D'où la conclusion: la Russie doit concentrer ses efforts pour en finir avec la dépendance envers les matières premières par tous les moyens possibles, notamment en renforçant ses entreprises productrices de matières premières dans les pays de la CEI et dans d'autres Etats étrangers. Objectif principal: faire baisser le prix de l'alumine. Parallèlement, le Service antitrust avait conclu que cet objectif n'était accessible qu'aux entreprises capables de faire concurrence sur le marché extérieur aux plus gros producteurs de la planète, qui dictent les règles du jeu à tous les autres.

Le futur groupe promet de devenir un monopole sur le marché russe et pourtant le Service antitrust semble être enclin à avaliser ce projet dans la mesure où la fusion favorisera l'expansion des milieux d'affaires russes sur le marché mondial.

En attendant, RusAl et Sual n'ont actuellement aucune expérience de coopération pratique. C'est seulement en avril 2006 qu'elles ont signé leur premier accord de participation sur un pied d'égalité au projet Komi Aluminium portant sur l'élaboration, la construction et l'exploitation d'un complexe minier sur la base du plus important gisement de bauxite d'Europe dont les réserves prouvées sont estimées à 260 millions de tonnes. Les deux partenaires se proposent de porter leur production de bauxite à 6 millions de tonnes vers 2008 et de construire une usine d'alumine d'un rendement de 1,4 million de tonnes par an.

D'ailleurs, une plus large alliance des deux sociétés russes ne suscitera pas de changement sérieux sur le marché mondial. La Russie continue de vendre son aluminium en lingots tandis que la transformation plus approfondie de ce métal constitue une bonne partie des activités d'Alcoa et d'Alcan. Dans les années à venir, les sociétés russes, agissant isolément ou s'alliant pour former un nouveau géant, ne seront pas en état d'évincer leurs collègues d'outre-Atlantique. Ceux-ci seront pourtant obligés de compter avec l'aluminium russe.

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